Nvidia, et après

La volonté des géants du cloud de desserrer le monopole de Nvidia donne leur chance aux start-up • Softbank mise 9 milliards sur l’IA • L’IA permet d’isoler une voix dans une foule • L’image d’OpenAI continue de se troubler • Bienvenue dans Qant, mardi 28 mai 2024.

« Le progrès est devant nous, à condition de dépasser sa propagande » Paul Virilio

Chaque jour, les journalistes de Qant illustrent les tendances de fond qui animent la tech. Ils s’appuient sur Kessel Média et utilisent l’IA générative depuis mars 2022.

L’ÉVÉNEMENT

Sous le soleil de Nvidia

Ses résultats spectaculaires, la semaine dernière, ont confirmé le primat de Nvidia. Mais ses clients, notamment les géants du cloud, commencent à ruer dans les brancards. Cela crée des occasions pour les start-up.

“Les puces IA du futur” (Qant, M. de R. avec Midjourney)“Les puces IA du futur” (Qant, M. de R. avec Midjourney)

La semaine dernière, le cours de l’action Nvidia a passé le seuil symbolique des 1 000 dollars, portant la capitalisation du leader des puces d’IA à plus de 2 000 milliards de dollars (1 838 Md€). Cette puissance financière, qui se confirme d’un trimestre à l’autre (lire Qant du 22 février), dérive d’une véritable emprise sur le marché des puces d’IA : les ventes des GPU de Nvidia ont triplé en un an, à 26 milliards de dollars (24 Md€), portées par le marché des datacenters, qui quintuple de taille. Les trois leaders mondiaux du cloud, Amazon (AWS), Microsoft Azure et Google (GCS), ont généré à eux seuls 10 milliards de dollars (9,2 Md€) de chiffre d’affaires au trimestre dernier. 

Il n’est pas étonnant qu’ils tentent de desserrer la prise. Microsoft a annoncé qu’elle offrirait à ses clients d’entraîner leurs modèles avec les GPU d’AMD et non plus seulement de Nvidia. AMD prévoit ainsi d’engranger cette année, grâce à ses nouvelles GPU, un chiffre d’affaires de 4 milliards de dollars. Intel pour sa part vient juste de présenter des puces graphiques et prévoit de réaliser un chiffre d’affaires initial de 500 millions de dollars. La britannique ARM, reine des téléphones mobiles, a investi massivement pour attaquer le marché des datacenters, avec l’aide de start-up comme la française SiPearl.

Des start-up parmi les géants

De plus, Google entraîne ses propres modèles, comme Gemini, sur des TPU (tensor processing units) produites en partenariat avec l’électronicien Broadcom. Ce dernier génère, sur cette seule activité, plus d’1 milliard de dollars (920 M€) de marge brute chaque trimestre. Microsoft et Amazon produisent leurs propres puces pour l’inférence (Cobalt et Graviton, respectivement), les calculs qui suivent l’entraînement. Elles semblent prêtes à suivre l’exemple de Google et lancer la fabrication de leurs propres puces d’entraînement – ou à racheter une start-up pour ce faire. 

Cela donne espoir à une nouvelle génération de start-up : les américaines Cerebras, Groq, MatX et Sambanova Systems, notamment, ainsi que l’israélienne Hailo (lire Qant du 4 avril, du 22 févrierdu 30 novembre 2022). Cela pourrait aider à desserrer le marché, notamment si l’architecture des transformers, qui est celle de tous les LLM aujourd’hui, laisse la place à une nouvelle génération, comme celle des SSM (lire Qant du 16 avril).

L’INTÉGRALITÉ DE CET ARTICLE EST DISPONIBLE EN FIN DE LETTRE

L’ESSENTIEL : LimX Dynamics, OpenAI, SoftBank

RECHERCHE

L’IA pour isoler la voix

Le “target speech hearing” développé par des chercheurs de l’université du Washington permet d’isoler la voix d’un interlocuteur grâce au machine learning.

Une équipe de chercheurs de l'université de Washington vient de partager sur Github un système qui permet d'isoler la voix d'un unique interlocuteur dans un environnement bruyant. Ce système utilise des écouteurs ordinaires équipés de microphones et d'une intelligence artificielle capable d'isoler une voix spécifique.

Les aides auditives actuelles utilisent des technologies de réduction de bruit, mais elles ne peuvent pas éliminer complètement le bruit de fond. Le système, baptisé « target speech hearing » (THS), consiste en deux écouteurs dotés de deux microphones, un sur chaque oreillette. Lorsque l'utilisateur souhaite écouter une personne en particulier, il suffit de regarder cette personne et d'appuyer sur un bouton sur le côté des écouteurs pendant trois à cinq secondes. Les ondes sonores de la voix de l'interlocuteur atteignent simultanément les microphones, et un logiciel de machine learning analyse les motifs vocaux de la personne. La voix ciblée est alors isolée et transmise à travers les écouteurs, filtrant le bruit ambiant.

Le pouvoir de l’instantané

Lors des tests, les chercheurs ont constaté que leur système avait une latence de bout en bout de 18,24 millisecondes, ce qui signifie qu'il n'y a pratiquement aucun décalage entre le moment où l'utilisateur regarde la personne qu'il veut écouter et celui où il entend sa voix dans les écouteurs.

Vingt-et-une personnes ont testé le système THS dans divers environnements intérieurs et extérieurs et elles ont noté la suppression du bruit fournie par les écouteurs. En moyenne, les sujets ont considéré que la clarté de la voix de l'interlocuteur était presque deux fois plus élevée que lorsqu'elle n'était pas traitée par le système.

Écouter le chant des oiseaux

Le système THS s'appuie sur une technologie de "semantic hearing" que les chercheurs de l'université de Washington avaient déjà développée. Cette technologie utilisait un algorithme d'IA fonctionnant sur un smartphone connecté sans fil à des écouteurs à réduction de bruit et pouvait identifier des sons spécifiques comme le chant des oiseaux ou des alarmes.

Actuellement, le système ne peut filtrer qu'un seul interlocuteur à la fois et uniquement en l'absence d'autres voix fortes provenant de la même direction. Si la qualité sonore n'est pas satisfaisante, l'utilisateur peut rééchantillonner la voix de l'interlocuteur pour améliorer la clarté. Les chercheurs travaillent à l'adaptation de leur système pour les écouteurs intra-auriculaires et les aides auditives.

Pour en savoir plus :

INTELLIGENCE ARTIFICIELLE

  • SoftBank met le paquet sur l’IA • SoftBank prévoit d'investir près de 9 milliards de dollars (8,3 milliards d'euros) dans l'intelligence artificielle dans les douze mois à venir, doublant ainsi ses engagements en un an, selon le Financial Times. Le directeur financier de SoftBank, Yoshimitsu Goto, a annoncé que l'entreprise augmentera ses investissements dans les sociétés d'IA pour rester compétitive face à des géants technologiques comme Microsoft et Amazon, qui ont déjà investi plus de 40 milliards de dollars (36,8 milliards d'euros) dans des projets liés à l'IA et aux centres de données à travers le monde cette année.
    Pour en savoir plus : Financial Times, Pymnts

  • La nécessité de réguler l’IA commence par OpenAI • Deux anciennes membres du conseil d'administration d'OpenAI, Helen Toner et Tasha McCauley, ont affirmé dans une tribune pour The Economist que les entreprises d'intelligence artificielle ne peuvent pas s'auto-réguler et nécessitent une intervention gouvernementale. Celles qui ont quitté l'entreprise au moment du licenciement chaotique de son CEO en novembre dernier (lire Qant du 20, du 21, du 22 et du 23 novembre) soulignent les préoccupations liées à la sécurité après le retour de Sam Altman à la tête d'OpenAI, citant une culture de travail toxique. Elles appellent à des cadres réglementaires efficaces pour garantir que les entreprises d'IA soient tenues responsables de leurs actions. Ses déclarations s’inscrivent dans un contexte mouvementé pour OpenAI, qui a d’abord vu Ilya Sutskever et Jan Leike quitter l’entreprise (lire Qant du 15 mai), avant d’être fortement critiquée pour avoir mis en place des procédures baillons menaçant les employés démissionnaires de perdre des actions acquises en cas de critique envers OpenAI.
    Pour en savoir plus : The Economist, Business Insider

MONNAIES NUMÉRIQUES ET BLOCKCHAINS

  • L’Europe cherche le rendez-vous de la blockchain et de l’IA • L'Observatoire et Forum Européen de la Blockchain, une initiative de la Commission européenne, vient de publier un rapport sur les développements de la blockchain en Europe. L’Observatoire conseille à l’Europe de se préparer à l'intégration de la blockchain et de l'intelligence artificielle. Il souligne que cette convergence peut améliorer la sécurité des données et les contrats intelligents dans des secteurs comme la santé et la finance. Le rapport anticipe également une croissance continue des protocoles de finance décentralisée.
    Pour en savoir plus : Cointelegraph

ROBOTS

W1 se dresse sur ses pattes arrière

Le robot quadrupède de la chinoise LimX Dynamics est désormais capable de se dresser sur ses roues pour se déplacer plus vite.

La société chinoise LimX Dynamics vient de mettre en scène son robot quadrupède W1, capable de se tenir debout, de marcher et de rouler sur ses pattes arrière. Inspiré par le robot Swiss-Mile conçu par l'ETH Zurich, le W1 est équipé de quatre pattes avec des roues motorisées à leurs extrémités. Pour se déplacer sur des surfaces lisses comme les routes, les trottoirs et les sols, le W1 roule sur ses roues, maximisant ainsi sa vitesse et son efficacité énergétique. Cependant, lorsqu'il doit franchir des obstacles, traverser des terrains accidentés ou monter et descendre des escaliers, il verrouille ses roues et les utilise comme des pieds, adoptant alors une démarche de marche quadrupède.

La nouveauté du W1 réside dans sa capacité à se transformer et à se tenir debout sur ses pattes arrière pour accomplir des tâches spécifiques, comme la livraison ou la réception de colis, ce qui le rapproche de la forme humaine. En se tenant debout, le W1 peut également effectuer des rotations de 360 degrés sur place, effectuer des virages à 90 degrés, se faufiler entre des obstacles tels que des étagères et se redresser rapidement après des collisions.

Des capacités impressionnantes en milieu industriel

Avec une hauteur de 152 cm une fois debout, le W1 peut passer du mode quadrupède au mode bipède en moins d'une seconde. Sa vitesse de déplacement en mode roulant quadrupède atteint jusqu'à 36 km/h. Bien que LimX n'ait pas précisé la vitesse de déplacement en mode bipède, les capacités démontrées par le W1 dans une vidéo récemment publiée montrent son aptitude à marcher sur deux pieds sur un sol lisse, laissant présager des performances prometteuses dans des environnements industriels comme les entrepôts.

Le W1 intègre une perception en temps réel de l'environnement, permettant une locomotion agile et perceptive pour surmonter des terrains difficiles. Grâce à ses multiples actionneurs de haute performance, le W1 exploite pleinement son potentiel de mobilité polyvalente. Avec une vitesse de mouvement sur roues pouvant atteindre 10 m/s et une autonomie stable de 4 heures, le W1 offre une solution de mobilité tout-terrain remarquable. LimX Dynamics a également indiqué que le W1 pourrait, à l'avenir, accomplir des tâches plus complexes, comme saisir des objets avec ses pattes avant tout en se tenant debout.

Pour en savoir plus :

ÉDITION PREMIUM

En exclusivité pour les abonnés :

  • Cinq start-up sont aujourd’hui bien placées pour desserrer, à terme, l’emprise de Nvidia sur l’entraînement des modèles d’IA. Ou pour être rachetées par l’un des hyperscalers qui tente de lutter contre l’emprise du monopole.

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“Le futur des puces IA” (Qant, M. de R. avec Midjourney)“Le futur des puces IA” (Qant, M. de R. avec Midjourney)

Longtemps, on a pensé que l’inférence allait prendre le relais de l’entraînement des modèles d’IA, offrant aux fabricants de CPU comme Intel et AMD la possibilité de prendre leur revanche. ARM a même basé sur cette idée son offensive vers le marché des datacenters

Las, l’enthousiasme vers l’entraînement ou le réentraînement (“fine-tuning”) de modèles ne faiblit pas depuis début 2023, au contraire. Et Nvidia détient au moins les quatre cinquièmes de ce marché – sans doute plus encore, pour ce qui est des datacenters.

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Qant: Révolution cognitive et Avenir du numérique

Qant: Révolution cognitive et Avenir du numérique

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Jean Rognetta

Binational franco-italien, économiste de formation, Jean devient journaliste au milieu des années 1990, après avoir fait ses premiers pas dans l’édition et la technologie. Il débute sa carrière au groupe Tests, leader de la presse informatique, puis se spécialise en financement de l’innovation et des PME. Il couvre le sujet pour Les Echos et Capital Finance de 2000 à 2015. En 2016, il rejoint le magazine Forbes et devient directeur de la rédaction de l’édition française.
Pendant la crise financière, il lance l’association PME Finance, à l’origine notamment du PEA-PME et de l’amortissement du corporate venture, ainsi que partiellement de la libéralisation du crowdfunding. Elle fusionne en 2015 avec le groupement d’entrepreneurs Croissance Plus.
Depuis 2020, Jean a lancé la revue SAY, édition française de Project Syndicate, dont il reste contributing editor, le supplément Corporate Finance du Nouvel Économiste et la collection Demain! aux Editions Hermann.

Maurice de Rambuteau

Diplômé du Centre de Formation des Journalistes (CFJ Paris) et de l'Ecole Supérieure de Commerce de Paris (ESCP BS), Maurice de Rambuteau a fait ses premières armes de journaliste dans le sport, pour le site et le magazine SoFoot, puis au sein de la rédaction football de L'Equipe. Il s'est ensuite tourné vers le journalisme économique au sein de la rédaction de La Croix, avant de donner libre cours à sa passion pour la technologie en rejoignant Qant en juin 2022 pour un premier tour d’horizon de l’IA générative. Depuis, il a percé les mystères des blockchains et du métavers et, surtout, passé des dizaines de modèles d’IA au banc d’essai.

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