Le dragon, les robots et l'opinion

Pendant que Microsoft et Meta ouvrent le feu contre les stratégies d'influence de la Chine, des robots lisent les PDF et d'autres préparent des cocktails. Bienvenue dans Qant, lundi 11 septembre.

« Le progrès est devant nous, à condition de dépasser sa propagande » Paul Virilio

Chaque jour, les journalistes de Qant illustrent les tendances de fond qui animent la tech. Pour cela, ils s’appuient sur Kessel Média et utilisent l’IA générative depuis mars 2022.

L’ÉVÉNEMENT

La Chine mise sur l’IA pour influencer les élections américaines

Microsoft et Meta tirent la sonnette d’alarme. À un peu plus d’un an de l’élection présidentielle américaine, l’ingérence étrangère, notamment venue de Chine, utilise massivement l’intelligence artificielle pour exercer son influence.

Une des images générées par IA repérées sur Facebook et attribuées à la propagande chinoise par MicrosoftUne des images générées par IA repérées sur Facebook et attribuées à la propagande chinoise par Microsoft

En fin de semaine dernière, Microsoft a publié une étude sur les menaces numériques que posent la Chine et la Corée du Nord. Plus de 230 influenceurs sur les différentes plates-formes, dont 14 francophones, seraient à la solde du parti communiste chinois. Leurs comptes utilisent notamment des technologies d'intelligence artificielle générative pour créer du contenu viral sur des sujets politiquement clivants. La statue de la Liberté ci-dessus, rebaptisée “Déesse de la violence” en est un exemple : l’IA est reconnaissable aux six doigts de la main droite de la statue. Mais ces images, de plus en plus sophistiquées, sont partagées par d’autres utilisateurs des médias sociaux sans réaliser qu'elles sont fausses. “Depuis 2022, les médias sociaux alignés sur la Chine (…) ont ciblé des candidats spécifiques dans leurs contenus sur les élections américaines en se faisant passer pour des électeurs américains” commente le rapport, qui estime l’audience directe des influenceurs prochinois à plus de 100 millions de personnes.

L’ambassade de Chine a répondu en parlant de "spéculation malveillante" à son encontre. Mais le rapport de Microsoft fait écho à l’étude, fin août, d’un autre géant de la tech : Meta. L'entreprise avait expliqué avoir démantelé la "plus grande opération clandestine d'influence multi-plateforme au monde", qu’elle a pu relier à la sécurité chinoise et à une campagne de désinformation lancée dès 2019, joliment baptisée “Spamouflage”.

Les débuts d’une stratégie

Au total, Meta a supprimé 15 comptes Instagram et sur Facebook 7 704 comptes, 954 pages et 15 groupes visant à promouvoir la propagande chinoise. Cependant, l’opération de Pékin a ciblé plus de 50 plateformes, dont YouTube et TikTok, tout comme bien des réseaux plus confidentiels. Ces tentatives sont vues comme le début d’une stratégie chinoise d'influence en ligne.

L’une des premières campagnes de Spamouflage visait à faire croire que le virus de la Covid était d’origine américaine et non chinoise. Mais l’initiative semble avoir eu peu d'impact réel, car elle s'appuyait sur de nombreux faux comptes d’abonnés, créant ainsi une caisse de résonance tout aussi fausse. Meta estime qu’elle a touché guère plus d’un demi-million de personnes. On est loin de l’audience relevée par Microsoft.

Presque une tradition

Les tentatives d’ingérence de puissances étrangères à l’approche d’élections ne sont pas nouvelles. L'exemple de la Russie, qui s’était appuyée en 2016 sur les plateformes de Meta pour favoriser la victoire de Donald Trump aux États-Unis et celle du Brexit en Grande-Bretagne, résonne encore dans les esprits.

Il n’y a bien sûr pas que la Chine en lice. Le rapport de Meta relève des attaques venues de Turquie et de Russie alors que celui de Microsoft, concentré sur l’Asie, note que la Corée du Nord garde plus de dextérité dans la cybercriminalité que dans l’utilisation des réseaux sociaux. Tout récemment, des chercheurs de l'université de l'Indiana à Bloomington ont découvert sur X-Twitter un botnet de 1 140 faux comptes animé par ChatGPT pour promouvoir des cryptomonnaies (lire Qant du 1er septembre).

L’échéance de 2024 permettra de mesurer si oui ou non l’IA rend plus dangereuses ces stratégies d’influence par les réseaux sociaux. Les républicains américains et les conservateurs canadiens s’y adonnent déjà avec enthousiasme (lire Qant du 27 avril et du 28 juin).

Les Chinois aussi.

Pour en savoir plus :

L’ESSENTIEL : Ant Group, BCE, Microsoft, Resolution Games…

ROBOTS

Après les acteurs, les serveurs?

Un premier bar de Las Vegas automatise les barmen et barmaids. Les syndicats s’inquiètent.

Au Tipsy Robot Las Vegas, les roboserveurs (bien qu’éméchés, selon le nom du bar) mixent un cocktail en moins de 90 secondes. Deux robots et huit humains se targuent donc de pouvoir distribuer 1440 cocktails par jour à leurs clients. Et la précision robotique dans la “mixologie”, la préparation des cocktails, l’emporte sur l’art des barmen qu’ils remplacent. Face à cette évolution, la Culinary Union, représentant 60 000 travailleurs des services et de l'hôtellerie, prévoit de négocier des protections contre le remplacement par l'IA et se déclare prête à faire grève si nécessaire.
Pour en savoir plus : NPR

BLOCKCHAINS

  • Le calendrier flou de l’euro numérique: Presque un couac. La semaine dernière, la commissaire européenne aux services financiers Mairead McGuinness a rappelé que l’euro numérique serait l’affaire de la prochaine Commission, qui sera nommée après les élections européennes de juin prochain (Reuters). Aucune mesure législative ne pourra donc être prise avant la fin 2024, alors que la banque centrale européenne (BCE) décidera de l’émission de l’euro numérique dès le mois prochain. Dès lundi, Fabio Panetta, membre du directoire de la BCE et prochain gouverneur de la banque d’Italie, avait soutenu l’urgence d’avancer rapidement, maintenant que la phase d’investigation se termine. «Les fournisseurs privés de services de paiement, comme PayPal, n'ont aucune raison de limiter l'utilisation de leurs stablecoins ou la gamme de services qu'ils proposent. Bien au contraire, leur objectif est d'élargir leur clientèle et de gagner des parts de marché. Ils n'ont pas nécessairement intérêt à rendre leurs solutions de paiement compatibles avec celles utilisées aujourd'hui et ils pourraient offrir des services à faible coût, compte tenu des revenus qu’ils pourraient générer en réinvestissant leurs réserves.» Si les banques européennes ne lèvent pas leur opposition à l’euro numérique, Big Tech pourra s’en charger (lire Qant du 1er septembre).
    Pour en savoir plus : BCE, Reuters

  • Ant Group cloisonne le Web3 : Dans la tentative de reprendre le chemin de la Bourse, Ant Group vient de regrouper dans une nouvelle filiale, ZAN, toutes ses activités de services aux développeurs Web3. L’opération avait été annoncée par Bloomberg dès le mois de juillet. En excluant de son périmètre toute activité Blockchain, Ant (propriétaire au sein du groupe Alibaba de la plus grande plateforme de paiement mobile au monde, Alipay) espère, selon l’agence américaine, obtenir du gouvernement chinois le droit de s’introduire à la bourse de Hong-Kong, ce qui lui avait été brutalement interdit en 2020.
    Pour en savoir plus: Bloomberg

  • Faire rimer blockchain avec vie privée : Vitalik Buterin, fondateur d'Ethereum, a co-rédigé un article de recherche proposant un équilibre entre la vie privée et la réglementation sur les blockchains grâce à un protocole appelé "Privacy Pools". Ce protocole utilise la technologie de preuve à divulgation nulle de connaissance (ZK) pour permettre aux utilisateurs de prouver la légitimité de leurs transactions sans dévoiler toutes leurs informations, tout en répondant aux exigences réglementaires.
    Pour en savoir plus: Blockworks

IA GÉNÉRATIVE

  • Microsoft protégera ses clients sur les droits d’auteurs : Microsoft vient d'annoncer que l'entreprise s'engageait à payer les dommages juridiques pour ses clients utilisant ses produits d'intelligence artificielle s'ils sont poursuivis pour violation de droits d'auteur concernant les contenus générés par ces systèmes. Cette protection s'applique tant que les clients utilisent les mesures de sécurité et les filtres de contenu intégrés aux produits de Microsoft.
    Pour en savoir plus: Reuters

  • Pour un Federal Bureau of AI : Deux sénateurs Richard Blumenthal et Josh Hawley prévoient d'annoncer un cadre complet pour réglementer l'intelligence artificielle, selon le New York Times. Ce projet bipartisan comprend la création d'un bureau fédéral indépendant pour superviser la technologie et des normes de transparence et de sécurité des données.
    Pour en savoir plus: Bloomberg

AR-VR-XR-MÉTAVERS

  • Un premier jeu pour l’Apple Vision Pro : Le studio Resolution Games vient d'annoncer qu'il adaptera son jeu VR/AR Demeo pour le casque Apple Vision Pro. Bien que le Vision Pro soit principalement un dispositif de réalité mixte sans mode VR natif, Resolution a expliqué avoir développé une solution pour jouer à Demeo en réalité virtuelle.
    Pour en savoir plus: Ars Technica

QUANTUM

  • Quand le quantique s’inspire des casques audio : Des chercheurs du MIT ont développé une technique inspirée de la réduction de bruit des casques audio pour augmenter significativement la durée pendant laquelle les qubits conservent leur état quantique. Cette méthode, appelée "écho déséquilibré", pourrait améliorer les performances des capteurs quantiques, gyroscopes et mémoires quantiques.
    Pour en savoir plus: Phys.org

EXPERT : AI-Inside
Les nouveaux logiciels professionnels au banc d’essai

Rugby : quand les chatbots lisent les PDF de la Rugby World Cup

Alors que ChatGPT se montre, pour l’instant, incapable de lire autre chose que des textes bruts, des plug-ins et d’autres modèles permettent d’extraire des informations de documents PDF, ou de résumer ces derniers. Comme, par exemple, le rapport statistique sur la dernière coupe du monde de rugby.

“Désolé, je ne peux pas accéder directement aux liens ou lire les fichiers PDF depuis une URL. Cependant, si vous pouvez extraire le contenu principal du document et me le fournir ici, je serai heureux de vous aider à le résumer.” Voilà ce que répond ChatGPT lorsqu’on lui demande de résumer un PDF ou d’en extraire une information. Le chatbot d’OpenAI ne sait en effet lire que les textes bruts. D’autres chatbots, moins connus, existent, qui permettent d’analyser des fichiers PDF. Comme la Coupe du monde de rugby se déroule en ce moment en France, demandons-leur d’analyser un rapport de 56 pages sur l’édition 2019 de la Coupe du monde, produit par World Rugby, l’organisme international qui gère le rugby à 15 et à 7.

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Qant: Révolution cognitive et Avenir du numérique

Qant: Révolution cognitive et Avenir du numérique

Par QANT: IA et Technologies Émergentes

Jean Rognetta

Binational franco-italien, économiste de formation, Jean devient journaliste au milieu des années 1990, après avoir fait ses premiers pas dans l’édition et la technologie. Il débute sa carrière au groupe Tests, leader de la presse informatique, puis se spécialise en financement de l’innovation et des PME. Il couvre le sujet pour Les Echos et Capital Finance de 2000 à 2015. En 2016, il rejoint le magazine Forbes et devient directeur de la rédaction de l’édition française.
Pendant la crise financière, il lance l’association PME Finance, à l’origine notamment du PEA-PME et de l’amortissement du corporate venture, ainsi que partiellement de la libéralisation du crowdfunding. Elle fusionne en 2015 avec le groupement d’entrepreneurs Croissance Plus.
Depuis 2020, Jean a lancé la revue SAY, édition française de Project Syndicate, dont il reste contributing editor, le supplément Corporate Finance du Nouvel Économiste et la collection Demain! aux Editions Hermann.

Maurice de Rambuteau

Diplômé du Centre de Formation des Journalistes (CFJ Paris) et de l'Ecole Supérieure de Commerce de Paris (ESCP BS), Maurice de Rambuteau a fait ses premières armes de journaliste dans le sport, pour le site et le magazine SoFoot, puis au sein de la rédaction football de L'Equipe. Il s'est ensuite tourné vers le journalisme économique au sein de la rédaction de La Croix, avant de donner libre cours à sa passion pour la technologie en rejoignant Qant en juin 2022 pour un premier tour d’horizon de l’IA générative. Depuis, il a percé les mystères des blockchains et du métavers et, surtout, passé des dizaines de modèles d’IA au banc d’essai.

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