Mobilisation vers une IA souveraine

Musk veut acheter OpenAI • Le Sommet de Paris face à la crise de l'IA occidentale et au malaise français • Mistral s'allie à Helsing pour une IA européenne dans la défense • OpenAI prépare ses puces pour 2026 • Proton propose un wallet bitcoin sécurisé • Bienvenue dans Qant, mardi 11 février 2025.

« Le progrès est devant nous, à condition de dépasser sa propagande » Paul Virilio

OpenAI : Elon Musk tente l’estocade

Un groupe d’investisseurs mené par Elon Musk propose 97,4 milliards de dollars pour prendre le contrôle d’OpenAI.

  • xAI, la start-up d’intelligence artificielle d’Elon Musk, a notifié hier soir au conseil d’administration d’OpenAI une proposition de rachat pour 97,4 milliards de dollars.

  • Outre Elon Musk, la cordée d’investisseurs comprend Joe Lonsdale, cofondateur de Palantir, le magnat des médias Ari Emmanuel (Endeavor), et quatre fonds : Atreides Management, Baron Capital, Valor Equity Partners et Vy Capital

  • En l’état actuel de la gouvernance d’OpenAI, cette offre ne pourrait avoir d’effet que sur la filiale commerciale de la fondation.

  • Hier soir, Sam Altman a immédiatement rejeté l’offre. Il propose ironiquement de racheter Twitter pour le dixième du prix, rappelant aux investisseurs qui suivent Elon Musk l’argent perdu par le “Doge” dans ses aventures médiatiques.

  • Selon les estimations, Twitter, rachetée pour 44 milliards de dollars en 2022, a perdu jusqu’à 90% de sa valeur – mais offert à Elon Musk un poids politique sans précédent.

  • Dans le cadre de sa transformation en société commerciale, OpenAI vise actuellement une valorisation de 340 milliards de dollars dans sa levée de fonds, menée par SoftBank.

  • À SURVEILLER : Le feuilleton de l’année. L’offre permet à Elon Musk de reprendre l’initiative qu'e Sam Altman lui avait dérobée, en étant présent à Paris pour le Sommet et, surtout, aux côtés de Trump pour l’annonce de Stargate. L’échec probable de la cordée et celui, certain, de ses procès, n’ôtent rien à la capacité de nuire du “Doge”. Avec cette fois un arbitre dans le feuilleton : Donald Trump, grand maître ès téléréalité.

Mobilisation

Hier, au Grand Palais puis à l’Elysée. Aujourd’hui, à Station F. Demain, à la cathédrale américaine. Et après, au boulot.

Emmanuel Macron conclut la première journée du Sommet pour l’IA • © Qant

Les travaux ont commencé pour la déclaration commune qui conclura ce soir le Sommet de Paris sur l’IA. L’absence d’Elon Musk – trop occupé à monter l’escalade contre OpenAI – devrait faciliter les travaux diplomatiques, sous l’égide du vice-président américain J.D. Vance et du Président de la République. Mais son attaque imprévue ne pouvait que troubler le dîner, hier soir, à l’Elysée, où le prix Nobel d’économie Daron Acemoglu devait donner le répons à Sam Altman, pour poser le débat entre avancée technologique et périls sociaux.

Débat tranché, en France, dès l’an dernier, sous l’égide optimiste d’Anne Bouverot et Philippe Aghion, coprésidents de la Commission de l’IA au printemps dernier. Aujourd’hui, à Station F, France Digitale bat le rappel de la start-up nation, mobilisée pour faire entrer la France dans l’IA. Le Medef a entonné l’antienne dès la semaine dernière, en proposant de mobiliser le CPF pour former à l’IA 300 000 personnes par an. Et le Tout-Paris de bruisser à l’unisson, de cocktails en conférences. Le contre-sommet organisé au théâtre de la Concorde pour dénoncer les méfaits de l’IA n’a fait que compléter la pantomime.

Il faut espérer qu’à la différence des précédentes, cette mobilisation-ci redonne espoir aux Français. Demain en tout cas, les élites américaines – Dario Amodei, Demis Hassabis, Reid Hoffman, Eric Schmidt… – rencontreront les Français – Arthur Mensch, Xavier Niel… Puis les affaires reprendront leur cours.

J.R.

Le Président de la République arrive au Sommet de l’IA, accueilli par l’envoyée spéciale Anne Bouverot • © Qant

Une alliance franco-allemande de start-up pour l’IA européenne

Mistral AI et Helsing annoncent un partenariat pour intégrer l’intelligence artificielle dans les systèmes de défense, créant une alternative européenne à l’écosystème américain.

De l’IA dans la défense • Qant, M. de R. avec Midjourney

La française Mistral AI, spécialisée dans les modèles de fondation, et l'allemande Helsing, qui développe des logiciels pour les équipements militaires, travailleront ensemble sur des solutions d’IA appliquées à la défense. Selon leur déclaration commune hier, lors du sommet sur l’intelligence artificielle à Paris, elles utiliseront notamment la vision par ordinateur pour améliorer l’analyse des environnements opérationnels et faciliter la prise de décision en situation complexe.

L’utilisation de l’IA dans la défense, qui se structure rapidement aux États-Unis, devrait se généraliser dans les années à venir. Elle répond à plusieurs objectifs : automatiser l’analyse des données en temps réel, optimiser la communication entre les systèmes militaires et leurs opérateurs, et accélérer la prise de décision en opération – ainsi, par exemple, des systèmes de command and control proposés par la start-up française Comand.ai. Ces technologies sont particulièrement recherchées pour les drones autonomes, la cybersécurité et la gestion des ressources logistiques.

Des puces pour OpenAI

OpenAI s’apprête à achever la conception de sa première puce d’intelligence artificielle, conçue avec Broadcom.

  • OpenAI finalisera dans les prochains mois le design de sa première puce d’IA, qu’elle enverra en fabrication chez TSMC, avec une technologie avancée de 3 nanomètres, selon Reuters

  • Le premier prototype, ou tape-out, coûtera plusieurs dizaines de millions d’euros et nécessitera environ six mois. 

  • La production pourrait donc être lancée en fin d’année. En cas de dysfonctionnement, cependant, OpenAI devra relancer une nouvelle fabrication, allongeant les délais. 

  • L’équipe en charge du projet a récemment doublé de taille pour atteindre 40 ingénieurs. Elle est dirigée par un ancien cadre d’Alphabet, Richard Ho, qui a participé à créer les TPU de Google (tensor processing units, rivales des GPU de Nvidia). 

  • Elle bénéficie également du soutien de Broadcom – qui participe au développement et à la production des TPU.

  • À SURVEILLER : La production en 2026. Tout comme Google avec les TPU, mais aussi Amazon et Microsoft, OpenAI espère utiliser cette initiative pour réduire sa dépendance à Nvidia et renforcer sa capacité de négociation, au moment du décollage de Stargate.

DeepMind, Free, Mistral, OpenAI, Riyad, Unesco

  • L’IA championne olympique … de maths • DeepMind affirme dans une étude que le modèle AlphaGeometry2 dépasse les médaillés d’or de l’Olympiade internationale de mathématiques (IMO), en résolvant 84 % des problèmes de géométrie posés à l’IMO depuis 25 ans. Ce modèle associe un réseau neuronal de la famille Gemini à un moteur symbolique, qui lui permet de générer et vérifier des démonstrations mathématiques. Selon DeepMind, cette approche hybride pourrait être clé pour le développement d’une IA plus générale. En savoir plus… 

  • L’IA Free, tout compris • L’opérateur Free Mobile inclut désormais l’accès à la version Pro du chatbot Le Chat de Mistral AI pour la plupart de ses abonnés. Cette offre, valable un an sans surcoût, permet d’utiliser pendant un an le modèle le plus avancé de Mistral, avec accès au web en direct, génération d’images, téléchargement de fichiers et suppression du partage de données. Free devient ainsi le premier opérateur français à intégrer une IA générative dans ses forfaits. En savoir plus…

  • Riyad mise gros sur l’IA • L’Arabie saoudite vient d’annoncer 13,8 milliards de dollars d’investissements dans l’IA avec Google, Lenovo et Alibaba. Lors du sommet technologique Leap 2025 à Riyad, le ministre saoudien Abdullah bin Amer Alswaha a révélé une série de partenariats stratégiques pour faire du royaume un centre régional d’innovation en intelligence artificielle. Parmi les engagements notables, Aramco investit 1,4 milliard de dollars avec Groq pour renforcer ses capacités de cloud computing, tandis qu’un accord de 1,85 milliard entre Alat et Lenovo vise à établir une usine avancée d’IA et de robotique. Google Cloud, Alibaba Cloud, Qualcomm et Salesforce ont également annoncé des initiatives locales. En savoir plus… 

  • OpenAI s’implante en Allemagne • OpenAI va ouvrir un bureau à Munich dans les prochains mois. Après Paris, Bruxelles et Dublin, cette implantation marque la quatrième étape dans son expansion européenne. Selon OpenAI, l’Allemagne compte le plus grand nombre d’utilisateurs et de développeurs exploitant son API en Europe. Le bureau recrutera d’abord pour des postes liés au développement commercial et aux affaires publiques. En savoir plus… 

  • L’IA qui parle avec l’Unesco • Meta vient de lancer un programme pour améliorer l’IA de traduction et de reconnaissance vocale en partenariat avec l’Unesco. Les modèles ainsi développés seront open source. Meta met aussi en place un nouvel outil d’évaluation des modèles de traduction, accessible via Hugging Face. En savoir plus…

La crise de l'IA occidentale est bien réelle

Compte tenu des risques liés à la course à la domination de l'IA, le maintien d'une forte avance au sein des économies démocratiques avancées justifie une mobilisation stratégique publique-privée de l'ampleur du projet Manhattan. Pourtant, l'Occident fait le contraire, en grande partie à cause de l'arrogance, de la myopie et de la cupidité de sa propre industrie de l'IA.

Par Charles Ferguson, AI Editor de Project Syndicate, investisseur en technologie et analyste politique, réalisateur du documentaire Inside Job, récompensé par un Oscar.

Charles Ferguson • D.R.

« La publication du modèle chinois de langage étendu DeepSeek-R1, avec ses capacités impressionnantes et son faible coût de développement, a choqué les marchés financiers et a conduit à parler d'un “moment Spoutnik” dans le domaine de l'intelligence artificielle. Mais un modèle chinois puissant et innovant qui atteint la parité avec les produits américains n'est pas une surprise. C'est le résultat prévisible d'un échec politique majeur des États-Unis et de l'Occident, dont l'industrie de l'intelligence artificielle porte elle-même une grande part de responsabilité. »

« Bon nombre des problèmes liés à la politique américaine reflètent la résistance ou la négligence de l'industrie tech elle-même. De manière cruciale, elle aura été son propre pire ennemi, ainsi que l'ennemi de la sécurité à long terme de l'Occident. »

« Les défis posés par la R&D en matière d'IA et la montée en puissance de la Chine exigent une réponse énergique et sérieuse. Si les capacités des gouvernements sont insuffisantes, nous devons les renforcer, et non les détruire. »

Qant est membre de Project Syndicate.

Proton envoie des bitcoins par e-mail

La start-up suisse Proton AG met à disposition son portefeuille bitcoin sur iOS, Android et le Web.

  • Après une phase de test qui a réuni 100 000 utilisateurs, Proton vient d'ouvrir à tous son portefeuille bitcoin.

  • Encrypté de bout en bout, Proton Wallet est intégré à Proton Mail, pour permettre aux utilisateurs d’envoyer des bitcoins par courriel, à n’importe quelle autre adresse.

  • Créée en 2014 par d’anciens chercheurs du Cern, la start-up genevoise est surtout connue pour ses services comme Proton Mail et Proton VPN, qui ont franchi la barre des 100 millions d’utilisateurs en 2023.

  • Le portefeuille nécessite un compte Proton, mais chaque compte peut créer plusieurs wallets

  • Comme pour les autres portefeuilles, la récupération des fonds est possible grâce à une seed phrase de 12 mots. 

  • Le code source ouvert pourrait faciliter, d’après Proton, l’ajout d’autres cryptomonnaies selon la demande des utilisateurs.

  • À SURVEILLER : Le marché des wallets. Proton est la première société non directement reliée aux cryptos à proposer un portefeuille bitcoin. À l’heure où la finance et les cryptos convergent à grands pas, la création d’un portefeuille assez simple pour le grand public devient un enjeu de marché.


EN EXCLUSIVITÉ POUR LES ABONNÉS :

• Les États-Unis dominent l’IA militaire, mais l’alliance entre Mistral et Helsing pourrait poser les bases d’une IA souveraine.

• La Chine progresse en IA grâce à une stratégie cohérente, alors que l’Occident tergiverse entre régulation et laissez-faire.

Une alliance franco-allemande de start-up pour l’IA européenne

Les start-up européennes Mistral AI et Helsing annoncent un partenariat pour intégrer l’intelligence artificielle dans les systèmes de défense.

De l’IA dans la défense • Qant, M. de R. avec Midjourney

La française Mistral AI, spécialisée dans les modèles d’intelligence artificielle, et l'allemande Helsing, qui développe des logiciels pour les équipements militaires, travailleront ensemble sur des solutions d’IA appliquées à la défense. Selon leur déclaration commune lors du sommet sur l’intelligence artificielle à Paris, elles utiliseront la vision par ordinateur pour améliorer l’analyse des environnements opérationnels et faciliter la prise de décision en situation complexe.

L’IA, un outil stratégique pour les forces armées

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Qant: Révolution cognitive et Avenir du numérique

Qant: Révolution cognitive et Avenir du numérique

Par QANT: Révolution cognitive et Avenir du numérique

Jean Rognetta

Binational franco-italien, économiste de formation, Jean devient journaliste au milieu des années 1990, après avoir fait ses premiers pas dans l’édition et la technologie. Il débute sa carrière au groupe Tests, leader de la presse informatique, puis se spécialise en financement de l’innovation et des PME. Il couvre le sujet pour Les Echos et Capital Finance de 2000 à 2015. En 2016, il rejoint le magazine Forbes et devient directeur de la rédaction de l’édition française.
Pendant la crise financière, il lance l’association PME Finance, à l’origine notamment du PEA-PME et de l’amortissement du corporate venture, ainsi que partiellement de la libéralisation du crowdfunding. Elle fusionne en 2015 avec le groupement d’entrepreneurs Croissance Plus.
Depuis 2020, Jean a lancé la revue SAY, édition française de Project Syndicate, dont il reste contributing editor, le supplément Corporate Finance du Nouvel Économiste et la collection Demain! aux Editions Hermann.

Maurice de Rambuteau

Diplômé du Centre de Formation des Journalistes (CFJ Paris) et de l'Ecole Supérieure de Commerce de Paris (ESCP BS), Maurice de Rambuteau a fait ses premières armes de journaliste dans le sport, pour le site et le magazine SoFoot, puis au sein de la rédaction football de L'Equipe. Il s'est ensuite tourné vers le journalisme économique au sein de la rédaction de La Croix, avant de donner libre cours à sa passion pour la technologie en rejoignant Qant en juin 2022 pour un premier tour d’horizon de l’IA générative. Depuis, il a percé les mystères des blockchains et du métavers et, surtout, passé des dizaines de modèles d’IA au banc d’essai.

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