La révolution IA ou la terreur agentique ?

Le Nobel Daron Acemoglu met en garde contre les agents IA autonomes • Replit entre dans la cour des grands du “vibecoding” • La deuxième banque japonaise lorgne sur les stablecoins • Deepmind propose un nouveau cadre de sécurité IA • Une nouvelle IA ? Un robot suédois apprend comme un jeune animal • Bienvenue dans Qant, vendredi 4 avril 2025.

« Le progrès est devant nous, à condition de dépasser sa propagande » Paul Virilio

Brèves nouvelles de la libération de l’Amérique

Alors que la perspective d’un iPhone à 2 300 dollars fait décrocher les bourses mondiales (et le dollar), le chaos s’installe.

  • Le chantage TikTok • « Les tarifs douaniers nous donnent un grand pouvoir de négociation » s’est réjoui hier Donald Trump : « Tous les pays nous ont appelés ». Après avoir précisé que des tarifs sur les médicaments sont à l’étude, il a indiqué qu’il était prêt à revenir sur le traitement de la Chine si Pékin approuve d’ici samedi la cession des activités de TikTok au candidat choisi par la Maison-Blanche. Il offre ainsi à Xi Jinping une occasion en or d’humilier l’erratique président des États-Unis, en indiquant à Bytedance de fermer le service, comme il l’avait fait en janvier, ou de proposer un compromis en cédant les opérations, mais non l’algorithme de TikTok. En savoir plus…

  • Plainte contre X • La Commission européenne prévoir d’infliger une amende de plus d’un milliard de dollars à X pour violation du Digital Services Act, indiquait cette nuit la presse américaine. Des négociations seraient en cours pour tenter d’éviter d’irriter encore la Maison-Blanche, mais la France semble pousser dans la direction opposée. Hier, la porte-parole du gouvernement Sophie Primas a spécifiquement indiqué la taxation des services en ligne parmi les représailles à la guerre commerciale lancée par les États-Unis. En savoir plus (AFP)…

Les deux visages des agents IA

L'IA « agentique » est à la croisée des chemins. Alors que l'IA pourrait être un bon conseiller pour les humains – en nous fournissant des informations utiles, fiables et pertinentes en temps réel – les agents d’IA autonomes sont susceptibles d'engendrer de nombreux problèmes prévisibles, tout en érodant bon nombre des avantages que la technologie aurait pu offrir.

L’agent IA Janus • Qant avec GPT-4o

Par Daron Acemoglu (prix Nobel d’économie 2024)

« Dans le cadre d'une approche fondée sur “l'IA-conseiller”, les agents d'IA proposeront des recommandations calibrées individuellement aux décideurs humains, laissant toujours ces derniers aux commandes. En revanche, avec un modèle “d'IA autonome”, les agents prendront le volant pour le compte des humains. Il s'agit là d'une distinction aux implications profondes et étendues.»

« À court terme, les IA agentiques autonomes peuvent donc donner naissance à un monde plus inégalitaire, dans lequel seules certaines entreprises ou personnes auraient accès à des modèles d'IA très compétents et crédibles. Et même si tout le monde finissait par acquérir les mêmes outils, ce ne serait pas mieux. Notre société tout entière serait soumise à des jeux de “guerre d'usure”, dans lesquels les agents d'IA poussent chaque situation conflictuelle au bord de la rupture. »

Replit entre au firmament des agents d’IA

Appuyée sur Google contre Github de Microsoft, Replit devrait atteindre les 3 milliards de valorisation. De quoi se mesurer à Cognition Labs et Anysphere dans la course au “vibecoding”.

Replit Agent 2.0, le dernier agent de codage IA présenté par Replit

  • Grande rivale de Github, Replit prépare une levée de fonds de 200 millions de dollars qui devrait faire monter sa valorisation à 3 milliards de dollars. 

  • La start-up américaine a présenté en septembre dernier un agent d’IA capable d’écrire mais aussi de déployer des applications dans un système d’information.

  • Replit, qui s’appuie sur un partenariat avec Google (lire Qant du 31 mars 2023), revendique plus de 30 millions d’utilisateurs, contre une centaine de millions pour Github.

  • Elle compte parmi ses investisseurs Andreessen Horowitz, Craft Ventures, Coatue Management, Khosla Ventures et Bloomberg Beta.

  • À SURVEILLER : Le Graal du “vibecoding”. Dans le modèle de Replit et des autres créateurs d’agents IA autonomes, l’utilisateur décrit ce qu’il souhaite et l’IA se charge de l’implémentation technique. D’autres agents se sont lancés à la quête du Graal, notamment Devin de Cognition Labs et Cursor de Anysphere, qui d’après Bloomberg négocie un deuxième tour sur une valeur de 10 milliards de dollars, après avoir construit un ARR de 100 millions en douze mois. À la clé : une nouvelle informatique, où la machine se code elle-même pour exécuter les instructions de l’utilisateur.

Google, OpenAI, Scale AI

  • Les agents IA au début d’un long chemin • OpenAI vient de présenter PaperBench, un étalonnage pour tester la capacité des agents d’IA à reproduire des recherches en machine learning. L’outil évalue si un agent peut lire un article scientifique, coder les expériences associées et reproduire les résultats sans utiliser le code original. Claude 3.5 Sonnet est le modèle le plus performant (21 % de réussite), loin derrière les humains (41,4 %). GPT-4o n’atteint que 4,1 %. En savoir plus…

  • Scale change d’échelle • La start-up californienne Scale AI vise un chiffre d’affaires de 2 milliards de dollars en 2025, contre 870 millions en 2024. Elle préparerait une opération secondaire qui la valoriserait 25 milliards de dollars, soit une hausse de plus de 80 % par rapport à sa dernière levée menée en 2023 par Accel Partners. Spécialisée à l’origine dans la labellisation de données pour l'entraînement des modèles d'IA, elle développe désormais ses propres modèles et une gamme de services pour la création de produits d’IA.  En savoir plus… 

  • Gemini prend bonne note • Google prépare une refonte de son application mobile Gemini (ex-Bard) sous la nouvelle direction de Josh Woodward, responsable jusqu’ici de Google Labs et surtout de NotebookLM. Cet outil innovant de prise de notes et d’analyse de documents constitue le principal succès de Google dans le domaine. En savoir plus… 

SMBC prépare une Avalanche de stablecoins au Japon

Le deuxième groupe bancaire japonais explore l’utilisation et la commercialisation de stablecoins avec des partenaires internationaux.

  • Le groupe Sumitomo Mitsui Financial (SMBC), le deuxième des grands conglomérats bancaires du Japon, vient de signer un accord avec Ava Labs, la société américaine à l’origine du développement de la blockchain Avalanche, pour développer un cadre d’émission et d’utilisation de stablecoins adossés au dollar et au yen.

  • Fireblocks, entreprise israélienne spécialisée dans la sécurité des actifs numériques, et TIS Inc., fournisseur japonais de services informatiques, participent au développement du cadre, qui veut définir des cas d’usage concrets et mener des pilotes.

  • Les partenaires ciblent des applications comme le règlement d’actifs réels (RWA) tokenisés, incluant des actions, des obligations souveraines et d’entreprise, ainsi que des biens immobiliers.

  • SMBC poursuit ainsi ses initiatives dans les actifs numériques après avoir établi un service de garde en 2022 et mené des essais d’émission de titres financiers numériques en partenariat avec l’entreprise américaine Securitize en 2021.

  • À SURVEILLER : L’intérêt des banques japonaises. L’assouplissement de la réglementation a permis pour l’instant aux grandes banques japonaises de préparer un système de paiements internationaux basés sur les stablecoins et à Circle de se lancer dans le pays. SMBC semble prêt à aller plus loin et l’américaine Custodia a montré l’intérêt pour les banques à émettre des deposit stablecoins, équivalents à des dépôts sans intérêt (lire Qant du 2 avril).

Une nouvelle IA ? Le robot qui apprend comme un animal

La start-up suédoise IntuiCell a présenté un système d’intelligence artificielle inspiré du cerveau, permettant à un robot quadrupède d’apprendre par lui-même, sans données préalables ni programmation.

La start-up suédoise IntuiCell a développé un « système nerveux numérique », qui transforme un robot quadrupède standard en un agent autonome capable d’apprendre en interagissant avec le monde réel. Baptisé Luna, ce robot apprend à se tenir debout et à contrôler son corps à travers un processus d’essais, d’erreurs et d’expérience cumulative, à la manière d’un jeune animal.

Issue de l’université suédoise de Lund, IntuiCell ambitionne de fournir une infrastructure pour toute forme d’intelligence non-biologique, capable de s’adapter à l’imprévu et d’évoluer sans dépendre de données préalablement collectées.

Rien que ça.

Failles de l’IA : DeepMind propose une riposte

DeepMind publie un cadre d’évaluation inédit pour détecter les points faibles des cyberattaques assistées par l’IA, afin d’optimiser la défense.

  • Alors que l’horizon de l’AGI se rapproche”, Google DeepMind dévoile un nouveau cadre d’évaluation des cyberattaques impliquant l’intelligence artificielle, destiné à identifier les failles les plus critiques dans la chaîne d’attaque.

  • Le rapport de DeepMind repose sur l’analyse de plus de 12 000 cyberattaques assistées par IA dans plus de 20 pays, selon les données du groupe de renseignement de Google.

  • DeepMind estime que les cadres actuels sont fragmentaires, se concentrent sur des aspects généraux comme l’automatisation ou la fréquence des attaques, et n’aident pas efficacement les défenseurs à hiérarchiser leur réponse.

  • Le nouveau cadre met en lumière 50 défis techniques spécifiques peu explorés, comme l’évasion, l’obfuscation ou la persistance, où l’IA montre encore une efficacité limitée.

  • À SURVEILLER : L’utilisation du modèle Gemini 2.0 Flash a permis d’évaluer les capacités réelles de l’IA dans ces zones de vulnérabilité, identifiant les segments de la chaîne d’attaque les moins optimisés par l’IA, donc plus propices à des actions défensives efficaces.


EN EXCLUSIVITÉ POUR LES ABONNÉS :

• Le prix Nobel Daron Acemoglu s’élève contre les dangers des agents d’IA autonomes.

• Une start-up suédoise conçoit un système bio-inspiré qui permet à un robot d’apprendre par essais et erreurs, comme un animal.

Les deux visages des agents IA

L'IA « agentique » est à la croisée des chemins. Alors que l'IA pourrait être un bon conseiller pour les humains – en nous fournissant des informations utiles, fiables et pertinentes en temps réel – les agents d’IA autonomes sont susceptibles d'engendrer de nombreux problèmes prévisibles, tout en érodant bon nombre des avantages que la technologie aurait pu offrir.

Par Daron Acemoglu (prix Nobel d’économie 2024)

L’agent IA Janus • Qant avec GPT-4o

Les agents d'IA arrivent, que nous y soyons prêts ou non. Bien qu'il y ait beaucoup d'incertitude quant au moment où les modèles d'IA seront capables d'interagir de manière autonome avec des plateformes numériques, d'autres outils d'IA et même des humains, il ne fait aucun doute que cette évolution sera transformatrice, pour le meilleur ou pour le pire. Malgré tous les commentaires (et le battage médiatique) autour de l'IA agentique, de nombreuses grandes questions restent en suspens, la plus importante étant de savoir quel type d'agent d'IA l'industrie technologique cherche à développer.

L'IA conseillère ou l'IA autonome

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Qant: Révolution cognitive et Avenir du numérique

Par QANT: IA et Technologies Émergentes

Jean Rognetta

Binational franco-italien, économiste de formation, Jean devient journaliste au milieu des années 1990, après avoir fait ses premiers pas dans l’édition et la technologie. Il débute sa carrière au groupe Tests, leader de la presse informatique, puis se spécialise en financement de l’innovation et des PME. Il couvre le sujet pour Les Echos et Capital Finance de 2000 à 2015. En 2016, il rejoint le magazine Forbes et devient directeur de la rédaction de l’édition française.
Pendant la crise financière, il lance l’association PME Finance, à l’origine notamment du PEA-PME et de l’amortissement du corporate venture, ainsi que partiellement de la libéralisation du crowdfunding. Elle fusionne en 2015 avec le groupement d’entrepreneurs Croissance Plus.
Depuis 2020, Jean a lancé la revue SAY, édition française de Project Syndicate, dont il reste contributing editor, le supplément Corporate Finance du Nouvel Économiste et la collection Demain! aux Editions Hermann.

Maurice de Rambuteau

Diplômé du Centre de Formation des Journalistes (CFJ Paris) et de l'Ecole Supérieure de Commerce de Paris (ESCP BS), Maurice de Rambuteau a fait ses premières armes de journaliste dans le sport, pour le site et le magazine SoFoot, puis au sein de la rédaction football de L'Equipe. Il s'est ensuite tourné vers le journalisme économique au sein de la rédaction de La Croix, avant de donner libre cours à sa passion pour la technologie en rejoignant Qant en juin 2022 pour un premier tour d’horizon de l’IA générative. Depuis, il a percé les mystères des blockchains et du métavers et, surtout, passé des dizaines de modèles d’IA au banc d’essai.

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