Qui a peur de l'IA ?

OpenAI structure sa gouvernance sur les risques de ses IA • En 2024, les médias devront faire face à l'intégration de l'IA dans la recherche • Intel lance un moteur neuronal dans les PC • Un robot aux performances d'athlète • Bienvenue dans Qant, qui analyse les succès de l'IA prédictive, ce mardi 19 décembre 2023.

« Le progrès est devant nous, à condition de dépasser sa propagande » Paul Virilio

Chaque jour, les journalistes de Qant illustrent les tendances de fond qui animent la tech. Ils s’appuient sur Kessel Média et utilisent l’IA générative depuis mars 2022.

DERNIÈRE MINUTE

Tocsin de Noël sur l’IA générale

"OpenAI explique son plan" (Qant, M. de R. avec Midjourney)"OpenAI explique son plan" (Qant, M. de R. avec Midjourney)

OpenAI a rendu publique hier soir une initiative pour évaluer les catastrophes potentielles que pourrait causer l'intelligence artificielle. Elle crée un comité externe pour juger des risques et s’engage à ne proposer que des technologies reconnues comme sûres en matière, notamment, de cybersécurité et de de menaces nucléaires.

En matière de gouvernance, une équipe interne assistera le comité consultatif, composé de chercheurs en IA et en informatique, d'experts en sécurité nationale et de professionnels des politiques publiques, à surveiller en continu les développements technologiques d'OpenAI, en effectuant des tests réguliers. La décision de commercialiser reviendra à la direction d’OpenAI, mais le conseil d’administration pourra l’annuler, le cas échéant. OpenAI avait déjà constitué des équipes travaillant sur des problèmes tels que les biais racistes et l’alignement des superintelligences, mais c’est le premier comité extérieur qu’elle crée.

La presse mondiale s’est saisie de l’annonce pour mettre en garde contre les risques de superintelligences artificielles mais, dans bien des domaines, celles-ci existent déjà (lire Expert ci-dessous).

Pour en savoir plus :

L’ÉVÉNEMENT

Le vrai problème de la presse face à l’IA

Les rédactions restent tétanisées à l’idée que l’IA générative ne les remplace. Mais ses conséquences sur l’audience pourraient être bien plus néfastes pour l’avenir du journalisme.

“Le robot surfe sur le net” (Qant, M. de R. avec Midjourney)“Le robot surfe sur le net” (Qant, M. de R. avec Midjourney)

Il y a deux mois, la rédaction de L’Est Républicain s’est élevée contre son éditeur, le groupe Ebra, pour une expérimentation visant à intégrer ChatGPT à l’édition des articles. La question du remplacement de certains journalistes par l’intelligence artificielle se pose, indéniablement – en juin dernier, la presse allemande annonçait ainsi que le groupe Axel Springer prévoyait de supprimer 20% de ses emplois grâce à l’intelligence artificielle (lire Qant du 22 juin). Mais ce n’est en réalité que la pointe émergée de l’iceberg qui menace les recettes publicitaires de la presse.

Google teste actuellement auprès de 10 millions d'utilisateurs dans 120 pays l’intégration de l’IA à son moteur de recherche (lire Qant du 14 décembre). L’interface initiale a déjà été revue à la demande des éditeurs de presse et des médias, mais elle continue de susciter de vives inquiétudes de leur part. Déjà confrontés à une baisse significative du trafic en provenance des réseaux sociaux, les médias voient dans l'IA de Google une menace encore plus grande pour leur visibilité et leurs revenus.

Dans une première version de l’interface de Search Generative Experience (SGE), la fenêtre d’IA apportait la réponse à la question et ne fournissait ses sources (les sites médias) que si l’utilisateur les cherchait. Ce problème a été résolu dans le projet ci-dessous, le dernier publié par Google. 

La prochaine interface de Google, à l’étude - Source : GoogleLa prochaine interface de Google, à l’étude - Source : Google

D’après le Wall Street Journal, les éditeurs de presse américains craignent tout de même de perdre, si cette version actuelle de SGE était déployée à grande échelle, entre 10 % et 20 % de leur audience. Se basant sur une étude de The Atlantic, le quotidien américain estime que la version rédigée par les LLM suffirait aux besoins d’information du lecteur dans trois cas sur quatre. Cela se traduirait par une réduction entre 20% et 40% du trafic web généré par Google, qui correspond à environ 40% de l’audience des médias.

Or, l’autre grande source de trafic, les réseaux sociaux, est en train de se tarir. Leur part dans les referrals, l’origine des visites, des 100 principaux sites médias du monde s’est réduite de moitié depuis 2020, d’après SimilarWeb. Cette contraction a notamment projeté Buzzfeed dans la tempête. Face à l’évaporation de ses recettes publicitaires, ce site jadis tout-puissant a sabré dans sa rédaction pour se tourner vers l’IA – sans résultat.

Les réseaux sociaux ne veulent plus de l’info - Source : SimilarwebLes réseaux sociaux ne veulent plus de l’info - Source : Similarweb

Le déséquilibre est abyssal. Quand les réseaux sociaux se réapproprient le trafic vidéo, coupent les budgets de fact-checking ou même tous les sites d’information – comme Meta au Canada –, leur audience ne s’en ressent aucunement. En revanche, il ne reste aux médias que leurs yeux pour pleurer.

Monopole menacé

Le rapport de forces est tout aussi inégal avec Google, mais plus ambigu. Non seulement la dépendance de son moteur de recherche au contenu de qualité a conduit le géant à un compromis sur les droits voisins en Europe, mais partout dans le monde ses modèles d’IA ont besoin de contenu pour être entraînés. Et le spectre de la concurrence se précise de plus en plus.

Le groupe de presse allemand Axel Springer vient ainsi de signer un partenariat avec OpenAI (lire Qant du 14 décembre) qui permet à celle-ci, en échange de plusieurs dizaines de millions de dollars par an, d'entraîner ses modèles avec les archives et la production de Bild Zeitung, Die Welt, Business Insider ou encore Politico. Du côté d'OpenAI, ChatGPT fournira avec ses réponses un lien vers la source originelle et privilégiera les sites de son partenaire dans le but de générer du trafic sur son site. Cet été, l'agence Associated Press avait annoncé un accord similaire avec OpenAI. 

Alors que la plupart des éditeurs ont bloqué l’accès à leurs sites par les crawlers d’OpenAI (lire Qant du 1er octobre), les IA de Google sont entraînées en partie sur le contenu des éditeurs, sans consentement ni compensation financière. Google justifie ses pratiques par le droit d'utilisation de contenus disponibles sur Internet mais sa position s'affaiblit chaque fois qu’OpenAI signe un accord.

Si Microsoft et OpenAI réussissent à monter une attaque sérieuse contre le monopole de Google, les éditeurs pourront peut-être faire monter les enchères et rétablir les moyens de leur indépendance. Mais il y a encore très loin de la coupe aux lèvres. Selon Similarweb, ChatGPT et Bing, ensemble, n’ont atteint que 3 milliards de visites le mois dernier, contre 84 milliards pour Google. 

D’ici là, les rédactions auront beau jeu de protester contre ChatGPT. 

Pour en savoir plus :

L’ESSENTIEL : La Chine, Coinbase, Deloitte, IBM, Intel, le Pakistan

ROBOTS

Le robot est prêt pour les JO

Le Guinness Book des records vient de valider le record du monde de 100 mètres pour un robot quadrupède, réalisé par un laboratoire coréen.

Hound, un chien robot développé par le laboratoire de contrôle et de conception de robots dynamiques de l'université de Science et de Technologie Avancée de Corée (KAIST) à Daejeon, en Corée du Sud, vient de battre un record mondial. Ce quadrupède robotique a réalisé un sprint de 100 mètres en 19,87 secondes, une performance reconnue par le Guinness des records. 

Conçu pour simuler la course, Hound affiche une vitesse moyenne de 18,12 km/h. Il est capable de monter des pentes de 22 degrés, de parcourir 3,2 km et de franchir des obstacles de 35 cm de haut.

Cette réalisation est le fruit de travaux approfondis en simulation et d'apprentissage par renforcement. Young-Ha Shin, le concepteur de Hound, a intégré des caractéristiques spécifiques de moteur dans la simulation pour reproduire au plus près les conditions réelles. L'objectif était de maximiser les capacités de l'actionneur du robot.

Pesant 45 kg, Hound est doté de pieds légers adaptés à la course. Sa conception comprend une gamme complète de mouvements, facilitée par une configuration parallèle des modules actionneurs de la hanche et du genou, ainsi qu'un système de courroie et de poulie pour la transmission de l'actionnement du genou à l'articulation du genou. 

Pour en savoir plus : Guinness World Records

INTELLIGENCE ARTIFICIELLE

  • Intel intègre le calcul d’IA dans les PC : Dépassé par les GPU de Nvidia, Intel a présenté la semaine dernière les premiers PC dont les puces intègrent une “unité de traitement neuronal” (NPU) pour améliorer les performances des programmes d'IA. Dévoilée en septembre sous le pseudonyme de Meteor Lake, Intel Core Ultra aurait été adoptée par “plusieurs dizaines” de constructeurs. Quant au marché des serveurs, Intel lancera l’an prochain Gaudi3, un processeur d'IA qui vise à concurrencer le H100 de Nvidia et le MI300X à venir d'AMD, développé grâce à l'acquisition d'Habana Labs par Intel en 2019. Le modèle précédent d'Intel, le Gaudi2, avait été présenté en mai 2022. Il sert surtout à exécuter des modèles d'IA préentrainés.
    Pour en savoir plus:
    Reuters

  • Chez Deloitte, l’IA joue aux RH : Deloitte utiliserait l'IA pour redistribuer ses employés existants dans de nouveaux départements, dans le but d'éviter des licenciements. Mais cette démarche s'inscrit aussi dans une stratégie plus large pour modérer la croissance des embauches. Deloitte, qui a connu une augmentation significative de ses effectifs après la pandémie, cherche ainsi à optimiser la gestion de son personnel en période économique incertaine.
    Pour en savoir plus:
    Bloomberg, Business Insider

  • Parler depuis la prison grâce à l’IA : L'ancien Premier ministre pakistanais Imran Khan, actuellement en prison, a utilisé un clip audio généré par intelligence artificielle pour s'adresser à ses partisans lors d'un rassemblement en ligne. La diffusion, qui a attiré plus de 1,4 million de vues sur YouTube, a été perturbée par des problèmes de connexion à Internet, soulevant des inquiétudes quant à la transparence des élections à venir. Khan, actuellement en prison pour corruption, espère un soutien massif lors des élections générales prévues le 8 février.
    Pour en savoir plus:
    Reuters

  • Les tensions sino-américaines s’exportent sur Youtube : Une campagne pro-Chine a utilisé des avatars d'IA sur YouTube pour diffuser des narrations en anglais favorables à la Chine et anti-américaines. L'Institut australien de politique stratégique a identifié 30 chaînes YouTube avec plus de 4 500 vidéos, totalisant 120 millions de vues et 730 000 abonnés. Certaines utilisaient des voix générées par IA. 19 chaînes ont été supprimées après signalement à YouTube. La campagne est en cours depuis la mi-2022.
    Pour en savoir plus:
    The Register

BLOCKCHAINS

  • Le duel entre la SEC et Coinbase continue : La SEC américaine a rejeté une demande de Coinbase Global pour de nouvelles réglementations dans le secteur des actifs numériques. Suite à ce refus, obtenu par un vote de 3 contre 2, Coinbase a déposé une requête en justice pour contester la décision. La SEC considère la plupart des jetons crypto comme des valeurs mobilières, soumises à sa juridiction, tandis que Coinbase conteste cette affirmation.
    Pour en savoir plus:
    Wall Street Journal

  • 2023, l’année du prêt sur la blockhain : En 2023, les prêts privés basés sur la blockchain ont atteint 582 millions de dollars, un montant qui représente une augmentation de 128% en un an. Le taux d’intérêt annuel moyen d'un tel prêt est aujourd'hui de 9,65%.
    Pour en savoir plus:
    Coin Telegraph

QUANTUM

  • IBM forme au quantique : IBM vient d'annoncer s'associer avec l'université de Chicago et plusieurs universités au Japon et en Corée du Sud pour offrir une formation en recherche quantique à 40 000 étudiants. IBM participera au développement et à l'enseignement du programme quantique, tout en fournissant mentorat et programmes d'échange. Cette initiative s'inscrit dans le cadre de l'Alliance Quantique entre l'université de Chicago et l'université Tohoku du Japon.
    Pour en savoir plus:
    University of Chicago

EXPERT : TENDANCES 2024 - IA Prédictive

Le Gnome et les autres miracles de l’IA

Le monde cette année s’est concentré, presque obsédé, sur les modèles génératifs pré-entraînés (GPT). Mais ce qu’on appelle désormais “l’IA prédictive” n’a pas dit son dernier mot. La preuve par l’actualité de trois modèles de Google Deepmind, qui dépassent les humains en mathématiques, en chimie et en biologie.

“Le robot-scientifique découvre de nouveaux matériaux” (Qant, M. de R. avec Midjourney)“Le robot-scientifique découvre de nouveaux matériaux” (Qant, M. de R. avec Midjourney)

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Qant: Révolution cognitive et Avenir du numérique

Qant: Révolution cognitive et Avenir du numérique

Par QANT: IA et Technologies Émergentes

Jean Rognetta

Binational franco-italien, économiste de formation, Jean devient journaliste au milieu des années 1990, après avoir fait ses premiers pas dans l’édition et la technologie. Il débute sa carrière au groupe Tests, leader de la presse informatique, puis se spécialise en financement de l’innovation et des PME. Il couvre le sujet pour Les Echos et Capital Finance de 2000 à 2015. En 2016, il rejoint le magazine Forbes et devient directeur de la rédaction de l’édition française.
Pendant la crise financière, il lance l’association PME Finance, à l’origine notamment du PEA-PME et de l’amortissement du corporate venture, ainsi que partiellement de la libéralisation du crowdfunding. Elle fusionne en 2015 avec le groupement d’entrepreneurs Croissance Plus.
Depuis 2020, Jean a lancé la revue SAY, édition française de Project Syndicate, dont il reste contributing editor, le supplément Corporate Finance du Nouvel Économiste et la collection Demain! aux Editions Hermann.

Maurice de Rambuteau

Diplômé du Centre de Formation des Journalistes (CFJ Paris) et de l'Ecole Supérieure de Commerce de Paris (ESCP BS), Maurice de Rambuteau a fait ses premières armes de journaliste dans le sport, pour le site et le magazine SoFoot, puis au sein de la rédaction football de L'Equipe. Il s'est ensuite tourné vers le journalisme économique au sein de la rédaction de La Croix, avant de donner libre cours à sa passion pour la technologie en rejoignant Qant en juin 2022 pour un premier tour d’horizon de l’IA générative. Depuis, il a percé les mystères des blockchains et du métavers et, surtout, passé des dizaines de modèles d’IA au banc d’essai.

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