Comme un parfum de Musk (et de carbone)

CETTE SEMAINE DANS L'IA ET LES TECHS • La COP30 s'ouvre aux questions d'IA • La vérité si je mens : Musk sans la hype • OpenAI fait feu de toutes puces • Atlas décrypté par ses prompts • Siri se tourne vers Gemini • Amazon menace Perplexity • Comment mesurer l’impact économique de l’IA • Bienvenue dans Qant, le 9 novembre 2025.

« Le progrès est devant nous, à condition de dépasser sa propagande » • Paul Virilio

COP-Tesla, même combat ?

L’approche de la COP30 à l’IA et l’assemblée générale de Tesla révèlent la même ambivalence profonde du numérique et de sa hype.

Les illustrations de ce numéro de Qant rendent hommage à la peintre brésilienne Tarsila do Amaral (1886-1973)

Pour la première fois, la Conférence des Parties (COP) qui s’ouvre demain consacrera une partie de ses travaux à l’impact climatique croissant du numérique. Elle posera un regard ambivalent : l’IA peut apporter quelques solutions aux problèmes du dérèglement climatique, mais elle accélère le développement des centres de données et de leur dévorant appétit pour l’eau et l’électricité. Et, depuis des années, la désinformation sur le climat et la science la frappe de plein fouet.

Étonnamment, la même ambivalence touche Tesla. Ses résultats énergétiques sont réels : les 31 GWh de stockage déployés en 2024 (+70% en glissement annuel) auraient permis, selon l’entreprise, d’éviter l’émission de 32 millions de tonnes de gaz à effet de serre (GES). Une nouvelle usine de cathodes est en construction et sa raffinerie de lithium au Texas, qui peut produire 50 GWh de matériaux de batterie annuellement, est la plus grande hors de Chine. Si son nouveau plan stratégique, adopté la semaine dernière, a été baptisé « Abondance Soutenable », c’est peut-être là plus qu’un souvenir nostalgique.

La maladie de l’hyperbole

La réalité de ce plan, toutefois, se heurte à la maladie de l’hyperbole, proche de la désinformation, qui a sans doute contribué à rapprocher Elon Musk de Donald Trump. Le repositionnement du constructeur automobile vers la robotique et l’énergie est un pivot digne d’une start-up, clair depuis cet été. Il a été éclipsé par la promesse de l’attribution gratuite de 12 % du capital à Elon Musk, par tranches conditionnelles. Ces actions vaudraient, aujourd’hui, moins de 200 milliards de dollars. Elle n’en vaudront 878 milliards (et non un billion, encore moins un trillion) que si la valorisation de l’entreprise s’envole, bien au-delà des critères irréalistes qui la sous-tendent aujourd’hui.

Alors que les fondamentaux s’affaiblissaient, le ratio prix/bénéfices a dépassé 225, contre une moyenne sur douze mois de 176,2. Que l’on soit investisseur, analyste ou journaliste, le style de communication de Tesla rend impossible de comprendre où en est réellement l’entreprise, par rapport à des concurrents moins bruyants mais plus factuels : BYD, Waymo, XPeng, Figure… La foi (en Musk) prête son supplément à la raison éblouie.

Cette affection semble universelle. Malgré la correction sur les valeurs tech et IA, les rares sociétés quantiques cotées à New York ont augmenté d’environ 1 900 % en un an. OpenAI achète à prix d’or son indépendance de Microsoft, apparemment sans tenir compte des risques financiers et technologiques que cela implique. Meta laisse filer des publicités abusives, mais rentables. Entre la Silicon Valley et la forêt amazonienne, l’ère de l’intelligence artificielle découvre son paradoxe : plus elle s’affine, plus elle brûle.

Jean Rognetta

…sera ravi de recueillir vos commentaires.

Le prix de la politique

En offrant – au maximum – 12 % du capital de Tesla à Elon Musk, les actionnaires incitent fortement leur PDG à ne pas revenir à la politique, et tenter plutôt de tenir ses promesses sur l’IA. Le plan voté redessine la nature même de Tesla : d’un constructeur automobile à une société de technologies, intégrant robotique, autonomie et intelligence artificielle.

  • Le fait nouveau : L’assemblée générale de Tesla a validé cette semaine un plan stratégique dont le volet le plus visible attribue au PDG Elon Musk des actions gratuites, en 12 tranches de 1% du capital chacune. Cela correspondrait au maximum à 878 milliards de dollars, arrondis exagérément à 1 billion de dollars (1 000 milliards). 

  • Les conditions : Chaque tranche repose sur un double objectif : des seuils de capitalisation boursière, par paliers de 500 milliards de capitalisation supplémentaires, et divers jalons opérationnels allant de 20 millions de véhicules livrés à 1 million de robots Optimus produits et 1 million de robotaxis en exploitation commerciale. Sur les objectifs les plus atteignables (comme la progression de la conduite autonome FSD ou la montée en puissance d’Optimus), Musk pourrait engranger environ 50 milliards de dollars. Dans certaines circonstances, le conseil d’administration pourra, de plus, décider d'attribuer les actions même si les objectifs ne sont pas atteints, ce qui pourrait protéger l’incitation de Musk d’un retournement boursier. 

  • En coulisses : Le plan repose sur des « actions restreintes » et non des stock options. La présidente du conseil, Robyn Denholm, explique que, dans le plan 2025 (par opposition au plan 2018), « les attributions acquièrent d’abord des droits de vote ; les droits économiques n’arrivent que 7,5 ans plus tard pour la première échéance, ou 10 ans plus tard ». Cette architecture garantit à Musk l’influence qu’il désire sur la société, mais le contraint à y rester durablement et l’incite à éviter les comportements dangereux. Son départ en politique a coûté cher à Tesla : le rebond des ventes au troisième trimestre, porté par la fiscalité américaine, devrait se révéler éphémère. 

  • EN FILIGRANE : Virage stratégique. L’assemblée a également validé un nouveau plan stratégique, baptisé Abondance Soutenable (« Sustainable Abundance »). Tesla entend réduire simultanément le coût du travail (via le robot Optimus), de la mobilité (via les robotaxis) et de l’énergie (via ses batteries et réseaux intelligents). L’entreprise devient une plateforme d’IA intégrée plutôt qu’un constructeur automobile. Musk décrit le robot Optimus comme « le plus grand produit de l’histoire », qui représentera à terme 80 % de la valeur future de Tesla. Si Tesla investit effectivement dans xAI, malgré les résistances de certains actionnaires, les principales activités de Musk commenceront à se regrouper.

  • À SURVEILLER : De multiples rendez-vous. Côté humanoïdes, Musk évoque une production d’un million d’unités par an sur la première ligne de production, avec un objectif de montée en puissance progressive. À 20 000 dollars l’unité, Optimus serait plus accessible qu’un véhicule électrique et il éclipserait ses rivaux, qui semblent pourtant aujourd’hui plus avancés, notamment le californien Figure et le chinois XPeng. Côté mobilité, la production du Cybercab doit débuter en avril prochain, avec un nouveau processus de fabrication permettant d’assembler un véhicule en moins de 10 secondes (contre 1 minute pour une Model Y) et donc de produire 2 à 3 millions de Cybercabs par an sur une seule ligne. Le leader du marché des robotaxis, Waymo, prévoit d’avoir déployé, fin 2026… 3 500 véhicules seulement. Enfin, le système de conduite autonome FSD devra pouvoir se passer de supervision humaine et atteindre les 10 millions d’abonnés. Cela semble désormais atteignable : un peu plus de 2 millions de véhicules aux États-Unis le déploient aujourd’hui. Mais la première annonce d’Elon Musk sur le sujet remonte à 2013.

EN EXCLUSIVITÉ POUR LES ABONNÉS :

• COP30 : l’IA au pied du mur énergétique • À Belém, l’intelligence artificielle s’invite pour la première fois à la table des négociations climatiques. Entre promesses d’efficacité et explosion des besoins en calcul, la question n’est plus seulement écologique mais stratégique : comment concilier ambitions climatiques, sécurité énergétique et trajectoire industrielle du numérique ?

• IA : OpenAI fait feu de toutes puces • 38 milliards $ (35,6 Md€) pour sécuriser des GPU : OpenAI a signé avec AWS l’un des plus gros contrats cloud de l’histoire. Objectif : ne plus dépendre d’Azure et garantir la cadence des entraînements. La guerre des puces devient une guerre d’approvisionnement.

• PROMPTS : Atlas décrypté • Deux “prompts système” internes lèvent le voile sur Atlas, l’assistant multi-agents d’OpenAI. L’un orchestre la navigation, l’autre exécute des séquences d’actions autonomes sur le web. Une plongée dans la grammaire intime des agents — et les règles implicites d’un bon prompt.

• EXPERT : Mesurer l’impact économique de l’IA • Des investissements massifs, mais peu de preuves concrètes. La productivité stagne, les chiffres manquent, et le doute s’installe : l’IA transforme-t-elle vraiment l’économie, ou ne fait-elle que gonfler une bulle spéculative ? Derrière l’euphorie, le brouillard des données.

• ACTUALITÉS • Nouvelles plaintes contre OpenAI • Siri s’allie à Gemini • Amazon menace Perplexity • Getty Images perd face à Stability AI • L’IA recule en Bourse, le quantique s’envole • Windsurf cartographie le code • Meta laisse filer la fraude publicitaire.

COP30 : l’IA au pied du mur énergétique

Au Brésil, la COP30 place pour la première fois le numérique et l’intelligence artificielle au cœur de journées thématiques, alors qu’une note d’analyse prévient que la demande de calcul dépasse les gains d’efficacité. L’équation lie désormais ambitions climatiques, sécurité d’approvisionnement et trajectoire industrielle du secteur numérique.

La COP30, organisée à Belém au Brésil du 10 au 21 novembre, affiche pour la première fois un bloc Science, technologie et intelligence artificielle (les 10 et 11 novembre), et inscrit l’intégrité de l’information les 12 et 13 novembre. L’UIT revient avec Green Digital Action, une coalition de plus de 50 partenaires, avec un programme dédié et un lancement annoncé de l’Artificial Intelligence Climate Institute. Les 10, 19 et 20 novembre, en particulier, se tiendront des sessions sur la science, la technologie et l’IA dans des formats orientés vers la mise en œuvre de solutions.

La conférence ne modifie pas l’ossature des négociations formelles, centrées sur les contributions nationales pour 2035, la finance, la forêt et la transition énergétique. Elle met toutefois en avant une intégration transversale du numérique : systèmes de suivi des forêts, observation de l’eau, outils d’aide à la décision, et cas d’usage de l’intelligence artificielle pour l’adaptation. 

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Qant: Révolution cognitive et Avenir du numérique

Qant: Révolution cognitive et Avenir du numérique

Par QANT: IA et Technologies Émergentes

Jean Rognetta

Binational franco-italien, économiste de formation, Jean devient journaliste au milieu des années 1990, après avoir fait ses premiers pas dans l’édition et la technologie. Il débute sa carrière au groupe Tests, leader de la presse informatique, puis se spécialise en financement de l’innovation et des PME. Il couvre le sujet pour Les Echos et Capital Finance de 2000 à 2015. En 2016, il rejoint le magazine Forbes et devient directeur de la rédaction de l’édition française.
Pendant la crise financière, il lance l’association PME Finance, à l’origine notamment du PEA-PME et de l’amortissement du corporate venture, ainsi que partiellement de la libéralisation du crowdfunding. Elle fusionne en 2015 avec le groupement d’entrepreneurs Croissance Plus.
Depuis 2020, Jean a lancé la revue SAY, édition française de Project Syndicate, dont il reste contributing editor, le supplément Corporate Finance du Nouvel Économiste et la collection Demain! aux Editions Hermann.

Maurice de Rambuteau

Diplômé du Centre de Formation des Journalistes (CFJ Paris) et de l'Ecole Supérieure de Commerce de Paris (ESCP BS), Maurice de Rambuteau a fait ses premières armes de journaliste dans le sport, pour le site et le magazine SoFoot, puis au sein de la rédaction football de L'Equipe. Il s'est ensuite tourné vers le journalisme économique au sein de la rédaction de La Croix, avant de donner libre cours à sa passion pour la technologie en rejoignant Qant en juin 2022 pour un premier tour d’horizon de l’IA générative. Depuis, il a percé les mystères des blockchains et du métavers et, surtout, passé des dizaines de modèles d’IA au banc d’essai.

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