Le Pidoume

Jeu de société pour soirée électorale.

« Le progrès est devant nous, à condition de dépasser sa propagande » Paul Virilio

Le Pidoume

La France et le p(doom) (Qant avec Dall-e)La France et le p(doom) (Qant avec Dall-e) 

En France, peu de gens connaissent le p(doom), qui est devenu, dans la Silicon Valley, presque une question de politesse. Après s’être enquis de votre santé, on vous demande quelle probabilité p() vous donnez à la destruction de l’humanité par l’intelligence artificielle (doom, désastre). 

C’est peut-être que les Français ont gardé, en général, foi dans le progrès. Le prix Turing au p(doom) le moins élevé est certainement Yann Le Cun. Le père des réseaux neuronaux, Geoffrey Hinton, a en revanche quitté Google pour pouvoir clamer haut et fort, tel Robert Oppenheimer, les risques que nous fait courir son invention.

C’est peut-être aussi que les Français sont confrontés au risque d’un désastre plus proche, sinon imminent. Voici donc le Pidoume, un jeu pour juger des résultats de ce soir, en partant de l’IA et de la situation internationale. 

Au départ, Pidoume = 0

Commencez par estimer de 1 à 100 la possibilité que, de votre vivant, l’IA nous conduise vers les avenirs que dépeignent des films comme Matrix ou Terminator

Elle est basse ? Très bien. Chiffrez maintenant la possibilité que la voracité énergétique de l’IA accélère le réchauffement global et le dérèglement climatique, moins la probabilité que l’humanité s’y adapte sans trop d’encombre.

L’addition vous semble sans doute déjà significative, mais le jeu est loin d’être terminé. 

Pidoume = …/100

Il faut maintenant estimer le « risque oraculaire » de l’IA. La tendance à croire aux résultats de calcul de l’IA est naturelle, surtout dans les domaines où elle dépasse les capacités humaines. Aux échecs et au go, il est légitime de penser que le bon coup, c’est généralement celui que trouve la machine. Sous une forme extrême, cette confiance pourra conduire les responsables de pays nucléaires à déclencher des attaques préventives sur la base du calcul d’une IA.

En attendant, les premières formes balbutiantes d’IA générative ont déjà renforcé la propagande sur les réseaux sociaux. On connaît leurs effets politiques depuis quinze ans (*). Pour faire court, l’éclatement de l’espace public en faveur des extrêmes et la manipulation de l’opinion par les algorithmes ont aggravé les conséquences de la perte de statut de la classe ouvrière face à la mondialisation et, en général, celle des hommes peu diplômés face au changement des mœurs. Partout dans le monde, une marée populiste et nationaliste menace de submerger des élites « wokes et mondialisées ».

Qu’en sera-t-il dans quelques années, quand l’automatisation touchera les employés et les classes moyennes, pendant qu’une nouvelle vague de robotisation transformera à nouveau les usines ? Et que la généralisation des fakes ôtera toute crédibilité aux médias numériques…

Il convient donc d’estimer également le risque social de l’IA, et l’ajouter à votre sous-total. 

Pidoume = …/100

 Voyons maintenant la France et l’Europe. Si, si.  

La même perte de statut menace l’ensemble des nations européennes. Côté semi-conducteurs, les rivaux potentiels de Nvidia sont américains ou bien chinois (AMD, Intel, Huawei…). Ni la britannique ARM, ni la hollandaise NXP, ni la franco-italienne ST Microelectronics ne semblent à même d’entrer dans le jeu.  

Pour ce qui est de l’IA, il vous faut estimer les chances qu’auront les champions européens et notamment les trois français, Mistral, Poolside et H, de s’imposer, ou simplement de survivre, face à OpenAI, Google et Meta. C’est là une question économique – qui aura priorité dans l’accès aux puces américaines ? – mais aussi très politique.

Ni l’Europe, ni évidemment la France seule, ne peuvent suivre la politique de « La Grande Muraille » qui a permis à la Chine de faire émerger ses propres champions. L’Europe peut tout de même faire beaucoup de choses, si elle réforme son droit de la concurrence et adopte une politique industrielle.

La mobilisation en faveur de l’Ukraine, par exemple, pourrait être l’occasion de lancer une agence de recherche collaborative sur la cyberdéfense et la robotique autonome, inspirée de la Darpa, l’agence du Pentagone qui est à l’origine d’Internet, comme le proposait Philippe Aghion à l’événement Qant de jeudi dernier.

Bref, vous pouvez chiffrer les capacités d’impulsion européenne du gouvernement qui sortira des urnes ce soir et réduire d’autant votre Pidoume. 

Pidoume = …/100

Si votre Pidoume est moins élevé que celui de vos amis, ajoutez la probabilité (importante) que Donald Trump soit élu en novembre et celle, à peine moindre, qu’il fasse des États-Unis non plus un allié, mais un rival stratégique de l’Europe. Et demandez-vous quel gouvernement issu des urnes, ce soir, pourrait y faire face.

Vous aurez ainsi votre Pidoume.  

Si cette soirée électorale vous donne des raisons d’être optimiste, ou simplement si vous avez ri à la lecture, écrivez-moi !

Jean Rognetta

Merci d’être abonné à Qant. Vos analyses et commentaires sont toujours plus que les bienvenus.Merci d’être abonné à Qant. Vos analyses et commentaires sont toujours plus que les bienvenus.

(*) On peut lire par exemple à ce sujet : 

·      Giuliano da Empoli, Les Architectes du Chaos, Lattès, 2019

·      David Goodhart, Les Deux Clans, Les Arènes, 2017

·      Pippa Norris et Ronald Ingelhart, Rising Tide. Gender Equality and Cultural Change around the World, Cambridge University Press, 2003


Qant: Révolution cognitive et Avenir du numérique

Par QANT: IA et Technologies Émergentes

Jean Rognetta

Binational franco-italien, économiste de formation, Jean devient journaliste au milieu des années 1990, après avoir fait ses premiers pas dans l’édition et la technologie. Il débute sa carrière au groupe Tests, leader de la presse informatique, puis se spécialise en financement de l’innovation et des PME. Il couvre le sujet pour Les Echos et Capital Finance de 2000 à 2015. En 2016, il rejoint le magazine Forbes et devient directeur de la rédaction de l’édition française.
Pendant la crise financière, il lance l’association PME Finance, à l’origine notamment du PEA-PME et de l’amortissement du corporate venture, ainsi que partiellement de la libéralisation du crowdfunding. Elle fusionne en 2015 avec le groupement d’entrepreneurs Croissance Plus.
Depuis 2020, Jean a lancé la revue SAY, édition française de Project Syndicate, dont il reste contributing editor, le supplément Corporate Finance du Nouvel Économiste et la collection Demain! aux Editions Hermann.

Maurice de Rambuteau

Diplômé du Centre de Formation des Journalistes (CFJ Paris) et de l'Ecole Supérieure de Commerce de Paris (ESCP BS), Maurice de Rambuteau a fait ses premières armes de journaliste dans le sport, pour le site et le magazine SoFoot, puis au sein de la rédaction football de L'Equipe. Il s'est ensuite tourné vers le journalisme économique au sein de la rédaction de La Croix, avant de donner libre cours à sa passion pour la technologie en rejoignant Qant en juin 2022 pour un premier tour d’horizon de l’IA générative. Depuis, il a percé les mystères des blockchains et du métavers et, surtout, passé des dizaines de modèles d’IA au banc d’essai.

Les derniers articles publiés