Pendant que la polémique gonfle sur les images de l'IA, Qant pose un premier bilan de l'utilisation de l'IA dans la presse, le générateur d'image nouvelle génération d'Adobe fait ses preuves et OpenAI prépare sa mue. Bienvenue dans Qant, lundi 16 octobre 2023.


« Le progrès est devant nous, à condition de dépasser sa propagande » Paul Virilio
Chaque jour, les journalistes de Qant illustrent les tendances de fond qui animent la tech. Ils s’appuient sur Kessel Média et utilisent l’IA générative depuis mars 2022.
Jeudi 12 octobre, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a partagé sur son compte X des photographies représentant le corps calciné de nourrissons après les attaques du Hamas. AI or Not, un des principaux outils de détection d’images générées par IA, considère qu’il s’agit d’un faux. Depuis ce week-end, la polémique ne cesse de gonfler. Sans que personne ne puisse déterminer la vérité. Dans la tradition de Ponce Pilate.
Pour en savoir plus: Benjamin Netanyahu, Jackson Hinkle, 404Media
"Le journalisme brûle à petit feu" (Qant, M. de R. avec Midjourney)
Plusieurs CMS (content management systems), les logiciels qui permettent de gérer le flux de l’information vers ses divers débouchés (site Web, journal imprimé…) viennent d’inclure l’IA dans leur fonctionnement. Brightstop, le CMS de Politico, du National Geographic et, en France, de L’Opinion, vient d’intégrer les modèles d’OpenAI pour proposer à ses clients des suggestions assistées par l’IA pour la création de textes – titres, sous-titres et corps de texte compris. Un peu plus loin du monde de la presse, mais toute proche dans la tech, Kontent.AI a été excorporée l’an dernier à partir d’un autre éditeur de CMS, Kentico, pour proposer la première solution avec des compétences natives d’IA.
Le leader du marché, la filiale d’Amazon Arc XP, s’y prépare également. “Nous sommes en train de développer plusieurs outils que nous allons intégrer aux outils existants” déclarait début septembre son directeur technique Matt Monahan: “Je parle ici de scénarios qui apparaissent impossibles aujourd’hui pour les éditeurs médias.”. Il cite des cas d’usage assez prudents : la proposition de titres pour un article ou encore la traduction de masse de contenus.
L’automatisation de l’écriture va pourtant déjà beaucoup plus loin. Sudowrite s’est imposée comme un compagnon d’écriture qui permet de rédiger des récits de fiction de A à Z. Dans le journalisme, Reword tâche de proposer le même service. Et le phénomène n’a rien de nouveau. A partir de 2016, les grands journaux américains (et quelques autres) se sont dotés de systèmes permettant de produire automatiquement des articles dans des actualités scénarisables à l’avance, comme le sport, la bourse, les élections…
Le site néerlandais Voetbal International, par exemple, vient récemment d’ajouter des rapports de match écrits par des robots sur son site. Ces résumés sont générés automatiquement à partir des données d'Opta et incluent des informations telles que le résultat du match, les buts, les passes décisives, les cartons rouges, l'impact sur le classement de la ligue et les prochains matchs des équipes. La start-up suédoise United Robots, qui fournit le robot, travaille notamment dans la presse régionale, aussi bien avec le géant américain McClatchy qu’avec les grands groupes scandinaves, Schibsted et Bonnier.
Une limite semble cependant avoir été atteinte, après l’engouement de cet hiver pour ChatGPT et les IA. C-Net, qui avait tenté de remplacer tous ses journalistes (lire Qant du 23 janvier), a dû faire machine arrière cet été, s’engageant honteusement à ce qu’aucun article ne soit désormais entièrement rédigé par l’IA. De même, Associated Press, qui a cédé en juillet à OpenAI la licence pour l’exploitation de son fonds documentaire à des fins d’entraînement et qui a été pionnière depuis 2014 dans l’exploitation dans l’IA dans tous ses métiers, a dû préciser en août dernier que l’IA “ne remplaçait pas les journalistes, mais les aidait dans leur tâche”, en publiant une charte déontologique régissant l’utilisation de la GenAI par ses journalistes.
En Europe, les expérimentations ont été jusqu’à présent surtout le fait de petits médias comme le site helvétique Heidi.news ou le néerlandais Innovation Origins, qui a créé une figure de journaliste IA, baptisée Laio (ou encore comme Qant elle-même, écrite et illustrée depuis dix-huit mois en testant tous les modèles d’IA générative). Mais en France, le site Numerama, filiale du groupe Ebra, a lancé en juin dernier Artificielles, une newsletter entièrement rédigée par l'intelligence artificielle. “Grâce à un prompt, nous avons conditionné ChatGPT pour lui donner la personnalité d’un journaliste tech de Numerama” explique Julien Cadot, directeur de la stratégie éditoriale. En automatisant l’ensemble du processus, l’équipe d’Artificielles est ainsi parvenue à limiter l’intervention humaine à la relecture avant publication.
Les grands groupes sont évidemment ralentis par l’opposition interne de certains de leurs journalistes, mais aussi par l’absence d’un cadre juridique autour de l’IA générative, qui réglemente les droits d’auteur sur le contenu créé et les responsabilités en cas d’hallucination ou de biais du modèle. Cependant, les cas d’usage se multiplient à toutes les extrémités de la chaîne journalistique. La catégorisation, la classification, l'analyse prédictive de contenu s’ajoutent à la génération de contenu personnalisé.
Au Wall Street Journal, par exemple, l’IA est utilisée en amont, pour la veille sur Internet, les réseaux sociaux et les marchés financiers, ainsi que pour traiter les grandes masses de données que les journalistes peuvent parfois se procurer. Par exemple, lorsque les modèles remarquent que les actions d'une entreprise évoluent d'une manière qui indique généralement une actualité, il génère un message au journaliste concerné dans la messagerie d’entreprise.
Le quotidien économique américain l’utilise également pour la création et la personnalisation du contenu : l’IA peut générer des “flexibles”, des articles plus ou moins nourris selon l’intérêt du lecteur, et des “headcuts”, des portraits en noir et blanc qui ne sont ainsi plus réservés aux personnalités. L’IA est également utilisée en aval : pendant les élections de 2020, un chatbot a été développé sur le site, avec AWS. Conçu pour répondre aux questions du public concernant les candidats politiques, il est né d'un outil de vérification des faits utilisé par les journalistes pour examiner les déclarations des politiciens à la lumière de la base de données Factiva.
Deux visions différentes de l’IA semblent ainsi se dégager, selon les modèles économiques des médias. Les journaux engagés dans la seule course à l’audience cherchent toutes les manières de réduire leurs coûts de production, à la manière de Buzzfeed et Bild Zeitung, du groupe Springer (lire Qant du 6 mars). Pour ceux-là, le désengagement des réseaux sociaux, Meta en tête, constitue une menace immédiate qui les porte à couper tous les coûts possibles.
Les revenus publicitaires des médias sont passés de 200 milliards de dollars dans le monde en 2000 à 35 milliards l’an dernier, note le britannique Investor’s Chronicle. Il rappelle en revanche qu’au New York Times, l’augmentation du nombre des abonnés a permis au chiffre d’affaires d’atteindre les 2,3 milliards de dollars, en hausse de 38 % en cinq ans. Ce modèle, qui se trouve être aussi celui du Financial Times, propriétaire d’Investors Chronicle, ainsi que du Wall Street Journal, peut permettre de laisser les journalistes se saisir de l’IA à leur rythme.
Mais déjà, une étude parue sur Science en juillet dernier montrait que l’utilisation de ChatGPT générait, en moyenne, un gain de temps de 40 % et une amélioration de la qualité de 18 % pour toutes les tâches d’écriture.
Il va falloir s’y mettre.
Pour en savoir plus :
Depuis le lancement de Runway Gen2 (lire Qant du 21 mars), les utilisateurs du modèle multiplient les courts-métrages. Ainsi de l'étudiant finlandais Jesse Koivukoski, qui explique avoir réalisé "Desert Odyssey", d’une beauté saisissante, grâce à Gen 2 et Midjourney, "sans aucune connaissance de programmation". A préciser que la musique du film n'est, elle, pas l'œuvre de l'IA.
OpenAI fera peau neuve en novembre : OpenAI prévoit selon Reuters de lancer des mises à jour majeures le mois prochain afin de réduire les coûts et d'accélérer le développement d'applications logicielles basées sur ses modèles d'intelligence artificielle. Ces mises à jour incluent le stockage de mémoire pour les outils des développeurs, ce qui pourrait réduire les coûts de création d'applications jusqu'à 20 fois. L'entreprise prévoit également de dévoiler de nouveaux outils, notamment des capacités de vision, pour permettre aux développeurs d'analyser et de décrire des images.
Pour en savoir plus: CNBC
Les IA devront payer les auteurs-compositeurs de la Sacem : La Sacem a annoncé qu'elle exigera dorénavant une autorisation payante pour que les intelligences artificielles génératives puissent utiliser des œuvres de son répertoire dans leur entraînement.
Source : Les Echos
Créer des images dans la barre de recherche : Google a annoncé que les utilisateurs ayant activé la fonctionnalité Search Generative Experience (SGE) pourront créer des images d'IA directement depuis la barre de recherche standard. Cette mise à jour permet de générer des images à partir de descriptions textuelles, mais elle est soumise à certaines limitations, notamment l'interdiction de créer des images photoréalistes de visages humains et l'ajout d'un filigrane SynthID pour identifier les images générées.
Pour en savoir plus: Engadget
L’IA pour lire des parchemins : Des chercheurs ont utilisé l'intelligence artificielle pour lire un mot sur un ancien rouleau carbonisé par l'éruption du Vésuve en 79 après J.-C. Grâce à un défi lancé par l'université du Kentucky, deux étudiants en informatique ont réussi à identifier le mot grec "πορφύραc", signifiant "pourpre", sur le rouleau, ouvrant la voie à la découverte de nouveaux textes anciens.
Pour en savoir plus: The Guardian
Joe Biden cherche des puces à la Chine : L'administration Biden envisage de mettre en place des mesures pour empêcher les entreprises chinoises d'obtenir des puces d'intelligence artificielle américaines en passant par leurs filiales situées à l'étranger, selon Reuters. Cette initiative fait suite à des restrictions imposées par les États-Unis l'année dernière sur les exportations de puces IA vers la Chine, et ces règles pourraient être renforcées dans les jours à venir.
Pour en savoir plus: Morningstar
Vers une IA plus économe en énergie : Des ingénieurs de la Northwestern University aux États-Unis ont développé des transistors qui rendent les tâches d'intelligence artificielle 100 fois plus économes en énergie et permettent de réduire considérablement la taille des processeurs pour les intégrer dans des appareils portables. Cette nouvelle technologie, moins dépendante du silicium, offre une analyse avancée sans avoir besoin du cloud, garantissant ainsi une meilleure protection des données.
Pour en savoir plus: Interesting Engineering
La grève des acteurs d’Hollywood reste au point mort : Les acteurs d'Hollywood, représentés par le syndicat Sag-Aftra, restent en grève en raison de préoccupations liées à l'utilisation de l'IA et des scans 3D pour reproduire leurs performances. Ils ont exprimé leur soutien au projet de loi "No Fakes Act", introduit par un groupe de sénateurs américains des deux partis, qui vise à interdire la production ou la distribution de répliques générées par IA sans le consentement de l'individu reproduit.
Pour en savoir plus: Venture Beat
Un parc industriel pour le yuan numérique : La Chine a inauguré un parc industriel à Shenzhen, dédié au développement de l’écosystème du yuan numérique. Non loin de Hong Kong, ce parc propose des incitations telles que des loyers gratuits et des prêts avantageux pour attirer les entreprises et start-ups travaillant sur des solutions de paiement, des contrats intelligents et la promotion du yuan numérique.
Pour en savoir plus: Coin Telegraph
L’armée américaine veut protéger les casques XR de ses soldats : La Darpa (l'agence de recherche avancée du département de la Défense des États-Unis) lance un programme visant à prévenir les "attaques cognitives" sur les casques de réalité mixte qui pourraient potentiellement handicaper les soldats sur le champ de bataille. Ces attaques, qui vont au-delà des simples perturbations des casques, peuvent inclure des actions telles que l'utilisation d'objets réels pour surcharger les affichages ou l'utilisation de trackers oculaires pour évaluer les actions d'un porteur, rendant les dispositifs inutilisables ou provoquant des nausées chez les soldats.
Pour en savoir plus: The Register
Du rififi dans le renseignement américain : Un expert en cryptographie a averti que les services de renseignement américains pourraient affaiblir une nouvelle génération d'algorithmes conçus pour protéger contre les hackers équipés d'ordinateurs quantiques. Daniel Bernstein de l'Université de l'Illinois à Chicago a affirmé au média NewScientist que l'Institut national des normes et de la technologie des États-Unis (NIST) obscurcit délibérément le niveau d'implication de l'Agence de sécurité nationale américaine (NSA) dans le développement de nouvelles normes de cryptage pour la cryptographie post-quantique.
Pour en savoir plus: SlashDot
Crédit : Qant, M. de R. avec Firelfy Image 2
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