La tech offre de nouvelles options pour une souveraineté européenne après les élections allemandes • Microsoft et Figure AI lancent toutes deux des modèles d’IA pour diriger des robots • Together AI bat les hyperscalers sur l’inférence • La BCE avance lentement vers une monnaie numérique interbancaire • Bienvenue dans Qant, lundi 24 février 2025.
« Le progrès est devant nous, à condition de dépasser sa propagande » Paul Virilio
RAPPEL. La semaine dernière, il est devenu clair aux yeux du monde que le traité de l’Atlantique Nord est désormais lettre morte. Emmanuel Macron a battu le rappel des alliés de la France, puis il est parti plaider la cause européenne à Washington. Keir Starmer en fera autant bientôt. Mais on sait aujourd’hui à Moscou que nos pays auront beau sauter comme des cabris en criant : “Article 5 !, ARTICLE 5 !”, nul ne viendra à notre secours (Qant remercie pour l’expression le Général que l’on sait, mais qu’on ne se leurre pas : Munich 2025 pourrait s’avérer aussi grave que Munich 1938).
DEUX OMBRELLES PLUTÔT QU’UN PARAPLUIE. Vendredi, le candidat chancelier Friedrich Merz en a appelé à la France et au Royaume-Uni pour trouver une alternative au parapluie nucléaire américain. Cela dessine, potentiellement, une marginalisation des institutions européennes, engluées dans leurs propres lenteurs et leur gouvernance bicéphale quand elles ne sont pas les otages de membres prorusses, comme la Hongrie ou la Slovaquie, ou des lobbies américains, voire demain de membres pro-américains comme par exemple l’Italie.
OFFENSIVE NUMÉRIQUE. Aux élections allemandes qui se sont tenues hier, le score sans précédent de l’extrême droite prorusse, soutenue par les États-Unis, a été précédé par une offensive numérique de grande ampleur sur X et TikTok, menée par Elon Musk lui-même, et d’autres figures du gouvernement fédéral comme le vice-président JD Vance.
RÉARMEMENT. Le Danemark, dont l’intégrité territoriale est désormais ouvertement menacée par les États-Unis et indirectement par la Russie, a augmenté la semaine dernière ses dépenses militaires à 120 milliards de couronnes (16 Md€) dès cette année – en comparaison, le budget français de la défense est à 4 fois supérieur, pour 11 fois la population et 7 fois le PIB.
Les dépenses militaires danoises atteindront 3,2 % du PIB dès cette année • Source : ministère danois de la Défense
EUROPE. Face à cette double menace, Mette Frederiksen, la Première ministre danoise, a jeté la traditionnelle “frugalité” de son pays aux orties, appelant à une révision des critères de Maastricht et à la création d’un fonds de réarmement européen basé sur un endettement commun, semblable à NextGeneration EU, doté de 750 milliards d’euros contre la Covid.
EN FILIGRANE : Le jeu de quilles. L’appel de Mette Frederiksen est le seul résultat concret des réunions de chefs d’État à Paris, la semaine dernière, après le choc de la conférence de Munich. Or, Donald Trump et Vladimir Poutine misent clairement sur le fait que les pays européens n’offriront pas plus de résistance à leurs accords qu’une trentaine de quilles, tombant les unes sur les autres face à une boule de bowling.
À SURVEILLER : Bruxelles. L’Union Européenne ne semble dotée ni de la réactivité nécessaire ni de la volonté politique de réagir. Mais un sursaut souverain d’Helsinki à Lisbonne, via Berlin et Paris, peut forcer la main de la Commission et un fonds européen de réarmement lui offrirait une opportune planche de salut. En outre, elle dispose immédiatement de deux armes qui peuvent montrer à Washington que le Vieux Continent n’est pas si inerte ni si édenté : le DSA et DeepSeek.
COMMENT : Starlink et le DSA. La grande menace qui pèse sur l’Ukraine est dans les mains d’Elon Musk : couper Starlink, c’est probablement assurer une victoire russe rapide. Or, en décembre dernier, la Commission européenne a ouvert une enquête sur l’utilisation du réseau X pour interférence politique et amplification algorithmique des messages d’extrême droite, au titre du Digital Services Act. La cause est entendue et l’ancien commissaire Thierry Breton a déjà appelé, le mois dernier, à la fermeture de X et de Grok sur le Vieux Continent, sans attendre que la procédure punisse X d’une amende. C’est là un bruit de tronçonneuse que Musk, grand apôtre de sa propre liberté d’expression, devrait pouvoir entendre.
COMMENT : Mistral, Helsing et… L’allemande Helsing et la française Mistral, déjà alliées entre elles, sont les premières gagnantes de la rupture stratégique entre l’Europe et les États-Unis (ainsi que, en deuxième ligne, des start-up comme Chapsvision et Comand.ai). Le champ de l’IA, en effet, est encore libre des pesanteurs qui grèvent l’industrie de l’armement : il est relativement aisé de faire naître en Europe un “écosystème” qui remplace Palantir et Anduril.
…ET DEEPSEEK : Mieux encore; Perplexity AI a montré que l’on peut utiliser les modèles avancés de DeepSeek en toute sécurité, à condition de se donner les moyens d’un fine-tuning on prem ou sur un cloud privé (l’utilisation de l’app par le grand public reste en revanche, évidemment, soumise à la loi chinoise). Une simple déclaration publique, recommandant aux entreprises européennes l’adoption de Deepseek ou de Mistral pour des raisons de sécurité, sur un cloud labélisé, aurait un effet politique immédiat. Cris d’orfraie garantis.
Deux robots collaborent grâce à Helix • Source : Figure AI
La start-up californienne Figure AI, leader des robots humanoïdes par l’argent levé et les déploiements, a présenté la semaine dernière Helix, un modèle Vision-Language-Action (VLA) conçu pour unifier la perception, la compréhension du langage et le contrôle moteur des robots humanoïdes. Helix se distingue par sa capacité à comprendre des commandes vocales, raisonner sur des problèmes et manipuler une large gamme d’objets domestiques sans nécessiter de programmation ou d’apprentissage préalable.
Le lancement de Helix intervient peu après l’annonce de la séparation de Figure AI et OpenAI. Bien qu’OpenAI reste un investisseur de Figure, la start-up a décidé de développer son propre modèle pour un contrôle robotique plus performant. Elle rejoint ainsi un bataillon de start-up, notamment Physical Intelligence, Skild AI (lire Qant du 30 janvier 2025 et du 11 juillet 2024) et Field AI.
Du magma dans l’IA • Qant, M. de R. avec Midjourney
Microsoft Research a publié un nouveau modèle d’intelligence artificielle multimodale, baptisé Magma, conçu pour interagir avec des environnements numériques et physiques. Ce modèle de fondation combine la compréhension du langage et des images avec des capacités de planification et d’exécution d’actions. L’objectif est de créer un agent capable d’interpréter des stimuli visuels et textuels tout en générant des actions adaptées aux contextes dans lesquels il évolue.
Le fonctionnement global de Magma • Source : Jianwei Yang et al.
Née en 2022 à San Francisco comme un fournisseur de services pour l’entraînement des modèles d’IA, Together AI vient de lever 305 millions de dollars, triplant presque sa valorisation à 3,3 milliards de dollars, par rapport aux 1,25 milliard de mars 2024.
La start-up propose une plateforme cloud optimisée, permettant aux entreprises d’accéder à plus de 200 modèles d’IA open source dans six modalités : le tchat, l’image, l’audio, la vision, le code et les plongements vectoriels (embeddings).
En particulier, elle propose aux entreprises des versions entièrement sécurisées de DeepSeek et Llama de Meta, en se targuant de la plus grande vitesse d’inférence en production du marché, sur les GPU de Nvidia.
Un moteur d’inférence propriétaire, basé sur FlashAttention-3 et d’autres techniques de quantification avancées, propose des performances deux à trois fois supérieures aux hyperscalers, d’après la start-up.
Le déploiement reste pour l’instant limité : 200 MW au total. Cependant, un partenariat avec la canadienne Hypertec lui permettra de créer un cluster de 36 000 GB200 de Nividia.
Together AI a récemment dépassé 100 millions de dollars de revenus annualisés, contre 30 millions en février 2024, et prévoit de doubler ses effectifs d’ici fin 2025.
Le financement a été mené par General Catalyst et le saoudien Prosperity7 Ventures, avec la participation, notamment, de Nvidia, Salesforce Ventures et l’ex-CEO de Cisco John Chambers.
À SURVEILLER : Une petite lueur de concurrence dans le cloud. L’apparition d’un moteur d’inférence offrant des performances significativement supérieures à AWS, GCS et MS Azure, ouvre la perspective que la créativité logicielle puisse rivaliser avec les économies d’échelle qui ont créé l’actuel oligopole de l’hébergement.
Nvidia apprend à reconnaître les signes • Nvidia vient de lancer "Signs", une plateforme basée sur l’IA pour faciliter l’apprentissage de la langue des signes. Développée avec une association caritative, l’American Society for Deaf Children, elle utilise un avatar 3D pour démontrer les signes et offre un feedback en temps réel via la caméra des utilisateurs. Disponible gratuitement avec 100 signes au lancement, elle vise à en intégrer 1 000 à terme. Nvidia espère aussi exploiter cette technologie pour des usages comme la reconnaissance des signes en visioconférence ou le contrôle gestuel. En savoir plus…
L’agent Operator se déploie progressivement dans le monde • OpenAI déploie l'agent IA Operator dans plusieurs pays, dont le Royaume-Uni, l’Australie, le Canada, l’Inde et le Japon. Accessible uniquement aux abonnés ChatGPT Pro (200 $/mois), Operator peut réserver des billets, gérer des notes de frais ou faire des achats en ligne. Il fonctionne via une fenêtre de navigateur dédiée que l’utilisateur peut reprendre en main à tout moment. Déjà lancé aux États-Unis en janvier, il reste inaccessible en Europe à cause de la règlementation sur la protection des données. En savoir plus…
L’IA pour soutenir les chercheurs • Google vient de lancer un "AI co-scientist", un outil basé sur Gemini 2.0 destiné à aider les chercheurs à formuler des hypothèses et à concevoir des expériences. Testé par une vingtaine de scientifiques dans le cadre du Trusted Tester Program, il a déjà démontré son efficacité en validant en quelques heures une hypothèse sur la résistance aux antibiotiques que des chercheurs de l'University College London avaient mis dix ans à établir. Google assure que cet outil vise à compléter le travail des chercheurs, et non à automatiser la recherche scientifique. En savoir plus…
Trois mois après la conclusion des essais en novembre, la BCE a annoncé la création d’une infrastructure DLT de paiement en monnaie banque centrale, ce qui aboutira à l’émission d’un euro numérique de gros.
Trois banques centrales nationales avaient piloté des essais : la Banque de France, la Bundesbank et la Banca d’Italia. L’Eurosystème n’a pas rendu public son choix de solution, se bornant à annoncer que deux phases sont prévues.
En un premier temps, non déterminé, sera créée une plateforme interopérable avec le système de règlement Target, qui n’est pas sans rappeler la solution allemande.
A un horizon plus long, mais tout aussi flou, sera lancée une solution plus intégrée, incluant les opérations de change, aboutissant à un réel euro numérique de gros. Cela évoque la solution développée par la banque de France.
D’ici là, la BCE prévoit de consulter encore les acteurs publics et privés, sans communiquer de calendrier précis.
ÉPERON : la Banque nationale suisse a lancé en 2023 un programme pilote de monnaie numérique de gros pour le règlement d’obligations numériques, prolongé jusqu’en 2026 (lire Qant du 7 novembre 2023).
EN FILIGRANE : l’euro numérique. Le Parlement et le Conseil européens doivent finaliser les règles de droit sur l’euro numérique “de détail” avant l’été 2025, et les options techniques doivent être prises à l’automne.
À SURVEILLER : la rivalité au sein de l’Eurosystème. Si la BCE adopte une communication aussi imprécise et lente, c’est sans doute pour ne pas aggraver les rivalités entre ses trois membres principaux.
La SEC dit oui aux stablecoins rémunérés • La Securities and Exchange Commission (SEC) américaine a approuvé YLDS, le premier stablecoin rémunéré officiellement enregistré en tant que valeur mobilière. Développé par Figure Markets, ce jeton adossé au dollar offrira un rendement quotidien de 0,5 %, contrairement par exemple à l'USDT de Tether qui ne redistribue pas ses intérêts. Son statut réglementé pourrait lui donner un avantage face aux stablecoins non supervisés. En savoir plus…
La start-up californienne Figure AI, leader des robots humanoïdes par l’argent levé et les déploiements, a présenté Helix, un modèle Vision-Language-Action (VLA) conçu pour unifier la perception, la compréhension du langage et le contrôle moteur des robots humanoïdes. Helix se distingue par sa capacité à comprendre des commandes vocales, raisonner sur des problèmes et manipuler une large gamme d’objets domestiques sans nécessiter de programmation ou d’apprentissage préalable.
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