Qant: Révolution cognitive et Avenir du numérique

Chaque jour, les tendances de la tech et l'IA par Jean Rognetta et Maurice de Rambuteau

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Par QANT: Révolution cognitive et Avenir du numérique
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Whatever it takes, 2

Le rapport Draghi est d'abord un appel à la mobilisation contre le retard numérique européen • Google publiera le pedigree des images • Amazon mise sur l'IA générative pour optimiser ses livraisons • Rendez-vous en 2027 pour le dollar numérique australien • Bienvenue dans Qant, jeudi 19 septembre 2024.

« Le progrès est devant nous, à condition de dépasser sa propagande » Paul Virilio

L’IA est au coeur du cri d’alarme de Mario Draghi pour l’Europe

Le débat sur le rapport Draghi a pris un tour politique : l’Allemagne contre la France, le centre contre les extrêmes… Depuis dix jours, chacun prend position pour ou contre un nouvel emprunt mutualisé pour relancer les investissements sur le Vieux Continent. Il conviendrait de ne pas perdre de vue l’essentiel, qui émerge à la lecture du rapport. La racine du mal européen, c’est le retard numérique, face à l’IA.

L’Europe en pointe dans les énergies vertes, à la traîne dans le numérique (Source : Rapport Draghi)

Le rapport sur la compétitivité européenne, rédigé par Mario Draghi et publié il y a dix jours, analyse la perte de la compétitivité européenne. Il explore l'impact à venir de l'intelligence artificielle sur la réindustrialisation de l'Union et met en lumière les opportunités et défis que représente l'IA pour des secteurs clés comme l'énergie, la santé et les produits pharmaceutiques, tout en soulignant la nécessité d'une coordination accrue, d'un cadre réglementaire plus souple, et d'un soutien financier pour les entreprises innovantes.

Bien que certains secteurs numériques, comme le cloud, semblent irrémédiablement dominés par des entreprises non-européennes, l’ancien président de la BCE insiste sur le fait que l'IA donne l’occasion à l’Europe de reprendre position sur la scène technologique mondiale. Un message crucial, perdu sous le bruit de ces derniers jours. Et une chance historique, à saisir…

… Whatever it takes.

Google met la lumière sur les contenus IA

  • Google s’apprête à déployer une technologie permettant d’identifier si une image a été capturée par une caméra, modifiée par un logiciel comme Photoshop ou générée par intelligence artificielle. Les résultats de recherche incluront une mise à jour de la fonction « A propos de cette image » pour informer les utilisateurs sur l’origine des photos.

  • Cette initiative fait partie du standard d’authentification de la Coalition for Content Provenance and Authenticity (C2PA), soutenu par des entreprises comme Microsoft, Adobe et OpenAI. Le standard permet de tracer l’origine des images via une intégration dans les matériels et logiciels.

  • Google prévoit d’intégrer les métadonnées C2PA dans ses systèmes publicitaires et explore des moyens de les utiliser sur YouTube. Malgré l’adoption par certaines entreprises, la compatibilité avec l’ensemble des appareils reste un défi.

  • À SURVEILLER. L’adoption de ce standard pourra renforcer la lutte contre la désinformation visuelle, mais son succès dépendra de sa généralisation à plus de plateformes et appareils.

Et par ailleurs : Hong Kong, SocialAI

  • Le gouverneur de Californie, Gavin Newsom, a signé deux lois visant à protéger les acteurs et artistes contre l'utilisation non autorisée de leurs répliques numériques générées par l'IA, exigeant des contrats spécifiques et l'accord des ayants droit pour les artistes décédés. En savoir plus…

  • Selon Bloomberg, le gouvernement de Hong Kong prévoit de publier d'ici fin octobre des directives sur l'utilisation de l'intelligence artificielle dans le secteur financier. L’objectif est de promouvoir une adoption éthique de l'IA dans les marchés traditionnels, bancaires et de cryptomonnaie. En savoir plus…

  • Un cinquième des médecins généralistes britanniques utilisent des outils d'IA comme ChatGPT pour des tâches quotidiennes comme la rédaction de lettres après des consultations ou la suggestion de diagnostics, selon une étude réalisée au Royaume-Uni. En savoir plus…

  • Lancée en début de semaine, l'application SocialAI est un nouveau réseau social où l'utilisateur interagit uniquement avec des bots d'IA, créant un espace privé et personnalisé pour partager ses pensées et recevoir des réponses automatiques de diverses "personnalités" programmées. En savoir plus…

Les monopoles sont responsables des pires hallucinations de l'IA générative

Par Max von Thun

Max von Thun est directeur de l'Europe et des partenariats transatlantiques à l'Open Markets Institute.

L'écosystème de l'IA est en proie à la collusion entre les grandes entreprises technologiques. Chacune d'entre elles se précipite sur le marché avec des produits peu sûrs, pour asseoir sa propre domination et convaincre les investisseurs qu'elle n'est pas en train de se laisser distancer. Les décideurs politiques et les régulateurs devront faire preuve de plus d'imagination – et d'assurance – dans leurs réponses.

Max von Thun,Open Markets Institute

Si le déploiement précipité de l'IA générative est en partie motivé par une complaisance monopolistique, il consacre également le pouvoir de marché des grandes entreprises technologiques, qui leur a permis de disposer des quantités massives de données, de la puissance de calcul, de l'expertise et du capital qui leur ont permis de développer de grands modèles de langage en premier lieu.

Google et Meta utilisent l'IA générative pour renforcer leur duopole dans le domaine de la publicité numérique, tandis que la demande de puissance de calcul alimentée par l'IA consolide la mainmise de Microsoft et d'Amazon sur le cloud. Les outils d'IA alimentent également les machines de surveillance et de manipulation avides de données de ces entreprises. La question de savoir si les utilisateurs profitent de la technologie n'est qu'une réflexion après coup.”

Amazon utilise l'IA générative pour optimiser ses livraisons et ses entrepôts

Amazon intègre l'intelligence artificielle générative dans ses opérations logistiques afin d'accélérer les livraisons, tout en améliorant l'efficacité de ses robots d'entrepôt et en réduisant son empreinte carbone.

Amazon utilise désormais l'intelligence artificielle générative pour améliorer ses opérations de livraison, en particulier en ce qui concerne les expéditions le jour même. Cette technologie permet d'optimiser les itinéraires de livraison, d'améliorer les capacités des robots dans les entrepôts et de mieux prévoir la répartition des produits dans ses centres logistiques. L'objectif est de réduire les distances parcourues par les colis, ce qui favorise à la fois la rapidité de livraison et la durabilité des processus.

Un dollar australien numérique interbancaire en 2027

  • La Banque centrale d'Australie (RBA) lance un programme de trois ans pour développer une monnaie numérique dédiée aux transactions interbancaires.

  • Ce projet, nommé Acacia, vise à explorer les bénéfices du dollar australien numérique pour les banques commerciales et centrales, notamment en réduisant les risques de contrepartie, en améliorant la transparence et en renforçant la liquidité. Une monnaie numérique de détail poserait des défis, comme des coûts d'emprunt plus élevés ou un risque accru de retraits bancaires massifs.

  • La RBA continuera de s'intéresser aux applications transfrontalières du dollar australien numérique et à la tokenisation des actifs, tout en établissant des forums consultatifs avec l'industrie et le milieu académique pour encourager l'innovation financière.

  • À SURVEILLER. Le succès du programme dépendra de l'adoption par d'autres banques centrales et des évolutions technologiques liées à la tokenisation et aux contrats intelligents.

Et par ailleurs : Google Cloud…

  • Selon Bloomberg, le Japon envisage d'assouplir ses réglementations sur les cryptomonnaies, alors que de nombreuses entreprises locales, comme Sony et Mitsubishi UFJ Financial Group, lancent des initiatives basées sur la blockchain, tout en réclamant notamment une réduction des taxes élevées sur les gains issus de la crypto. En savoir plus…

  • Google Cloud a lancé un service de Blockchain Remote Procedure Call (RPC) compatible avec Ethereum, facilitant l'accès des développeurs à des données blockchain et améliorant la fiabilité des applications décentralisées, avec des plans d'extension à d'autres blockchains l'année prochaine. En savoir plus…

Des nouvelles lunettes AR pour Snap

  • Snap a dévoilé la cinquième génération de ses lunettes de réalité augmentée Spectacles. Ces lunettes, dotées du nouveau système d’exploitation Snap OS, sont réservées aux développeurs pour 99 dollars par mois (environ 90 euros).

  • Les nouvelles Spectacles disposent d’une interface qui réagit aux mouvements et à la voix. Elles sont capables de mieux comprendre l’environnement de l’utilisateur pour afficher des effets de réalité augmentée.

  • À SURVEILLER. Le développement de la réalité augmentée pourrait offrir à Snap un avantage compétitif, si l'adoption de la réalité mixte par le grand public se généralise.

EN EXCLUSIVITÉ POUR LES ABONNES :

• L'intégration de l'IA dans des secteurs stratégiques comme l'énergie et la santé est essentielle pour renforcer la compétitivité de l'UE, mais elle nécessite une meilleure coordination et des financements adaptés, explique le rapport Draghi.
• Les grandes entreprises technologiques, en quête de domination du marché, lancent des IA génératives peu fiables, entraînant des erreurs dangereuses et un manque de concurrence.
• L'intégration croissante de robots intelligents dans les entrepôts d'Amazon, guidés par l'IA générative, interroge sur le futur de l’emploi et l’empreinte carbone.

L’IA est au coeur du cri d’alarme de Mario Draghi pour l’Europe

Le rapport sur la compétitivité européenne, dirigé par Mario Draghi, explore l'impact potentiel de l'intelligence artificielle sur la réindustrialisation de l'Union européenne. Il met en lumière les opportunités et défis que représente l'IA pour des secteurs clés comme l'énergie, la santé et les produits pharmaceutiques, tout en soulignant la nécessité d'une coordination accrue, d'un cadre réglementaire plus souple, et d'un soutien financier pour les entreprises innovantes.

L’Europe en pointe dans les énergies vertes, à la traîne dans le numérique (Source : Rapport Draghi)

Le rapport sur la compétitivité européenne, rédigé par Mario Draghi et publié le 9 septembre dernier, met en avant les enjeux liés à l'essor de l'intelligence artificielle en Europe. Bien que certains secteurs numériques, comme le cloud, soient déjà dominés par des entreprises non-européennes, il insiste sur le fait que l'IA donne l’occasion à l’Europe de reprendre position sur la scène technologique mondiale.

Depuis 2017, environ 70 % des modèles d'IA ont été développés aux États-Unis, et trois géants américains du cloud contrôlent plus de 65 % du marché mondial et européen. Néanmoins, le rapport souligne que l’Europe dispose encore d'atouts dans certains segments de l'IA, notamment dans la robotique autonome. Ce secteur représente 22 % de l’activité mondiale, une indication que l’UE a un rôle à jouer dans cette industrie. En outre, environ 17 % des services liés à l'IA sont basés en Europe, ce qui laisse penser qu'il est possible d'y consolider une position de leader.« Alors que le monde est à l'aube d'une révolution de l'IA, l'Europe ne peut pas se permettre de rester bloquée dans les « technologies et industries intermédiaires » du siècle dernier. Nous devons libérer notre potentiel d'innovation. Cela sera essentiel non seulement pour être à la pointe des nouvelles technologies, mais aussi pour intégrer l'IA dans nos industries existantes afin qu'elles puissent rester à l'avant-garde », explique le rapport.

Une nécessaire intégration verticale de l’IA

L'intégration verticale de l'IA dans les industries européennes, comme la pharmacie, l'énergie ou l'automobile, pourrait devenir un moteur essentiel pour accroître la productivité. Selon Draghi, cette transition numérique serait cruciale pour combler l’écart de productivité qui persiste entre l’Union européenne et les États-Unis, largement dû à la prédominance du secteur technologique outre-Atlantique. Il met cependant en garde contre les difficultés rencontrées par les entreprises européennes innovantes à obtenir des financements adéquats, ce qui freine leur développement et leur capacité à rivaliser à l’échelle mondiale.

Le rapport met également en lumière l'impact de l'IA sur l'emploi en Europe. Jusqu'à présent, l'automatisation a davantage amélioré les conditions de travail qu'elle n'a remplacé des emplois, et Draghi insiste sur l'importance de renforcer l’éducation et la formation continue pour maximiser les bénéfices de ces avancées technologiques.

L’IA pour la sobriété énergétique

Parmi les arguments en faveur d'une politique européenne proactive sur l'IA, Mario Draghi insiste dans son rapport sur la capacité de l'intelligence artificielle d'accélérer la transition énergétique de l'UE vers un système plus propre et décentralisé, tout en améliorant l'efficacité énergétique et la fiabilité des systèmes. Selon lui, l'IA peut aider à prévoir la production et la demande d'énergie, à optimiser l'intégration des énergies renouvelables et à améliorer la gestion des réseaux et des infrastructures énergétiques. Cependant, son déploiement présente des défis, notamment en termes de sécurité et de consommation d'énergie accrue. Les centres de données, nécessaires pour traiter les données liées à l'IA, devraient consommer une part croissante de l'électricité de l'UE. En outre, des obstacles comme la modernisation des infrastructures énergétiques, l'interopérabilité des données et le développement des compétences doivent être surmontés. Un cadre de soutien bien conçu est essentiel pour assurer une transition énergétique juste et inclusive, tout en garantissant que les technologies de l'IA bénéficient à tous.

Parmi les autres secteurs cités, la santé et des produits pharmaceutiques, notamment à travers des "produits combinés" qui intègrent des systèmes de délivrance de médicaments avec des algorithmes IA, permettant des thérapies plus précises et personnalisées. En 2022, l'UE a dépensé 2,6 milliards USD dans l'IA pour la santé, et ce montant devrait augmenter de plus de 40 % par an. L'IA est déjà utilisée pour améliorer le diagnostic médical, découvrir de nouveaux médicaments plus rapidement, et personnaliser les thérapies en analysant les données des patients.

Un besoin de coordination

Draghi propose plusieurs pistes pour accélérer l'innovation dans le domaine de l'IA en Europe. Il recommande de promouvoir une plus grande coordination entre les industries pour favoriser le partage de données et de renforcer l'accès des start-up aux capacités de calcul à haute performance, notamment via l'utilisation des superordinateurs européens. Ces mesures visent à soutenir le développement de nouvelles applications d'IA tout en intégrant davantage les petites et moyennes entreprises (PME) innovantes dans cet écosystème.

Le rapport appelle également à une réévaluation des politiques de concurrence pour permettre une consolidation dans certains secteurs stratégiques, comme celui des télécommunications, afin de soutenir les investissements nécessaires à l'innovation. Cependant, cette approche pourrait être controversée, car certaines voix estiment que la concentration du marché risque d’affaiblir la concurrence.

Assouplir la réglementation

Enfin, Draghi insiste sur l’importance d’un cadre réglementaire adapté à l’IA. Bien que l'Union européenne ait adopté une approche précautionneuse dans ce domaine, il souligne que certaines réglementations, comme celles de l'AI Act, pourraient freiner l'innovation. Il propose donc un allègement des contraintes pour les entreprises innovantes, notamment via des "bacs à sable réglementaires" permettant de tester et d’ajuster les lois en fonction des avancées technologiques.

L’intelligence artificielle est perçue comme une opportunité pour l'Europe de rattraper son retard dans le domaine numérique. Toutefois, le succès de cette stratégie dépendra de la capacité de l’Union européenne à simplifier ses cadres réglementaires et à mobiliser des financements, tant publics que privés, pour soutenir les entreprises dans ce domaine clé. Le rapport de Draghi servira de base aux prochaines initiatives de la Commission européenne pour renforcer la compétitivité de l'UE à l'échelle mondiale.

Pour en savoir plus :



Les monopoles sont responsables des pires hallucinations de l'IA générative

Par Max von Thun

Max von Thun est directeur de l'Europe et des partenariats transatlantiques à l'Open Markets Institute.

L'écosystème de l'IA est en proie à la collusion entre les grandes entreprises technologiques. Chacune d'entre elles se précipite sur le marché avec des produits peu sûrs, pour asseoir sa propre domination et convaincre les investisseurs qu'elle n'est pas en train de se laisser distancer. Les décideurs politiques et les régulateurs devront faire preuve de plus d'imagination – et d'assurance – dans leurs réponses.

Max von Thun,Open Markets Institute

En mai, Google a lancé une mise à jour attendue de longue date qui intègre l'intelligence artificielle générative dans son moteur de recherche. Désormais, les utilisateurs qui recherchent des informations aux États-Unis voient parfois s'afficher un aperçu généré par l'IA qui résume les résultats, suivi de la liste habituelle des sites web classés par ordre de pertinence.

Les premiers jours, des internautes ont signalé des réponses bizarres, inexactes, voire carrément dangereuses, fournies par la nouvelle fonction « AI Overviews ». Le modèle suggérait d'utiliser de la colle pour faire adhérer le fromage à la pizza, vantait les bienfaits cardiovasculaires de courir avec des ciseaux et affirmait que l'ancien président des États-Unis, Barack Obama, était musulman. Google s'est empressé de corriger ces erreurs, mais de nombreux experts affirment qu'elles sont intrinsèques à la technologie. Le PDG de Google, Sundar Pichai, a lui-même décrit ces «hallucinations» comme un «problème non résolu» et une «caractéristique inhérente» de la technologie. Admettant tacitement son échec, Google semble avoir réduit la proportion d'utilisateurs à qui les aperçus sont présentés.

Too big to care

Google a été largement – et à juste titre – critiqué pour avoir lancé une technologie manifestement impropre à l'usage et susceptible de nuire aux utilisateurs. Mais peu de gens se sont demandé pourquoi le géant de la technologie a pu agir de manière aussi effrontée. La réponse est simple : il est, selon les termes de Lina Khan, présidente de la Commission fédérale du commerce, «trop gros pour s'en soucier». Google contrôle environ 90 % du marché mondial de la recherche sur le web et subit peu de pression de la part de la concurrence. Il peut lancer un produit peu fiable ou dangereux sans craindre de perdre des utilisateurs au profit de ses rivaux.

De même, le pouvoir de marché de Google ne l'incite pas à maintenir la qualité. Son moteur de recherche s'est rapidement détérioré au cours des dernières années, les résultats “organiques” étant de plus en plus évincés par les publicités et les contenus indésirables. Cory Doctorow a inventé le terme «enshittification» (“enmerdisation”) pour décrire la pratique des entreprises technologiques consistant à fournir aux consommateurs des services utiles et abordables (ou gratuits), puis à augmenter les prix et à réduire la qualité une fois qu'elles se sont accaparé le marché. Les exemples abondent : Amazon a progressivement augmenté les frais de vente tout en inondant les acheteurs de résultats sponsorisés, tandis qu'Instagram et Facebook, de Meta, diffusent de plus en plus de publicités, de vidéos et d'autres pièges à clics, au lieu d'informations fiables et de mises à jour provenant d'amis et de membres de la famille.

Google, Meta, OpenAI : même combat

La même logique s'applique aux « mises à niveau », comme AI Overviews de Google. Ces modifications intentionnelles et parfois radicales des produits sont vendues sous la bannière progressiste de l'« innovation », mais elles aggravent souvent l'expérience de l'utilisateur. Pour reprendre les propos de Doctorow, on pourrait même parler de «shitovation» (“merdovation”).

Google est loin d'être le seul monopole à avoir lancé un produit d'IA à moitié abouti. Meta a imposé ses nouveaux agents d'IA à des millions d'utilisateurs d'Instagram et de Facebook, même s'ils inventent des faits et se font passer pour des humains. En février, le chatbot ChatGPT d'OpenAI s'est mis à débiter du charabia, y compris en différentes langues mélangées. Les ingénieurs de Microsoft ont critiqué l'entreprise pour avoir publié un générateur d'images, basé sur la technologie d'OpenAI, qui crée des contenus violents, sexualisés et politiquement biaisés. Chaque entreprise a introduit des correctifs ciblés, mais cette approche à la carte n'est pas adaptée à ce qui apparaît de plus en plus comme une technologie fondamentalement peu fiable.

Concurrence pour et sur le marché

Si le déploiement précipité de l'IA générative est en partie motivé par une complaisance monopolistique, il consacre également le pouvoir de marché des grandes entreprises technologiques, qui leur a permis de disposer des quantités massives de données, de la puissance de calcul, de l'expertise et du capital qui leur ont permis de développer de grands modèles de langage en premier lieu. Google et Meta utilisent l'IA générative pour renforcer leur duopole dans le domaine de la publicité numérique, tandis que la demande de puissance de calcul alimentée par l'IA consolide la mainmise de Microsoft et d'Amazon sur le cloud. Les outils d'IA alimentent également les machines de surveillance et de manipulation avides de données de ces entreprises. La question de savoir si les utilisateurs profitent de la technologie n'est qu'une réflexion a posteriori.

La rivalité entre les entreprises technologiques, en particulier la course à l'IA générative, est parfois citée comme une preuve de l'existence de forces concurrentielles dans l'industrie. Mais cet argument ne fait pas la distinction entre la concurrence « pour le marché » et la concurrence « sur le marché ». Les géants de la technologie peuvent sembler se faire concurrence, mais il s'agit presque toujours d'un mirage. En fait, chaque entreprise tente de creuser des fossés autour de sa propre sphère d'influence, ce qui se traduit par une coexistence tendue mais largement statique. Et dans les rares cas de concurrence directe, comme entre Microsoft et Google dans le domaine de la recherche sur le web, les parts de marché restent largement inchangées.

Une fuite en avant

Plus inquiétant encore, l'écosystème de l'IA d'aujourd'hui est truffé de comportements collusoires : les géants de la technologie forment de plus en plus de partenariats qui s'apparentent aux accords lucratifs conclus par Google pour maintenir sa position dominante dans le domaine de la recherche. Il s'agit notamment de l'accord de Microsoft avec Meta sur l'informatique en nuage, d'un partenariat récemment annoncé entre Apple et OpenAI, et des projets de Google d'intégrer ses technologies d'IA dans les téléphones Samsung, dont plusieurs font déjà l'objet d'un examen minutieux de la part des autorités antitrust.

Les géants de la technologie sont en concurrence dans un domaine : chacun veut gagner l'approbation des investisseurs et éviter de donner l'impression d'être à la traîne dans la course à l'armement de l'IA. Mais la combinaison toxique d'une course imprudente à la croissance et de la suppression de la concurrence alimente le déploiement dangereux et inutile de technologies non testées.

L’innovation, plus qu’une fin en soi

Encourager un peu plus de concurrence entre les monopoles technologiques, dans l'espoir qu'ils soient contraints de se concentrer davantage sur la sécurité et la fiabilité, ne suffira pas. Une réglementation contraignante, comme la loi sur l'intelligence artificielle de l'Union européenne, est un premier pas nécessaire pour obliger ces entreprises à rendre des comptes. Mais les décideurs politiques doivent également faire preuve de plus d'imagination dans l'utilisation des outils à leur disposition pour favoriser de véritables alternatives aux géants de la technologie et pour veiller à ce que les utilisateurs ne servent plus de cobayes involontaires. Cela pourrait signifier utiliser la politique antitrust ou investir dans des entreprises qui pourraient remettre en question les monopoles actuels de l'informatique en nuage et de la fabrication de puces.

Tout aussi important, il est temps de cesser de considérer l'innovation comme une fin en soi, indépendamment de l'objectif qu'elle permet d'atteindre ou des intérêts qu'elle défend. Au lieu de cela, nous devons développer une compréhension beaucoup plus nuancée de la manière dont les récits sur l'innovation sont façonnés et orientés par les investisseurs, les entreprises dominantes et d'autres acteurs puissants. Ce n'est qu'à cette condition que nous pourrons avoir une conversation sérieuse sur le rôle de l'IA dans nos sociétés.

Pour en savoir plus :

Amazon utilise l'IA générative pour optimiser ses livraisons et ses entrepôts

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