L'IA, enjeu du procès Google

Le marché des LLM sera-t-il ouvert par l'antitrust américain ou se résoudra-t-il à un duopole entre Google et Microsoft-OpenAI ? En attendant de pouvoir répondre à la question, Pasqal s'affirme comme la future licorne française et l'Europe domine le M&A tech. Bienvenue dans Qant, jeudi 14 septembre.

« Le progrès est devant nous, à condition de dépasser sa propagande » Paul Virilio

Chaque jour, les journalistes de Qant illustrent les tendances de fond qui animent la tech. Ils s’appuient sur Kessel Média et utilisent l’IA générative depuis mars 2022.

L’ÉVÉNEMENT

Le search et les grands jeux de données

Le plus grand procès pour pratiques anticoncurrentielles dans la tech depuis 1998 s’est ouvert mardi à Washington. En filigrane, la structure du marché des LLM.

"Sundar Pichai démoigne au tribunal" (Midjourney)"Sundar Pichai démoigne au tribunal" (Midjourney)

Les chiffres parlent d’eux-mêmes. D’après StatCounter, les recherches sur Internet se répartissent ainsi:

  • Google : 91.85%

  • Bing 3.02%

  • Yandex 1.49%

  • Yahoo! 1.17%

  • Baidu 1.06%

  • DuckDuckGo 0.54%

Pour cimenter ce quasi-monopole, Alphabet maintient des ententes avec les éditeurs d’autres navigateurs que le sien, et en général les plates-formes qui peuvent faire de Google le moteur de recherche par défaut. C’est du moins la clef de voûte de l’argumentaire du département américain de la Justice( DOJ), qui accuse Alphabet de payer dans ce but 10 milliards de dollars par an, principalement à Apple, Samsung, Mozilla et Verizon.

À quoi les avocats d’Alphabet répliquent, notamment, que le fait que Bing de Microsoft soit proposé par défaut sur les PC (comme Google sur Firefox et Safari) n’empêche pas leurs utilisateurs de choisir librement et massivement Google.

Les moteurs de recherche dominants dans le monde (source: StatCounter)Les moteurs de recherche dominants dans le monde (source: StatCounter)

C’est là-dessus que, pour l’essentiel, se décidera la controverse. Mais pour ce faire, le procès devra déterminer si l'accès de Google à d'immenses quantités de données lui confère un avantage déterminant. “Plus vous avez de données pour entraîner vos [modèles] ; plus les marchés peuvent basculer” déclarait au podcast Hard Fork dès le mois de mars Jonathan Kanter, qui dirige aujourd’hui l’équipe du DOJ.

Certes, Google a été pris de court par le vertigineux succès d'OpenAI. Mais Microsoft n’a pas réussi à en profiter pour augmenter l’empreinte de Bing (lire Qant du 1er septembre). Et les prochains LLM de Google, la série Gemini, semblent assez prometteurs pour écarter toute menace à sa position dominante (lire Qant du 25 août). D’après le média The Information, leurs capacités multimodales sont entrainées sur les vidéos de Youtube, ainsi que l’index et les données utilisateurs de Google (dont les conditions d’utilisation ont été changées pour le permettre : lire Qant du 7 juillet). De même, les futurs modèles d’OpenAI sont probablement entraînés, outre leur propre crawler, avec l’index de Bing, qui leur donne accès à tout Internet.

Des modèles comme Claude 2 d’Anthropic et Pi d’Inflexion AI montrent que l’accès aux données n’a pas été, jusqu’à présent, un facteur bloquant à l’accès au marché par de nouveaux entrants. La fulgurante ascension d’OpenAI en donne, d’ailleurs, le meilleur exemple qui soit. Il n’y aura sans doute pas là de quoi influencer le juge, Amit Mehta, que l’on donne comme bien disposé à l’encontre de Google.

Le passé cependant ne préjuge pas de l’avenir, particulièrement à l’heure où se constitue la prochaine génération de modèles, entièrement multimodaux et entraînés sur tout Internet. Les informations qui émergeront dans les semaines à venir du procès Google permettront de décrire la structure du marché dans les années à venir.

Pour en savoir plus :

L’ESSENTIEL : Adobe, Alibaba, Anthropic, Coca-Cola, Ethereum, Google, IBM, Metamask, Microsoft, Nvidia, OpenAI

ROBOTS

Après les échecs, le go, les jeux vidéos… les courses de drones

Un drone entièrement piloté par l’IA s’est imposé sur des pilotes chevronnés dans une série de courses : pour la première fois, l’IA triomphe sur l’homme dans le monde physique.

Un drone propulsé par l'intelligence artificielle, développé par des chercheurs de l'université de Zurich, a battu des pilotes champions du monde lors de courses de drones. Entraîné en deep reinforcement learning (apprentissage par renforcement profond) pendant des courses entièrement virtuelles, Swift AI a remporté 15 des 25 compétitions réelles. Les pilotes humains avaient eu une semaine pour s'entraîner sur le parcours réel. L'IA a analysé en temps réel les images de la caméra embarquée pour détecter les stratégies de course, combinant ces informations avec des capteurs pour déterminer sa position et sa vitesse, puis ajuster sa trajectoire. Cela dit, Swift AI montre encore des faiblesses, notamment une sensibilité aux changements d'éclairage. Mais il est insensible à la fatigue et supporte parfaitement les accélérations.

Pour en savoir plus :

QUANTUM

  • Pasqal, future licorne : La start-up française du quantique Pasqal, qui a marqué les esprits en levant 100 millions d’euros en début d’année (lire Qant du 25 janvier), a été mise à l’honneur ce mercredi à l’occasion de l’édition 2023 des Trophées des Futures Licornes, en présence notamment de la ministre de la Transition énergétique Agnès Pannier-Runacher. Cette cérémonie met en concurrence des entreprises dont les perspectives de croissance et de valorisation appelées à devenir des licornes à horizon 2027.

IA

  • Adobe, IBM et Nvidia montrent patte blanche à la Maison-Blanche : Huit nouvelles entreprises de la tech, dont Adobe, IBM et Nvidia, ont annoncé prendre des engagements vis-à-vis de l'intelligence artificielle, afin de garantir le développement sécurisé de l’IA en attendant une régulation plus complète. Ces accords s'ajoutent aux engagements volontaires annoncés précédemment par d'autres géants de l'IA comme Microsoft et Google. Ces engagements comprennent des tests externes des systèmes d'IA avant leur lancement public, la mise en place de protocoles pour informer les utilisateurs lorsque le contenu est généré par l'IA et l'investissement dans la cybersécurité. Faisant écho aux efforts du gouvernement américain, Anthropic, Google, Microsoft et OpenAI avaient lancé au milieu de l'été le Frontier Model Forum, une organisation industrielle dédiée à assurer un développement sûr et responsable des modèles d'IA de pointe (lire Qant du 28 juillet). Ce forum vise à promouvoir la recherche sur la sécurité de l'IA, identifier les meilleures pratiques, partager les connaissances avec divers acteurs tels que les décideurs politiques et les universitaires, et soutenir les efforts utilisant l'IA pour répondre aux plus grands défis de la société.
    Pour en savoir plus: CNN

  • Feu vert pour le modèle d’Alibaba : Dans un message publié sur son compte WeChat et repris par Reuters, Alibaba a annoncé l'ouverture de son modèle d'intelligence artificielle Tongyi Qianwen au public. Cette annonce indique qu'Alibaba a obtenu l'approbation réglementaire chinoise pour ouvrir en masse le modèle. Des organisations telles qu'Oppo, Taobao, DingTalk et l'université du Zhejiang (à Hangzhou, siège d’Alibaba) ont conclu des accords de coopération pour former leurs propres modèles de langage ou développer des applications basées sur Tongyi Qianwen.
    Pour en savoir plus: Times of India

  • Le fisc américain mise sur l’IA : L'IRS (Internal Revenue Service) américain met en place une technologie avancée et de l'intelligence artificielle pour récupérer les impôts non payés des contribuables les plus aisés et des grandes entreprises. Suite à de nombreuses critiques, l'IRS a réaffirmé son intention de se concentrer sur les contrôles fiscaux des revenus élevés, notamment grâce à l'utilisation accrue de l'IA pour examiner des organismes, comme les hedge funds et les cabinets d'avocats, qui font preuve d’une grande propension à l’optimisation fiscale.
    Pour en savoir plus: CNBC

  • De l’IA, des bulles et beaucoup de sucre : Coca-Cola a lancé une édition limitée de son soda, nommée Y3000, créée à l'aide d’une technologie d'intelligence artificielle pour concevoir à la fois la saveur et l'emballage du produit. Cette boisson, présentée comme le "premier goût futuriste co-créé avec l'homme et l'IA", sera également accompagnée d'une collection de vêtements futuristes en collaboration avec la marque de streetwear de luxe Ambush.
    Pour en savoir plus: CNBC

BLOCKCHAINS

  • MetaMask s’émancipe d’Ethereum : MetaMask, le portefeuille web3 le plus utilisé au monde, vient d'annoncer le lancement d'un nouveau mécanisme logiciel appelé Snaps pour étendre son utilisation aux réseaux blockchain non compatibles avec la Machine Virtuelle Ethereum. Ces modules logiciels permettent d'intégrer différentes fonctionnalités supplémentaires à MetaMask, notamment le rendant compatible avec plusieurs écosystèmes blockchain tels que Cosmos, Solana et Tezos.
    Pour en savoir plus: The Block

  • Une CBDC pour le Népal : La Banque centrale du Népal, la Nepal Rastra Bank (NRB), travaille sur la mise en place d'une monnaie numérique de banque centrale (CBDC) et est en train de modifier ses lois pour permettre son émission, a annoncé son porte-parole au média Forkast. Malgré cela, la NRB a interdit l'utilisation des cryptomonnaies et des stablecoins dans le pays, citant des préoccupations macroéconomiques et le risque de fuite des capitaux.
    Pour en savoir plus: The Crypto Times

EXPERT: CB Insights

M&A tech : l’Europe dépasse les États-Unis

Pour le sixième trimestre consécutif, l’Europe a été la première région du monde par le nombre d’acquisitions dans la tech, même si les États-Unis gardent leur leadership au-dessus de 100 millions de dollars.

 "Volume des opérations de fusion et d'acquisition par région" (Source : CB Insights) "Volume des opérations de fusion et d'acquisition par région" (Source : CB Insights)

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Qant: Révolution cognitive et Avenir du numérique

Qant: Révolution cognitive et Avenir du numérique

Par QANT: Révolution cognitive et Avenir du numérique

Jean Rognetta

Binational franco-italien, économiste de formation, Jean devient journaliste au milieu des années 1990, après avoir fait ses premiers pas dans l’édition et la technologie. Il débute sa carrière au groupe Tests, leader de la presse informatique, puis se spécialise en financement de l’innovation et des PME. Il couvre le sujet pour Les Echos et Capital Finance de 2000 à 2015. En 2016, il rejoint le magazine Forbes et devient directeur de la rédaction de l’édition française.
Pendant la crise financière, il lance l’association PME Finance, à l’origine notamment du PEA-PME et de l’amortissement du corporate venture, ainsi que partiellement de la libéralisation du crowdfunding. Elle fusionne en 2015 avec le groupement d’entrepreneurs Croissance Plus.
Depuis 2020, Jean a lancé la revue SAY, édition française de Project Syndicate, dont il reste contributing editor, le supplément Corporate Finance du Nouvel Économiste et la collection Demain! aux Editions Hermann.

Maurice de Rambuteau

Diplômé du Centre de Formation des Journalistes (CFJ Paris) et de l'Ecole Supérieure de Commerce de Paris (ESCP BS), Maurice de Rambuteau a fait ses premières armes de journaliste dans le sport, pour le site et le magazine SoFoot, puis au sein de la rédaction football de L'Equipe. Il s'est ensuite tourné vers le journalisme économique au sein de la rédaction de La Croix, avant de donner libre cours à sa passion pour la technologie en rejoignant Qant en juin 2022 pour un premier tour d’horizon de l’IA générative. Depuis, il a percé les mystères des blockchains et du métavers et, surtout, passé des dizaines de modèles d’IA au banc d’essai.

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