Trump présente l'AI Action Plan... et un deepfake • Google lâche la bride aux services cloud • Netflix s'appuie sur l'IA • Les trois défis de l'Europe • Souveraineté technologique et protectionnisme numérique • Mica, Genius et Clarity : revue de la réglementation crypto en Europe et aux USA • Bienvenue dans Qant, vendredi 18 juillet 2025.


« Le progrès est devant nous, à condition de dépasser sa propagande » Paul Virilio
L’AI Action Plan compte 90 mesures, réparties en trois piliers : l’accélération de l’innovation, la construction d’une infrastructure nationale dédiée et la diplomatie internationale pour exporter les normes et technologies américaines.
L’IA en plan américain
Le plan recommande une déréglementation massive pour stimuler l’innovation privée, notamment via l’abrogation des ordres exécutifs de Joe Biden sur la régulation de l’IA, le retrait de références à la désinformation et au climat dans les standards fédéraux, et la création d’un standard fédéral unique pour remplacer les régulations étatiques jugées contraignantes.
L’administration veut faciliter l’exportation du « stack » complet de l’IA américaine (puces, logiciels, modèles, normes) à ses alliés, tout en consolidant les contrôles à l’exportation pour empêcher la Chine d’accéder aux technologies sensibles. Il met l’accent sur la géolocalisation des puces exportées et la sécurisation des chaînes logistiques mondiales.
De nombreuses mesures sont prévues pour soutenir l’adoption de l’IA dans les secteurs clés (défense, santé, énergie, agriculture), sous la surveillance du Pentagone, ainsi que pour promouvoir les modèles open-source, renforcer la formation professionnelle et développer un marché du calcul intensif (inspiré de ceux des matières premières), dans le but affiché d’élargir l’accès aux ressources de calcul aux PME et au monde académique.
Les auteurs par dessus bord. « Nous devons nous assurer que la liberté d’expression prospère à l’ère de l’IA et que l’intelligence artificielle acquise par le gouvernement fédéral reflète objectivement la vérité plutôt que des programmes d’ingénierie sociale », peut-on lire dans le plan, mais pas un mot sur le copyright., mais Donald Trump a ensuite été très explicite : « On ne peut pas s’attendre à mettre en place un programme d’IA performant si l’on doit payer chaque article, livre ou toute autre source étudiée : c’est tout simplement impossible » a-t-il déclaré mercredi. Les ayants droits apprécieront.
EN FILIGRANE : No woke, no green… et une surprise. Trois ordres exécutifs déjà signés traduisent le plan en actions concrètes : exigence d’une IA « neutre et sans biais idéologique » pour les marchés publics, moindres contraintes environnementales pour les centres de données et assouplissement des restrictions sur l’export des technologies vers les pays partenaires stratégiques.
• Deux grands gagnants se dégagent : David Sacks, le “tsar” de l’IA et des cryptos à la Maison-Blanche, qui a fait prévaloir l’idée que les exportations de puces et de modèles d’IA confortent la puissance américaine et le fondateur de Nvidia Jensen Huang, qui a obtenu dès la semaine dernière un renversement de la position officielle, autorisant de nouveau l’exportation des puces H-20 en Chine. Trump est d’ailleurs venu présenter l’AI Action Plan à un colloque organisé par le podcast All-In créé par David Sacks. Après le départ d’Elon Musk, le conseiller est devenu la principale porte d’entrée de la tech à la Maison-Blanche.
En présentant cette semaine ses résultats trimestriels, le groupe Alphabet (notamment propriétaire de Google et de Waymo) a relevé ses prévisions de dépenses d’investissement pour 2025 à 85 milliards de dollars, en hausse de 10 milliards, afin de répondre à la forte demande en services cloud et de rester compétitif dans l’IA.
Le chiffre d’affaires de Google Cloud Services a augmenté de 32 % au deuxième trimestre 2025, porté par la montée en puissance du modèle Gemini et des puces internes, les TPU. Alternatives aux GPU de Nvidia, celles-ci apportent à Google un avantage stratégique qui pourrait améliorer ses marges à long terme.
Les bénéfices du cloud reflètent une contrainte d’offre : malgré une croissance soutenue, Google peine à fournir suffisamment de capacité pour répondre à la demande. Le backlog du cloud atteint 106 milliards de dollars, confirmant la pression exercée sur l’infrastructure et justifiant l’augmentation rapide des investissements.
La progression de Google dans l’IA, avec AI Mode atteignant 100 millions d’utilisateurs mensuels et Gemini dépassant 450 millions, renforce sa position face à OpenAI et Microsoft.
EN FILIGRANE : Le poids du passé. Le ratio cours/bénéfice anticipé d’Alphabet (18,88) est bien inférieur à ceux de Microsoft (33,03) et Amazon (33,31), ce qui reflète les interrogations sur l’avenir de l’activité publicitaire de Google, qui représente environ 75 % de ses recettes. Celle-ci a beau rester en bonne croissance, mieux vaut miser sur les services cloud.
• Sur le papier, Alphabet dispose de tous les bons outils pour mener la course à l’IA – des modèles de pointe et une distribution massive. Pourtant, le marché semble l'avoir prématurément écarté, ce qui paraît à la fois myope et excessivement pessimiste. Tant que le groupe ne saura pas inspirer plus de confiance sur ses batailles antitrust et sur le fait que l’intégration de l’IA ne cannibalisera pas les revenus publicitaires, il y aura suffisamment d’incertitude pour limiter le potentiel de hausse à court terme. • Matt Britzman, senior equity analyst, Hargreaves Lansdown
Dans la nuit de dimanche à lundi – son moment préféré pour influencer l’actualité de la semaine –, le président des États-Unis Donald Trump a partagé sur son propre réseau, Truth Social, une vidéo montrant l’arrestation de son prédécesseur Barack Obama à la Maison-Blanche, sous ses rires et ses lazzis. Elle avait été créée sur TikTok le vendredi 18 par un compte inconnu, Neo8171, qui utilise ensuite un meme de l’extrême-droite américaine, la grenouille Pepe.
Le même jour, vendredi 18, la directrice nationale du renseignement Tulsi Gabbard avait fait paraître un premier communiqué de presse accusant l’administration Obama d’avoir contesté la légitimité de la victoire de Trump en 2016. Sa campagne a culminé mercredi 23, quand elle a accusé publiquement l’ancien président de haute trahison (« treasonous conspiracy »).
• Un coup de fake dans l’eau : rien ne distrait l’opinion américaine de sa passion estivale pour l’affaire Epstein. Il apparaît désormais que l’administration Trump a changé de bord quand un examen approfondi a montré que son président est cité fréquemment dans le dossier.
Josep Borrell (au centre), lors du colloque World In Progress • Source : WIP
Contrairement aux États-Unis et à la Chine, qui investissent massivement dans l’intelligence artificielle, la défense cybernétique et les télécommunications de nouvelle génération, l’Union européenne reste dépendante d’acteurs extérieurs non seulement pour ses capacités logistiques, mais aussi la reconnaissance aérienne, la défense anti-missile, les systèmes d’alerte spatiale et l’artillerie à longue distance. Cette vulnérabilité technologique est d’autant plus critique qu’elle compromet l’autonomie stratégique du continent face à des menaces de plus en plus concrètes : l’Europe doit faire face à trois chocs, expliquait fin juin Josep Borrell, ancien Haut représentant de l'Union Européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité (et vice-président de la Commission), à l’occasion du colloque World In Progress à Chantilly.
Premier choc : le retour brutal de la guerre
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