Les élections allemandes exposent la faiblesse de la gouvernance de l’IA et des réseaux sociaux • Premiers pas vers une flotte autonome américaine • La culture tente une nouvelle mobilisation contre l’AI Act • Le cadre Rhino améliore la réactivité des robots humanoïdes face aux humains • Bienvenue dans Qant, vendredi 21 février 2025.
« Le progrès est devant nous, à condition de dépasser sa propagande » Paul Virilio
Germania fighting the digital hordes • Qant avec Dall-e
TikTok et X favorisent massivement Alternativ für Deutschland (AfD) dans leurs recommandations aux utilisateurs non partisans, d’après une étude de l’ONG Global Witness, connue pour ses enquêtes contre la corruption (et ses démêlés avec une autre AFD, l’Agence française pour le développement).
Sur TikTok, 78 % du contenu politique recommandé soutient l’AfD et 64 % sur X, des chiffres bien supérieurs aux 20 % de soutien du parti dans les sondages.
Le biais global vers la droite est significativement plus fort sur TikTok (74 %) et X (72 %) que sur Instagram (59 %).
Le rapport souligne le manque de transparence des algorithmes, qui rend difficile l’évaluation des critères de recommandation et d’amplification des contenus.
TikTok a lancé un “centre” sur son réseau consacré aux élections allemandes, pour proposer à ses utilisateurs des informations fiables et bloqué 3 réseaux d’amplification du contenu pro-AfD.
Le réseau X n’a pris aucune initiative de la sorte. Au contraire, Elon Musk a lancé, lors d’un entretien avec la tête de liste de l’AfD Alice Weidel le mois dernier, une campagne de soutien qui a été reprise par l’administration Trump, notamment le vice-président JD Vance à la conférence de Munich vendredi dernier.
EN FILIGRANE : De difficiles recours. Les résultats de l’enquête de Global Witness ont été transmis aux autorités européennes, afin qu’elles examine les biais signalés à la lumière du règlement sur les services numériques (DSA). La très éventuelle amende contre les deux réseaux de propagande n’interviendrait que bien après qu’ils aient déployé leurs effets, alors qu’au contraire, une victoire de l’AfD bloquerait immédiatement la procédure.
LE PIÈGE : En Roumanie, une campagne prorusse similaire a conduit à l’annulation des élections par la commission électorale, mais on ne sait comme le pays pourra se prémunir contre la même déferlante aux prochaines élections.
À SURVEILLER : Le fact-checking, qui n’en finit pas de mourir. Cette nuit, Elon Musk a fait part de son intention de réformer les “Comunity Notes”, que “les legacy media et les gouvernements” étrangers manipuleraient trop facilement, sapant ainsi la propagande véhiculée par son réseau. Au même moment, Meta commence à déployer ce même système dans ses propres réseaux sociaux, pour remplacer le fact-checking. Encore un effort, Zuck.
Par Mariana Mazzucato (UCL) et Tommaso Valletti (Imperial College)
Mariana Mazzucato (UCL), D. R.
“La clé de la gouvernance de l'IA, c’est de la considérer non pas comme un secteur méritant plus ou moins de soutien public, mais plutôt comme une technologie polyvalente susceptible de transformer tous les secteurs. Ces transformations ne seront pas neutres en termes de valeur. Si elles peuvent être réalisées dans l'intérêt général, elles peuvent aussi consolider le pouvoir des monopoles existants.”
“Les fonds publics ne doivent pas être canalisés entre les mains d'entreprises étrangères de grande envergure : cela détourne l'argent des contribuables vers les poches des entreprises les plus riches du monde et leur fait perdre le contrôle de leurs données. L'accord passé avec Palantir par le NHS, le Service national de santé britannique, est un parfait exemple de ce qu'il faut éviter.”
“Étant donné que les plateformes d'IA extraient des données du patrimoine numérique (l'Internet), elles bénéficient d'une manne économique importante [qu’il convient de taxer]”.
Saronic Technologies, une start-up texane spécialisée dans les drones maritimes et les navires autonomes, prévoit de construire Port Alpha, un chantier naval de nouvelle génération destiné à la flotte hybride de l’US Navy.
Pour cela, elle bénéficie d’une levée de fonds de 600 millions de dollars en série C menée par Elad Gil, avec la participation de General Catalyst et d’investisseurs historiques comme Andreessen Horowitz et 8VC.
Saronic, dont le nom est inspirée de l’archipel grec où a eu lieu la bataille navale de Salamine, a déjà conçu trois modèles de navires de surface autonomes de 24 pieds (7,3 mètres).
Les drones maritimes de Saronic en action • Source : Saronic Technologies
La start-up prévoit d'élargir sa gamme avec des unités plus grandes, même si le point fort des drones maritimes réside dans le combat en essaim.
À SURVEILLER : Un nouveau combat naval. En Ukraine, les drones maritimes et sous-marins ont, dans les faits, contraint au port la flotte russe de la mer Noire. Le 5 mars 2024, une poignée de drones d’un coût modeste – environ 250 000 dollars pièce –, a coulé le Sergei Kotov, un patrouilleur d’une valeur estimée à 60 millions. Les navires autonomes ukrainiens peuvent désormais embarquer des drones aériens, ce qui leur a permis en fin d’année dernière de monter une attaque contre une plateforme gazière russe. Les marines du monde entier ont retenu la leçon.
Quinze organisations culturelles ont adressé une lettre à la Commission européenne pour dénoncer un affaiblissement du droit d’auteur dans les règles d’application de l’IA Act, en vigueur depuis 2024. Elles estiment que les créateurs n’ont pas de recours face à l’usage de leurs œuvres par l’intelligence artificielle.
L’eurodéputé Axel Voss, co-auteur de la directive sur le droit d’auteur de 2019, regrette une faille juridique qui empêche toute protection efficace face aux modèles d’IA générative. Il affirme que l’Union européenne favorise les grandes entreprises technologiques au détriment des créateurs.
L’exemption de fouille de texte et de données (TDM), prévue par l’IA Act, était censée être limitée, mais elle permet aujourd’hui aux entreprises d’exploiter massivement des œuvres protégées sans obligation de transparence.
Au moment de l'adoption du texte début 2024, une querelle avait opposé les pays défendant les ayant-droits et ceux, comme la France, qui voulaient favoriser l'IA. Le deuxième camp avait finalement dû céder (lire Qant du 5 février 2024).
À SURVEILLER : À partir du 2 août, les entreprises devront publier un résumé des données utilisées, mais les règles actuelles restent trop floues pour garantir une transparence réelle, selon Axel Voss et les organisations culturelles.
Microsoft, la Muse des jeux vidéos • Microsoft vient de dévoiler Muse, un modèle d'IA générative conçu avec Ninja Theory pour assister les créateurs de jeux. Entraîné sur sept ans de gameplay humain, Muse peut générer des environnements et des interactions basées sur l’action des joueurs. Microsoft explore son utilisation pour prototyper des jeux, améliorer des titres classiques et faciliter leur adaptation aux plateformes modernes. En savoir plus…
La broche d’IA au pays des imprimantes • La start-up Humane, à l’origine du AI Pin, a annoncé l’acquisition de la majorité de ses actifs par HP pour 116 millions de dollars. Conséquence immédiate : la vente du AI Pin, un appareil présenté comme une alternative au smartphone (lire Qant du 10 novembre 2023), est stoppée, et les dispositifs déjà vendus cesseront de fonctionner le 28 février. Fondée par d’anciens employés d’Apple, Humane avait levé 230 millions de dollars (lire Qant du 25 avril 2023), mais les critiques négatives et des problèmes techniques ont conduit à l’échec du produit. HP récupère ses ingénieurs et certaines technologies, dont l’OS CosmOS, pour intégrer l’IA dans ses futurs PC et imprimantes. En savoir plus…
La licorne au Sapphire • La start-up américaine Hightouch, spécialisée dans la synchronisation des données pour le marketing, la vente et le service client, a levé 80 millions de dollars dans un tour de table mené par Sapphire Ventures, portant sa valorisation à 1,2 milliard de dollars. Fondée en 2019 par d'anciens cadres de Segment, la société propose une plateforme de gestion des données clients (CDP) et un outil d’automatisation des décisions marketing par IA, lancé en 2024. Ce dernier, qui teste et optimise les campagnes, compte parmi ses clients Spotify, PetSmart et Tripadvisor. En savoir plus…
Les agents et le lapin • Rabbit vient de présenter un agent IA généraliste capable de contrôler des applications Android, une fonctionnalité attendue sur son appareil R1 (lire Qant du 19 janvier 2024) mais jamais concrétisée. Démontré via un ordinateur et une tablette Android, l’agent peut naviguer sur YouTube, gérer des listes de courses ou apprendre à jouer à un jeu, bien que lentement et avec quelques erreurs. Ce prototype marque une nouvelle étape après le lancement de LAM Playground, son agent web. Rabbit promet d’en révéler davantage sur son système multi-agents multiplateforme dans les prochaines semaines. En savoir plus…
La Commission des valeurs mobilières du Brésil (CVM) a validé l’ETF Hashdex Nasdaq XRP Index Fund, qui sera coté sur la bourse brésilienne
Le XRP est un actif numérique conçu par Ripple, utilisé pour faciliter les transactions internationales rapides et à faible coût. Il fonctionne sur la blockchain XRP Ledger, qui permet des paiements quasi instantanés sans intermédiaires.
En parallèle, Braza Group prévoit de lancer BBRL, un stablecoin adossé au real brésilien, sur le XRP Ledger. Initialement réservée aux clients institutionnels, elle devrait s’étendre au grand public d’ici fin 2025.
Fin novembre de l'année dernière, la Banque centrale du Brésil a lancé son projet de real numérique, avec pour objectif de moderniser les processus de financement du commerce international, notamment dans le secteur agricole.
À SURVEILLER : Wall Street. Aux États-Unis, la SEC examine plusieurs demandes d’ETF XRP au comptant déposées par CoinShares, Canary Capital et WisdomTree, sans encore donner son aval. La mainmise de l’administration Trump sur les agences autrefois indépendantes devrait faciliter l’adoption de l’exemple brésilien.
Les robots humanoïdes sont conçus pour interagir avec les humains dans des environnements variés. Toutefois, leur capacité à réagir immédiatement aux signaux humains reste une difficulté notable. Une équipe de chercheurs de l'université Jiao Tong de Shanghai présente Rhino, une architecture d'apprentissage hiérarchique destinée à doter ces robots d'une réactivité sans précédent.
L'approche de Rhino repose sur un modèle à deux niveaux. Un planificateur de haut niveau analyse en temps réel les intentions humaines à partir de signaux comme les mouvements, les images et le langage. Ensuite, un contrôleur de bas niveau orchestre les réactions motrices et la manipulation des objets. Cette architecture permet aux humanoïdes de changer de tâche instantanément, dépassant ainsi les limites des modèles actuels qui traitent chaque interaction de manière séquentielle.
Par Mariana Mazzucato (UCL) et Tommaso Valletti (Imperial College)
Tommaso Valletti (Imperial College), D. R.
Le Premier ministre britannique Keir Starmer a récemment publié un « plan d'action pour les opportunités de l'IA » qui comprend un investissement gouvernemental de plusieurs milliards de livres dans la capacité d'IA du Royaume-Uni et des engagements de 14 milliards de livres (17,3 milliards de dollars) de la part d'entreprises technologiques. L'objectif déclaré est de multiplier par 20 la puissance de calcul de l'IA sous contrôle public d'ici 2030, et d'intégrer l'IA dans le secteur public afin d'améliorer les services et de réduire les coûts en automatisant les tâches.
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