Harr(IA) Potter et l’école du droit d’auteur

Walmart et Amazon préparent des stablecoins • Llama 3.1 récite Harry Potter et ravive le débat sur le droit d’auteur • Les infrastructures de données font rebondir les fusions-acquisitions • BT licencie grâce à l’IA • La guerre de l’information bat son plein à L.A. et déstabilise l’action climatique • Bienvenue dans Qant, mardi 17 juin 2025.

« Le progrès est devant nous, à condition de dépasser sa propagande » Paul Virilio

Des stablecoins pour la grande distribution

Walmart et Amazon envisagent de lancer des stablecoins pour réduire leurs frais bancaires et accélérer les paiements.

  • Aux États-Unis, les deux principales enseignes de grande distribution, Walmart et Amazon, étudient la création de leurs propres stablecoins adossés au dollar.

  • Ces projets visent à créer des moyens de paiement internes pour faciliter les transactions en ligne et internationales.

  • L’adoption de stablecoins permettra à la grande distribution de réduire les frais et d’accélérer le règlement des paiements clients.

  • EN FILIGRANE : Les projets des banques. JPMorgan, Bank of America, Citigroup, Wells Fargo et plusieurs autres grandes banques américaines qui préparent le lancement de stablecoins adossés à leurs propres réseaux de paiement, alors que des banques de plus petites tailles préparent un consortium concurrent.

  • À SURVEILLER : La ruée vers Genius. Tout comme pour les banques, les projets des deux marchands dépendent de l’adoption du Genius Act, le projet de loi en discussion au sénat américain qui vise à encadrer l’émission de stablecoins, dans un régime très favorable. 

Coinbase, Gemini

  • Coinbase et Gemini montrent patte blanche à l’Europe • La plateforme américaine Gemini, fondée par les jumeaux Winklevoss et axée sur un modèle réglementé de trading crypto, ainsi que Coinbase, première entreprise crypto cotée au S&P 500 et leader sur le marché américain, sont sur le point d’obtenir des licences leur permettant d’opérer dans toute l’Union européenne dans le cadre du nouveau règlement Mica. Gemini devrait être autorisée à partir de Malte, tandis que Coinbase attend le feu vert du Luxembourg. Ces approbations alimentent des tensions, certains – notamment la France – craignant une course au moins-disant réglementaire. Le régulateur européen, l’Esma a examiné de près la procédure maltaise, critiquée pour sa rapidité. Le cas de Coinbase, dont la présence au Luxembourg serait modeste, est perçu comme un revers pour l’Irlande, autrefois proche du secteur. En savoir plus…

La guerre de l’information arrive aux pieds de Hollywood

Le déploiement de troupes à Los Angeles illustre la manière dont les fakes IA s’intègrent dans la stratégie de communication de Donald Trump.

L’efficace fact-checking de France 24

  • La semaine dernière, les services de fact-checking de la BBC, suivis par ceux de France 24 (ci-dessus), ont débunké un deepfake – révélé la fausseté d’une vidéo vue plus d’un million de fois :  Bob, prétendu soldat de la garde nationale déployée à Los Angeles, confronté à la violence de manifestants qui lui lançaient des ballons remplis d’essence, tout aussi imaginaires que lui. 

  • Après la diffusion du sujet de la BBC, la vidéo a été supprimée par TikTok. Mais X a pris le relais : d’après le britannique Institute for Strategic Dialogue, cité par CNN, de nombreux posts d’extrême-droite ont obtenu, chacun, un million de vues ou plus. Le plus pittoresque “révélait” les plans du Mexique pour une intervention militaire, en défense de ses ressortissants. D’autres partageait des vidéos évidemment fausses, mais de plus en plus réalistes, comme celle-ci :

Un faux reportage sur les manifestations de Los Angeles

  • Souvent utilisé pour vérifier les faits, Grok, le chatbot IA de X, a diffusé des “erreurs” renforçant le message général, notamment sur les déplorables conditions de déploiement des militaires à Los Angeles, partagées par le gouverneur de Californie et le San Francisco Chronicle, mais attribuées par le chatbot à la campagne d’Afghanistan. 

  • ChatGPT a repris la même hallucination. Ce curieux effet de “contagion” a déjà été observé dans le cadre de Pravda, une opération russe de LLM-grooming qui visait à influencer les données d’entraînement et de post-entraînement des modèles.

  • La campagne de désinformation a commencé dès le lundi, quand le Pentagone a posté sur X que “Los Angeles brûle”, alors qu’aucun incendie ne s’était déclaré et que les manifestations étaient strictement pacifiques. La majorité républicaine a ensuite participé activement. Le sénateur du Texas Ted Cruz, par exemple, a partagé une vidéo montrant des voitures de la police de Los Angeles en feu, qui a été supprimée quand il a été prouvé qu’elle remontait en 2020. 

  • À SURVEILLER : La nouvelle société du spectacle. En déployant à Los Angeles la garde nationale, puis les marines, puis des drones et des hélicoptères de combat, Donald Trump a créé une séquence qui préparait le défilé militaire de samedi, à Washington, premier de son genre. Sa stratégie de communication – largement réussie – a mobilisé l’ensemble des médias, des télévisions jusqu’aux réseaux sociaux. Les efforts dispersés des opposants (vidéo ci-dessous) ont été inutiles. Il a fallu les attaques israéliennes sur l’Iran pour détourner les regards.

Deepfake favorable aux manifestants californiens, posté sur Tiktok

La pollution de l'information compromet le climat

Malgré le soutien massif du public, l'action en faveur du climat est entravée par un écosystème d'information de plus en plus toxique. Pour sauver à la fois le progrès climatique et la démocratie, il faut affronter les modèles commerciaux des Big Tech, qui inondent la sphère publique d'informations générées par l'IA.

Par Lili Fuhr et Stephanie Hankey

La désinformation contre l’action climatique. • Qant avec GPT-4o

« L'écosystème de l'information, sur lequel nous nous appuyons pour comprendre le monde, est devenu dangereusement pollué. La métaphore est appropriée car elle rend compte de la nature chaotique et toxique du paysage de l'information d'aujourd'hui, contrôlé par une poignée d'entreprises puissantes qui marchandisent l'attention et inondent nos fils d'actualité avec de l’AI slop, de la “bouillie IA” : un contenu de mauvaise qualité généré par des machines et conçu pour induire en erreur, distraire et déformer. »

« Cela n'est nulle part plus évident que dans le débat sur le changement climatique. La situation s'est tellement détériorée que le terme "désinformation" ne suffit plus à dénoncer l'ampleur, la complexité et l'urgence de la menace. »

Qant est membre de Project Syndicate.

Les fusions-acquisitions rebondissent sur les données

Les incertitudes trumpiennes ont gelé les fusions-acquisitions depuis le mois d’avril, mais les opérations reprennent dans la tech, et particulièrement dans les infrastructures de données.

  • Les acquisitions tech, liées à l’IA, représentent le quart de la valeur totale des fusions-acquisitions réalisées depuis le début de l’année, soit 421 milliards de dollars sur un total de 1 670 milliards, selon des données calculées par Dealogic pour Reuters.

  • Depuis avril, le marché est à l’arrêt : les incertitudes liées aux tarifs douaniers ont fait chuter le nombre de deals sous les niveaux les plus bas touchés pendant la pandémie ou la crise financière. 

  • Éperonnés par l’IA, les grands groupes de la tech ont rompu la tendance en multipliant les opérations dans les infrastructures de données : Meta a pris 49 % de participation dans Scale AI pour 14,8 milliards de dollars ; Salesforce prévoit de racheter Informatica pour 8 milliards de dollars (lire Qant du 2 juin) ; IBM a finalisé l’achat de DataStax en mai. 

  • À SURVEILLER : La tech suffira-t-elle à la sortie de crise ? La crypto Circle, puis la fintech Chyme, ont rouvert le marché des IPO au Nasdaq. Big Tech fait redémarrer le M&A. Mais l’évolution des marchés, notamment de la dette souveraine américaine, montre que les investisseurs continuent de se méfier des États-Unis. Pour aller au-delà de la tech, la reprise aura besoin d’assurances sur la stabilisation des politiques économiques de Washington.

Le Llama qui récitait Harry Potter

Le modèle Llama 3.1 de Meta est capable de reproduire 42 % du texte du premier tome de la saga Harry Potter. L’article de recherche qui le montre apporte de l’eau au moulin des auteurs qui font des procès à l’IA.

Un Llama à Poudlard • Qant, M. de R. avec GPT-4o

  • Le modèle Llama 3.1 70B de Meta peut reproduire mot pour mot 42 % du texte du roman de J.K. Rowling Harry Potter à l'école des sorciers, à partir d’un simple prompt de 50 tokens. 

  • Cette “mémorisation” varie fortement d’un modèle à l’autre et d’une œuvre à l’autre, comme le montre une étude menée par des chercheurs de Stanford, Cornell et West Virginia University, qui  a testé cinq modèles à poids ouverts

  • L'étude repose sur une méthode probabiliste, considérant qu’un passage est "mémorisé" si la probabilité de générer une séquence exacte de 50 tokens dépasse 50 %, soit une précision moyenne de 98,5 % par token.

  • À SURVEILLER : L'impact sur le droit d’auteur. Ces résultats, s’ils se multiplient et se confirment, pourraient remettre en question la légalité des modèles et peser sur les procès en cours, où les créateurs de modèles se réclament d’une exception au copyright, le fair use (une exception au droit d’auteur américain qui permet l’utilisation limitée d’œuvres protégées sans autorisation, à des fins comme la critique, l’enseignement ou la recherche). En début de mois, deux nouvelles procédures judiciaires visant OpenAI et Anthropic sont venues s'ajouter à la longue liste des procès intentés aux géants de l'IA.

BT, Pékin

  • L’IA permet à British Telecom (BT) de réduire ses effectifs • La directrice générale de BT, Allison Kirkby, a déclaré que les avancées en intelligence artificielle entraîneront des suppressions d’emplois supplémentaires au sein du groupe britannique de télécoms, qui prévoit déjà d’en supprimer jusqu’à 55 000 d’ici 2030. Elle estime que le plan initial de réduction des coûts de 3 milliards de livres (3,5 milliards d'euros) ne prend pas en compte tout le potentiel de l’IA pour automatiser davantage. En savoir plus… 

  • Les tours de passe-passe de Pékin à Washington • Certaines entreprises chinoises contournent les restrictions américaines sur les exportations de puces en entraînant leurs modèles d’IA à l’étranger, selon le Wall Street Journal. Le procédé consiste à louer des centres de données équipés de GPU dans des pays comme la Malaisie, où les contrôles sont plus laxistes, puis à y envoyer des ingénieurs avec des disques durs contenant les données d’entraînement. Une fois les modèles entraînés, ils sont rapatriés en Chine. Cette stratégie, déjà repérée en Asie du Sud-Est et au Moyen-Orient, met en évidence les limites des sanctions technologiques américaines face à des circuits parallèles discrets mais efficaces. En savoir plus…

1X Technologies présente un nouveau modèle pour ses humanoïdes

Le robot humanoïde Neo de 1X Technologies bénéficie d'une autonomie renforcée grâce à Redwood, un nouveau modèle d’IA conçu pour les tâches domestiques.

  • 1X Technologies vient de présenter Redwood, un modèle Transformer Vision-Langage optimisé pour la forme humanoïde et l’autonomie dans un contexte domestique.

  • Il permet ainsi au robot Neo de se déplacer sans risque dans un domicile pour effectuer de manière autonome des tâches comme la lessive ou l’ouverture de portes...

  • Redwood combine vision, langage et proprioception pour permettre au robot de comprendre son environnement, saisir des objets inconnus et se déplacer avec fluidité, y compris dans des espaces étroits.

  • L’architecture du système inclut une manipulation bi-manuelle mobile, l’usage coordonné de tout le corps, ainsi que des comportements de soutien comme l’appui ou l’inclinaison durant certaines tâches.

  • Fonctionnant entièrement sur la GPU embarquée de Neo, Redwood assure un traitement local en temps réel, sans recourir au cloud, réduisant ainsi latence et risques liés à la confidentialité des données.

  • L’apprentissage du modèle repose sur des données collectées via les robots Eve et Neo dans des environnements réels, avec une prise en compte des échecs et réussites pour affiner ses capacités prédictives.

  • À SURVEILLER : Neo Gamma veut s’installer dans le foyer. 1X Technologies prépare des tests en conditions réelles de la nouvelle version de Neo, baptisée Neo Gamma. Tout comme UBTech, elle se tourne vers l’intégration de robots humanoïdes autonomes dans les foyers, nouvelle frontière de la robotique humanoïde.


EN EXCLUSIVITÉ POUR LES ABONNÉS :

• L’IA renforce les campagnes de désinformation sur les énergies renouvelables ou la géo-ingénierie. Elles nourrissent la défiance, ralentissent les décisions politiques et exposent les scientifiques à des formes de harcèlement croissant.

La pollution de l'information compromet les progrès en matière de climat

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Qant: Révolution cognitive et Avenir du numérique

Qant: Révolution cognitive et Avenir du numérique

Par QANT: IA et Technologies Émergentes

Jean Rognetta

Binational franco-italien, économiste de formation, Jean devient journaliste au milieu des années 1990, après avoir fait ses premiers pas dans l’édition et la technologie. Il débute sa carrière au groupe Tests, leader de la presse informatique, puis se spécialise en financement de l’innovation et des PME. Il couvre le sujet pour Les Echos et Capital Finance de 2000 à 2015. En 2016, il rejoint le magazine Forbes et devient directeur de la rédaction de l’édition française.
Pendant la crise financière, il lance l’association PME Finance, à l’origine notamment du PEA-PME et de l’amortissement du corporate venture, ainsi que partiellement de la libéralisation du crowdfunding. Elle fusionne en 2015 avec le groupement d’entrepreneurs Croissance Plus.
Depuis 2020, Jean a lancé la revue SAY, édition française de Project Syndicate, dont il reste contributing editor, le supplément Corporate Finance du Nouvel Économiste et la collection Demain! aux Editions Hermann.

Maurice de Rambuteau

Diplômé du Centre de Formation des Journalistes (CFJ Paris) et de l'Ecole Supérieure de Commerce de Paris (ESCP BS), Maurice de Rambuteau a fait ses premières armes de journaliste dans le sport, pour le site et le magazine SoFoot, puis au sein de la rédaction football de L'Equipe. Il s'est ensuite tourné vers le journalisme économique au sein de la rédaction de La Croix, avant de donner libre cours à sa passion pour la technologie en rejoignant Qant en juin 2022 pour un premier tour d’horizon de l’IA générative. Depuis, il a percé les mystères des blockchains et du métavers et, surtout, passé des dizaines de modèles d’IA au banc d’essai.

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