Qant: Révolution cognitive et Avenir du numérique

Chaque jour, les tendances de la tech et l'IA par Jean Rognetta et Maurice de Rambuteau

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Par QANT: Révolution cognitive et Avenir du numérique
20 nov. · 7 mn à lire
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La menace des IArtistes

Nvidia se diversifie vers le quantique et les télécoms • Avec Scale AI, Llama entre au Pentagone • Mistral structure son offre • Quand l’IA écrit, peint et amuse mieux que les humains, les frontières de l’art vacillent • Un robot coréen parvient à courir un marathon complet sans recharge • Bienvenue dans Qant, mercredi 20 novembre 2024.

« Le progrès est devant nous, à condition de dépasser sa propagande » Paul Virilio

Nvidia fait feu de tout bois

  • Nvidia collabore avec Google pour concevoir des processeurs de calcul quantique en s’appuyant sur son supercalculateur Eos. Cette initiative vise à simuler la physique nécessaire au fonctionnement des processeurs quantiques, afin de surmonter les limitations actuelles.  

  • Le projet explore les interactions entre composants quantiques et environnement, en utilisant des outils d’accélération de calcul pour résoudre les problèmes liés au bruit qui handicapent les systèmes quantiques. 

  • En parallèle, Softbank s’appuie sur les circuits Blackwell et Grace Blackwell pour construire le plus grand supercalculateur du Japon. Plus saisissant, l’opérateur télécoms nippon a utilisé une plateforme de Nvidia pour créer un réseau d’accès radio (RAN) et il mène un essai pilote sur cette “AI-RAN”.

  • À SURVEILLER : La diversification. Selon Nvidia, le passage à l’AI-RAN pourrait générer aux opérateurs télécoms des revenus d’inférence 5 fois plus importants que les recettes de transport. Alors que le quantique reste un horizon lointain, l’AI-RAN répond à un besoin immédiat des opérateurs : celui de trouver sur étagère un produit pour leurs RAN, aujourd’hui créés sur du matériel sur mesure.

Meta s’en va-t’en guerre

  • Scale AI et Meta ont dévoilé Defense Llama, un modèle de langage conçu pour répondre aux besoins spécifiques de la sécurité nationale américaine. Ce modèle repose sur l’architecture de Llama 3 de Meta et a été ajusté pour traiter des informations sensibles liées à la défense. 

  • Defense Llama est capable d’assister dans des missions variées comme la planification militaire, l’analyse stratégique et la communication sécurisée. Il a été entraîné avec des données spécifiques au secteur de la défense, garantissant une meilleure précision et conformité aux règles strictes de ce domaine. 

  • Déjà testé dans des environnements classifiés, le modèle répond à des questions complexes que d’autres modèles généralistes refusent souvent de traiter. Il vise à améliorer la prise de décision en fournissant des analyses rapides et pertinentes tout en réduisant la charge de travail des analystes.

  • À SURVEILLER. En début de mois, Meta a annoncé avoir autorisé l'utilisation de ses modèles d'IA par des agences gouvernementales américaines et des sous-traitants en matière de sécurité nationale. Scale AI n’a pas traîné.

Mistral souffle toujours plus fort

  • La start-up française Mistral AI a présenté plusieurs nouveautés pour sa plateforme Le Chat, conçue pour rivaliser avec des solutions comme ChatGPT. Le Chat intègre désormais des fonctionnalités comme la recherche web avec citations, un outil Canvas pour modifier des contenus comme des maquettes ou des présentations, et la gestion de fichiers complexes, notamment des PDF ou des images contenant des graphiques et équations.

  • Mistral a également dévoilé deux nouveaux modèles : Pixtral Large, capable de traiter textes et images avec ses 124 milliards de paramètres, et Mistral Large 24.11, optimisé pour les analyses de longs documents.

  • Les nouvelles fonctionnalités de Le Chat resteront gratuites en phase bêta. Les modèles Pixtral Large et Mistral Large 24.11 sont disponibles via l'API de Mistral, sur Hugging Face, et prochainement via Google Cloud et Microsoft Azure.

  • À SURVEILLER : Modèles souverains. Alors que l’allemande Aleph Alpha a jeté l’éponge, la France dispose de 4 entreprises et laboratoires qui peuvent produire le futur modèle de la souveraineté européenne : Mistral, Poolside, K et Kyutai.

Distinguer le vrai du faux : pourquoi les humains préfèrent l’IA

Des poèmes plus émouvants, des visages jugés plus réels que nature, et même des blagues jugées plus drôles : les productions d’intelligence artificielle bousculent les critères d’authenticité et interrogent notre capacité à distinguer l’humain de la machine.

L’IA, artiste incompris • Qant, M. de R. avec Midjourney

Une étude récente teste la capacité des lecteurs à différencier des poèmes écrits par une IA de ceux de poètes classiques (lire Qant du 18 novembre). Les participants, exposés à dix poèmes, ont souvent préféré les créations des IA, qu'ils jugeaient plus créatives, immersives et émotionnelles. Moins de la moitié (46,6 %) ont correctement identifié les œuvres générées par IA. Ce taux, inférieur au hasard statistique, révèle la difficulté à différencier les créations humaines des productions artificielles. Il en va de même pour les images et même l’humour. 

Rire est peut-être le propre du robot…

Alibaba, ByteDance, Google, Meituan, Perplexity

  • La tech chinoise recrute en Californie • Donald Trump veut empêcher l’immigration mais pas l’émigration. Les géants chinois de la tech, Alibaba, ByteDance et Meituan, renforcent donc leurs équipes d'IA dans la Silicon Valley. Alibaba recrute pour son moteur de recherche Accio ; ByteDance améliore son modèle de langage Doubao et intègre davantage d'IA dans TikTok ; Meituan développe des outils d'IA pour des services comme la traduction de menus. Il n’est pas clair si les restrictions américaines sur l'accès à certaines technologies critiques comme les puces Nvidia s’appliquent sur le sol américain.  En savoir plus… 

  • Google sommé de se séparer de Chrome • Le département de la Justice américain (DOJ) envisagerait de demander à un juge antitrust d'obliger Google à céder son navigateur Chrome et à séparer Android de ses activités de recherche et de Google Play, selon Bloomberg. Cette proposition vise à réduire le monopole de Google dans la recherche en ligne (lire Qant du 14 septembre 2023), en limitant son contrôle sur les canaux de distribution et en offrant plus de transparence aux annonceurs. L’IA et la recherche générative ne seraient pas touchées.  En savoir plus… 

  • L’IA de Perplexity pour faire ses courses • Perplexity a ajouté une fonctionnalité à son moteur de recherche IA qui permet aux abonnés Pro aux États-Unis d'acheter directement des produits via un bouton "Buy with Pro", avec des informations de paiement et de livraison enregistrées. De plus, Perplexity propose des cartes produit avec des résumés générés par IA pour tous les utilisateurs, ainsi qu'une nouvelle fonction "Snap to Shop" pour poser des questions sur un produit à partir d'une photo, disponible uniquement pour les abonnés Pro. En savoir plus…

La BEI multiplie les obligations numériques

  • La Banque européenne d'investissement (BEI) a émis sa cinquième obligation numérique, d’un montant de 100 millions d’euros, réglée avec le pilote d'euro numérique de gros. Cette opération s’inscrit dans les essais de règlement sur registre distribué (DLT) menés par la Banque centrale européenne, qui s’achèvent ce mois-ci. 

  • Le règlement repose sur des « jetons exploratoires » émis sur la plateforme DL3S de la Banque de France, permettant un règlement atomique, où l’échange des titres et de la monnaie est simultané. 

  • Cette émission a été réalisée via la plateforme Orion d’HSBC, utilisée pour la deuxième fois par la BEI. La Banque centrale du Luxembourg a également participé à cette initiative.

  • À SURVEILLER. Les conclusions des essais détermineront les futures décisions de l’Eurosystème sur l’adoption d’une monnaie numérique pour les règlements interbancaires, “l’euro numérique de gros” longtemps défendu par Paris alors que les banques françaises freinent des quatre fers contre l’euro numérique “de détail”.

Goldman Sachs

  • Goldman Sachs réorganise ses initiatives blockchain • Goldman Sachs prévoit de séparer sa plateforme blockchain GS DAP de sa division Digital Assets pour en faire une solution technologique distribuée, détenue par l’industrie financière. Cette initiative vise à renforcer la connectivité et l’interopérabilité sur les marchés financiers, en collaborant avec des partenaires comme TradeWeb pour développer de nouveaux cas d’usage, notamment dans les obligations. En savoir plus…

Le robot qui courait le marathon

Raibo 2, un robot quadrupède conçu par l’Institut coréen avancé des sciences et technologies, est devenu le premier robot quadrupède à terminer un marathon officiel. Sans recharger ses batteries.

Raibo 2 courant son marathon Source : Wubu Nation

Le robot Raibo2 de l’Institut coréen avancé des sciences et technologies (Kaist) a participé au 22ᵉ marathon de Sangju, en Corée du Sud, une compétition connue pour son parcours difficile. Ce marathon, long comme il se doit de 42,195 km, comprenait notamment deux montées importantes de 50 mètres, situées respectivement aux 14ᵉ et 28ᵉ kilomètres du parcours. Malgré ces défis, Raibo a accompli l’exploit en 4 heures, 19 minutes et 52 secondes, sur une seule charge de batterie.

EN EXCLUSIVITÉ POUR LES ABONNES :

• Poèmes, visages, humour : l’intelligence artificielle défie les perceptions humaines et redéfinit l’authenticité.
• En Corée du Sud, un robot quadrupède termine pour la première fois un marathon complet.

L’art, l’IA et la nature

Des poèmes plus émouvants, des visages jugés plus réels que nature, et même des blagues jugées plus drôles : les productions d’intelligence artificielle bousculent les critères d’authenticité et interrogent notre capacité à distinguer l’humain de la machine.

Notation de l'humain et de l'IA sur 14 mesures de l'excellence poétique • Source : Brian Porter et al.

Une étude récente teste la capacité des lecteurs à différencier des poèmes écrits par une IA de ceux de poètes classiques (lire Qant du 18 novembre). Les participants, exposés à dix poèmes, ont souvent préféré les créations des IA, qu'ils jugeaient plus créatives, immersives et émotionnelles. Dans le cadre de leur recherche, les auteurs de l’étude ont analysé la capacité des lecteurs à distinguer des poèmes écrits par des auteurs classiques, comme Emily Dickinson ou William Shakespeare, de ceux produits par un modèle d’intelligence artificielle. Sur 1 634 participants, moins de la moitié (46,6 %) ont correctement identifié les œuvres générées par IA. Ce taux, inférieur au hasard statistique, illustre la difficulté à différencier les créations humaines des productions artificielles.

Fait notable, les participants ont jugé certains poèmes générés par l’IA comme étant plus « humains » que les œuvres réelles. Des critères comme le rythme, l’esthétique ou l’émotion perçue ont souvent obtenu de meilleurs scores pour les poèmes produits par la machine que pour ceux d’auteurs établis.

Biais d’origine

Les préférences des lecteurs pour les poèmes générés par IA s’expliquent par leur style souvent plus accessible et explicite. Contrairement à certaines œuvres humaines, parfois jugées complexes ou énigmatiques, les créations de l’IA tendent à privilégier des thèmes clairs et des structures rythmiques régulières. Ces caractéristiques séduisent particulièrement les lecteurs non spécialisés. 

Cependant, lorsque les participants savaient qu’un poème avait été écrit par une IA, leurs évaluations devenaient plus sévères. Ce résultat met en évidence un biais de perception persistant : les œuvres artificielles sont jugées différemment en fonction de leur origine présumée. On peut dès lors débattre de la nécessité de signaler l’usage de l’IA dans la création d’œuvres, notamment pour préserver la transparence et éviter les perceptions biaisées.

Double aveugle

Pour parvenir à ces conclusions, les chercheurs ont mené deux expériences distinctes. La première consistait à présenter des poèmes, alternant entre créations humaines et d’autres générées par IA, et à demander aux participants d’identifier leur origine. La seconde visait à évaluer les œuvres sur des critères qualitatifs, tels que l’esthétique, la profondeur émotionnelle et la structure. Les résultats montrent que les poèmes complexes étaient souvent perçus comme artificiels en raison de leur difficulté d’interprétation. À l’inverse, les poèmes d'IA, caractérisés par une simplicité thématique et un style direct, étaient fréquemment considérés comme humains.

Les auteurs de l’étude soulignent que les progrès de l’IA remettent en cause la notion d’authenticité artistique, brouillant la distinction entre créativité humaine et production algorithmique. Alors que les modèles de langage deviennent de plus en plus sophistiqués, leur utilisation dans des contextes artistiques pourrait transformer les attentes des lecteurs et des spectateurs. 

Heuristique insuffisante

Une autre étude datant de l’an dernier, menée par des chercheurs de Cornell et Stanford, révèle que les humains peinent à distinguer les textes générés par intelligence artificielle de ceux écrits par des humains. Dans six expériences impliquant 4 600 participants, les autoportraits verbaux – utilisés dans des contextes comme les rencontres en ligne, les candidatures professionnelles et les annonces – étaient correctement identifiés comme générés par IA seulement 50 % à 52 % du temps, un score équivalent au hasard. Les participants utilisaient des heuristiques intuitives, comme l’usage des pronoms personnels ou un ton chaleureux, pour juger de l’authenticité, mais ces indices s’avèrent facilement manipulables par les modèles d’IA.

Les chercheurs soulignent que ces biais cognitifs ouvrent la porte à des risques de manipulation et de désinformation, les modèles d’IA optimisés pouvant produire des textes perçus comme « plus humains que les humains ». Ils recommandent des solutions comme l’intégration « d’accents IA » dans les contenus générés pour les rendre immédiatement reconnaissables, ou une meilleure éducation du public aux limites de ses propres heuristiques inconscientes. Toutefois, ils notent eux-mêmes que l’efficacité de ces mesures pourrait être limitée face à l’évolution rapide des capacités des modèles d’IA.

Visages trompeurs

Au-delà du texte, la question se pose aussi sur les images générées par IA. Une étude menée par des chercheurs de l’université nationale australienne met en lumière un phénomène contre-intuitif : les visages générés par l'IA sont perçus comme plus « réels » que les visages humains eux-mêmes.

Un visage hyperréaliste • Qant, M. de R. avec Midjourney

Ce phénomène, baptisé « hyperréalisme IA », a été démontré à travers plusieurs expériences où les participants ont systématiquement jugé les visages IA, particulièrement les visages blancs, comme plus humains que les visages réels. L’étude attribue ce biais à l’entraînement des modèles génératifs sur des ensembles de données majoritairement composés de visages blancs, favorisant des caractéristiques moyennes qui amplifient leur réalisme perçu.

L’enquête a également révélé que les personnes les moins aptes à identifier les visages générés par IA étaient souvent les plus confiantes dans leur jugement. Parmi les attributs expliquant cette illusion, les visages IA se distinguent par leur symétrie, leur familiarité et leurs proportions idéales, mais sont perçus comme moins mémorables que les visages humains. 

Rire jaune

De plus beaux poèmes, des visages plus humains et … un meilleur humour. En juillet dernier, une étude de l'université de Californie révélait que les blagues générées par IA sont jugées plus drôles que celles créées par des humains (lire Qant du 12 juillet).

Comparaison entre ChatGPT et des humains sur différents types d’humour (Source : D. Gorenz et al)

Les chercheurs de l'USC ont notamment observé que les modèles de langages utilisent principalement la reconnaissance de "patterns" pour produire de l'humour, alors que les comédiens s'appuient beaucoup sur la communication non verbale. 

Si même l'humour est touché… 

Pour en savoir plus :

Drew Gorenz et al., How funny is ChatGPT? A comparison of human-and A.I.-produced jokes, Arxiv, 2024

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