La dévorante passion des Big Four pour l'IA

Les investissements dans l'IA annoncés par les Big Four frôlent les 10 milliards de dollars: tous leurs métiers sont touchés. De son côté, l'Unesco invite les États à réglementer l'IA dans l'éducation pendant qu'Adobe, Amazon et Stability AI multiplient outils et modèles. Bienvenue dans Qant, vendredi 15 septembre.

« Le progrès est devant nous, à condition de dépasser sa propagande » Paul Virilio

Chaque jour, les journalistes de Qant illustrent les tendances de fond qui animent la tech. Ils s’appuient sur Kessel Média et utilisent l’IA générative depuis mars 2022.

L’ÉVÉNEMENT

A son tour, EY prend le virage de l’IA

Le cabinet EY vient de présenter une plate-forme autour de son propre modèle de langage naturel, fruit d’un investissement de 1,4 milliard de dollars dans le secteur de l’IA. Les autres Big Four ont multiplié les annonces depuis le lancement de ChatGPT.

"Le conseil tend la main à l'intelligence artificielle" (Mijdourney)"Le conseil tend la main à l'intelligence artificielle" (Mijdourney)

Ernst & Young (EY) vient de présenter EY.ai, une plateforme propulsée par l'IA, destinée à aider ses clients à intégrer l'intelligence artificielle dans leurs flux de travail. Son propre modèle de langage, EY.ai EYQ, servira notamment de chatbot interne. Mais il a été entraîné à partir de données publiques disponibles sur Internet et EY garantit à ses clients les droits d’auteur et la sécurité : les messages qu'ils envoient au modèle ne se retrouveront en aucun dans ses futures données d'entraînement. À l'avenir, l'objectif est de créer une série de modèles spécifiques à partir des données d’EY, comme un LLM entraîné sur la fiscalité, un domaine où EY accumule des informations depuis plus d’un siècle.

EY.ai comprend également une bibliothèque de cas d’usage qui permet de conseiller les sociétés sur le déploiement de l’IA et surtout la plateforme tech EY Fabric. Déjà utilisée par 1,5 million de personnes au sein de 60 000 clients, EY Fabric intègre désormais des fonctions d’IA.

EY lance une action massive de formation de ses 400 000 employés à l'utilisation d’EY.ai. En outre, la société a établi des partenariats avec Microsoft, Dell, SAP et Thomson Reuters pour investir et explorer l'utilisation de l’intelligence artificielle.

Course aux modèles

La demande générale d’IA générative a relancé les services numériques. L’institut IbisWorld a doublé ses prévisions, estimant la croissance du marché cette année à 4% au lieu de 2%. Par exemple, Accenture a doté de 3 milliards de dollars sur trois ans un programme de recrutements, d’acquisitions et de formation pour permettre de porter à 80 000 le nombre de ses consultants spécialisés.

Ce marché attire aussi les grandes sociétés d’audit et de conseil, mais leurs autres métiers sont directement touchés par son déploiement. Ainsi, KPMG a déclaré en juillet qu'elle prévoyait de dépenser 2 milliards de dollars en services IA et cloud au cours des cinq prochaines années. Son but est double : non seulement elle entend aider ses clients à déployer l’IA, tout comme les ESN, mais elle compte aussi automatiser une partie de ses services fiscaux, d'audit et de conseil. Un partenariat avec Microsoft, qui lui ouvrira en avant-première l’accès à Microsoft 365 Copilot, devrait générer 12 milliards de recettes supplémentaires dans la même période, selon ses estimations.

Les gains de productivité lui permettront de fournir plus rapidement des analyses et des notes de conseil stratégique, en y consacrant plus de temps. KPMG, qui s’est séparée en juin de presque 3000 salariés, ne prévoit pas de nouveaux licenciements à cause de l’IA. Au contraire, celle-ci pourrait relancer sa croissance, au prix d’un fort investissement dans la formation de ses employés.

En avril, PwC avait annoncé un investissement de 1 milliard de dollars sur trois ans pour développer ses offres en IA (lire Qant du 28 avril). S’appuyant sur GPT-4 et Azure, elle en prévoyait une multitude d’applications potentielles, comme de rédiger des rapports et préparer des documents de conformité, d’analyser et évaluer des stratégies commerciales, de créer du matériel marketing et des campagnes de vente, et même d’identifier les inefficacités dans les opérations de ses clients.

Le premier, Deloitte avait annoncé dès décembre dernier un investissement de 1,4 milliard de dollars – sur une période non précisée – dans la formation de ses employés à l'utilisation de l'IA, mais aussi généralement de la technologie et du leadership, en s’appuyant sur Deloitte University.

C’était avant que l’IA ne s’infiltre au cœur de son modèle économique.

Pour en savoir plus :

L’ESSENTIEL : Adobe, Amazon, Ascento, Meta, Stability AI, Swift, Tesla

ROBOTS

Ascento crée un robot agent de sécurité

Des robots autonomes peuvent assister les agents de sécurité dans leur tâche, en réalisant sans surveillance des missions comme patrouiller ou vérifier un périmètre.

Source: Ascento.ai

Ascento, une start-up basée à Zurich, développe des robots autonomes, appelés Ascento Guards, pour aider les agents de sécurité face à une pénurie aiguë dans le secteur. Ces robots, dotés d'un design à roues-jambes, sont conçus pour patrouiller dans divers terrains, effectuant des tâches répétitives comme la vérification des périmètres. En cas de menace, ils envoient des alertes aux gardiens humains via l'application Ascento. La société a levé 4,3 millions de dollars lors d'un tour de financement. Contrairement à ses concurrents principaux, Cobalt et Knightscope, qui se concentrent respectivement sur la sécurité intérieure et les lieux publics comme les centres commerciaux, Ascento vise principalement les grandes zones industrielles.

Pour en savoir plus :

IA

  • Après l’image, Stability AI s’attaque au son : Stability AI, principalement connue pour son logiciel de création d'images Stable Diffusion, vient de lancer une plateforme de génération d'audio par IA nommée Stable Audio, permettant aux utilisateurs de créer des chansons ou des audios d'arrière-plan. La plateforme offre trois niveaux de tarification et veut permettre une plus grande flexibilité dans la longueur des pistes produites, s'appuyant sur un vaste ensemble de données pour améliorer la qualité et la contrôlabilité de l'audio généré.
    Pour en savoir plus: The Verge

  • Amazon veut faciliter la tâche des vendeurs : Amazon vient de lancer un outil d'intelligence artificielle pour aider les vendeurs sur sa plate-forme à générer des descriptions pour leurs produits. Les marchands entrent quelques mots-clés ou phrases décrivant leur produit, et l'outil propose une gamme de contenus, tels que des titres de produits, des points clés et des descriptions, pour construire ou affiner leurs annonces.
    Pour en savoir plus: CNBC

  • La luciole d’Adobe prend son envol : Après plusieurs mois de tests en version bêta, Adobe a rendu son modèle d'IA générative Firefly largement accessible à travers Adobe Creative Cloud, Adobe Express et Adobe Experience Cloud, introduisant des fonctionnalités telles que l'outil Generative Fill de Photoshop. De plus, Adobe lance un système de crédits pour gérer la demande de Firefly et offre un nouveau bonus annuel aux contributeurs d'Adobe Stock qui permettent à leurs soumissions d'être utilisées pour former les modèles d'IA d'Adobe, cherchant à compenser les créatifs pour l'utilisation de leur travail dans la formation d'IA.
    Pour en savoir plus: The Verge

  • Consensus autour de la régulation selon Elon Musk : Lors d'une réunion à Washington avec des législateurs américains, Elon Musk, PDG de Tesla, a déclaré au micro de la chaîne CNBC qu'il y avait un "consensus écrasant" en faveur de la régulation de l'intelligence artificielle, à laquelle ont participé des dirigeants technologiques tels que Mark Zuckerberg de Meta et Sundar Pichai de Google. Les détails et le calendrier d'une éventuelle législation restent incertains.
    Pour en savoir plus: BBC

BLOCKCHAINS

  • Swift va plus loin dans les CBDC : Le système Swift a intégré trois banques centrales à la phase bêta de son projet d'interopérabilité des monnaies numériques de banque centrale (CBDC) et a élargi ses tests en bac à sable. Cependant, seules la Hong Kong Monetary Authority et la banque centrale du Kazakhstan ont été citées. La phase initiale de tests en “bac à sable” a vu la participation de plus de 18 institutions, dont la Banque de France, BNP Paribas et HSBC.
    Pour en savoir plus: Coin Telegraph

AR-VR-XR

  • Un nouveau jeu pour Horizon Worlds : Meta vient d'annoncer la sortie de 'Citadel', un jeu d'aventure coopératif, décrit comme un mélange d'action, d'énigmes et de plateformes, dans son métavers Horizon Worlds. Il s'agit du deuxième jeu lancé sur la plateforme après Super Rumble en juillet dernier.
    Pour en savoir plus: Road to VR

L’EXPERT

Les 7 clés pour réglementer l’IA dans l’éducation

Créer un manuel scolaire est plus réglementé que déployer l’IA générative dans une classe, déplore l’Unesco, qui a tenu la semaine dernière des assises mondiales sur le sujet. Il est urgent que les États se mobilisent, ainsi que les institutions éducatives, de l’école primaire à l’enseignement supérieur.

"Le robot se tient au milieu des étudiants" (Midjourney)"Le robot se tient au milieu des étudiants" (Midjourney)

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Qant: Révolution cognitive et Avenir du numérique

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Par QANT: Révolution cognitive et Avenir du numérique

Jean Rognetta

Binational franco-italien, économiste de formation, Jean devient journaliste au milieu des années 1990, après avoir fait ses premiers pas dans l’édition et la technologie. Il débute sa carrière au groupe Tests, leader de la presse informatique, puis se spécialise en financement de l’innovation et des PME. Il couvre le sujet pour Les Echos et Capital Finance de 2000 à 2015. En 2016, il rejoint le magazine Forbes et devient directeur de la rédaction de l’édition française.
Pendant la crise financière, il lance l’association PME Finance, à l’origine notamment du PEA-PME et de l’amortissement du corporate venture, ainsi que partiellement de la libéralisation du crowdfunding. Elle fusionne en 2015 avec le groupement d’entrepreneurs Croissance Plus.
Depuis 2020, Jean a lancé la revue SAY, édition française de Project Syndicate, dont il reste contributing editor, le supplément Corporate Finance du Nouvel Économiste et la collection Demain! aux Editions Hermann.

Maurice de Rambuteau

Diplômé du Centre de Formation des Journalistes (CFJ Paris) et de l'Ecole Supérieure de Commerce de Paris (ESCP BS), Maurice de Rambuteau a fait ses premières armes de journaliste dans le sport, pour le site et le magazine SoFoot, puis au sein de la rédaction football de L'Equipe. Il s'est ensuite tourné vers le journalisme économique au sein de la rédaction de La Croix, avant de donner libre cours à sa passion pour la technologie en rejoignant Qant en juin 2022 pour un premier tour d’horizon de l’IA générative. Depuis, il a percé les mystères des blockchains et du métavers et, surtout, passé des dizaines de modèles d’IA au banc d’essai.

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