« Le progrès est devant nous, à condition de dépasser sa propagande » Paul Virilio

Chaque jour, les journalistes de Qant illustrent les tendances de fond qui animent la tech. Ils s’appuient sur Kessel Média et utilisent l’IA générative depuis mars 2022.

L’ÉVÉNEMENT

Bletchley Park : un sommet pour rien ?

Alors que le Royaume-Uni tiendra un sommet mondial sur la sécurité dans l’IA les 1er et 2 novembre, le brouillon de communiqué final semble indiquer que Rishi Sunak devra renoncer au projet de lancer une agence internationale pour l’IA. Un institut national suffira bien.

Mercredi 1er novembre prochain, la vice-présidente des États-Unis Kamala Harris et le président de Google DeepMind demis Hassabis – un citoyen britannique – participeront à un grand sommet international sur la sécurité de l'IA. Il se tiendra à Bletchley Park, là où Alan Turing a construit l’ordinateur qui a percé la machine cryptographique allemande Enigma pendant la deuxième guerre mondiale. Selon un projet de communiqué final du sommet obtenu par Politico, les pays participants devraient reconnaître que l'IA de pointe peut causer des dommages "graves, voire catastrophiques". C’est le sens du discours prononcé hier par le Premier ministre britannique Rishi Sunak (vidéo ci-dessus) qui, entre techno-optimisme et révérence au dynamisme entrepreneurial, rappelle le rôle essentiel des États pour éviter les risques.

La Grande-Bretagne semble avoir cultivé l’ambition de lancer, depuis le sommet, un réseau international de recherche préfigurant l’agence internationale sur l’intelligence artificielle que de nombreuses personnalités appellent de leurs vœux, à commencer par le secrétaire général de l'ONU António Guterres, qui a proposé en juillet dernier la création d'une agence des Nations Unies dédiée à la gestion des menaces liées à l'intelligence artificielle, allant de l'utilisation de l'IA dans les armes de destruction massive à son rôle dans la propagation de théories du complot. En mai dernier, de nombreux entrepreneurs de l’IA, Sam Altman en tête, avaient signé une lettre ouverte appelant à ce que le “risque d’extinction lié à l’IA” deviennent une “priorité mondiale” (lire Qant du 31 mai et du 21 septembre).

Rishi Sunak dit adieu au robot" (Qant, M. de R. avec Midjourney)

Selon Politico, le communiqué final devrait indiquer que l'étude de ces risques peut être menée à travers des efforts existants, notamment ceux de l'Organisation des Nations Unies et du Partenariat mondial sur l'IA. Le nouvel organisme prôné par la Grande-Bretagne disparaît, ainsi que les références aux recommandations de l'Unesco et du G20. La Chine, membre de ces deux organisations, a été invitée mais sa présence n’est pas encore confirmée. De plus, des références antérieures à des "sommets internationaux futurs sur la sécurité de l'IA" sont désormais incertaines, indiquant un manque d'accord entre les gouvernements. Le document, daté du 25 octobre, a été présenté par le secrétariat général du Conseil européen aux États membres de l'Union, indique Politico, qui laisse entendre que l’Europe a réussi à aligner “étroitement” le futur sommet avec l'approche de l'IA poursuivie par l'AI Act (lire Qant du 26 octobre).

Faute d'agence mondiale, Rishi Sunak lancera un institut national, dédié à la sécurité de l'intelligence artificielle. L'institut se concentrera sur l'examen, l'évaluation et le test de nouveaux types d'IA, en explorant les risques allant des biais et la désinformation jusqu'aux risques plus extrêmes de la guerre biologique ou nucléaire.

Pour en savoir plus :

• Politico

• Reuters

• Bloomberg

• Statement on AI Risk, Center for AI Safety

• Axios

L’ESSENTIEL : Amazon, Google, Grammarly, Mastercard, Meta, Runway, Valve

INTELLIGENCE ARTIFICIELLE

L’odyssée d’un retour à la maison

Deux artistes numériques, dont une française, ont soumis une œuvre très aboutie, créée en 48 heures, au premier concours de court-métrages réalisés par l’IA. Verdict à 15h, heure de Paris.

La semaine dernière, Runway ML, l’un des deux grands éditeurs de modèles text-to-video (avec la britannique Synthesia), a lancé un concours inédit. Pendant 48h d’affilée, des créateurs du monde entier ont généré des courts-métrages ; les 50 finalistes seront rendus publics aujourd’hui, à 9h heure de New York. Le public des internautes pourra ensuite voter pour le gagnant, qui recevra 5 000 dollars et le droit d’être montré au festival du film IA que Runway compte créer en mai de l’an prochain.

Une formule virale qui a fait le succès, en France, du Nikon Film Festival. La seule nouveauté venant de l’obligation pour les participants d’utiliser les modèles de Runway ML et, facultativement, les outils de Epidemic Sound, une société suédoise qui propose des bandes sonores librement réutilisables. Pour Homecoming (ci-dessus), Le Moon, une artiste française et ancienne productrice audiovisuelle, et sa complice new-yorkaise Ethereal Gwirl y ont fait appel. Mais elles ont surtout généré les voix avec Eleven Labs et Fulljourney.

Quant aux images, la première et la dernière partie du film proviennent de créations avec Midjourney animées avec Runway Gen2. La moitié centrale, dans un décor de ruines, a été générée directement à partir d’un texte. Il s’agit sans conteste des images les plus saisissantes. “Il y a souvent quelque chose de décevant dans l’image-to-video”, observe Le Moon: “La valeur esthétique d’une image créée avec Midjourney semble se perdre à l’animation”. Runway, qui est à l’origine de Stable Diffusion, utilise SD InPainting ou son propre modèle de diffusion, dont les résultats restent proches. “Le text-to-video est plus libre, plus puissant” conclut Le Moon, qui déplore que Midjourney soit de plus en plus policé, aux dépens de la création et de la liberté artistique. Après avoir généré quelque trois heures de vidéo, les deux artistes ont choisi un logiciel de montage collaboratif, CapCut, mais elles auraient pu aussi utiliser un modèle video-to-video, comme Runway Gen1.

Avec et non par

Dans Homecoming, la simplicité du scénario met ainsi en relief la qualité des images, ce qui dérive peut-être de la volonté de l’organisateur, mais aussi de la sensibilité de ses créatrices. Au début de la compétition, les artistes ont eu à choisir, dans une liste imposée, les personnages, les lieux et le sujet du scénario qu’il leur restait à créer. Elles ont ensuite utilisé ChatGPT pour générer les valeurs de plans et les dialogues : “Nous avons rarement appliqué ce que ChatGPT produisait”, explique Le Moon, “mais cela dégrossissait et pouvait nous donner de l’inspiration”.

A l’arrivée, Homecoming n’est pas sans rappeler, par une certaine esthétique, certaines œuvres de cinéma expérimental des années 1970 et 1980. “Nous vivons clairement une phase de recherche, aussi bien technique qu’artistique”, confirme Le Moon. Mais ce serait se tromper de siècle. Ethereal Gwirl et Le Moon se sont rencontrées sur Instagram. Elles ont rejoint ensemble un collectif, Fellowship, dont le site Daily.xyz vend leurs œuvres sous forme de NFT. La timeline du site montre la naissance de la vidéo générée par l’IA ; le musée d’art contemporain de Tallinn, en Estonie, s’apprête à lui faire place dans ses collections permanentes, avec un renouvellement hebdomadaire de l’œuvre exposée.

Retour à la maison ? Non. Retour vers le futur.

Pour en savoir plus :

• Runway Gen:48

• Le Moon

• Ethereal Gwirl

• Daily.xyz

INTELLIGENCE ARTIFICIELLE

• Le gouvernement américain veut mieux contrôler les modèles : Le 30 octobre, selon les informations du Washington Post, l'administration Biden prévoit de dévoiler un ordre exécutif étendu sur l'intelligence artificielle, qui utilisera le pouvoir d'achat du gouvernement fédéral pour imposer des exigences sur les modèles d'IA avant leur utilisation par les agences gouvernementales. Cette annonce interviendrait deux jours avant un sommet international sur l'IA au Royaume-Uni.
  Pour en savoir plus: Axios

• Avec Amazon, l’IA au service des annonceurs : Amazon teste une nouvelle fonctionnalité d'IA pour la génération d'images, permettant aux annonceurs de créer facilement des arrière-plans ou des scènes pour les publicités de leurs produits, visant à améliorer la performance des annonces grâce à des images plus attrayantes. Cette solution ne nécessite pas d'expertise technique et se destine aux annonceurs n'ayant pas d'équipe de création.
  Pour en savoir plus: The Verge

• Une IA pour recréer le style d’écriture : Grammarly, un assistant de rédaction basé sur l’IA, lancera d'ici la fin de l'année une fonctionnalité pour les abonnés de son offre business, permettant de détecter automatiquement le style d'écriture unique d'une personne et de créer un "profil vocal" pour réécrire n'importe quel texte dans ce style. Cette fonctionnalité permet aux utilisateurs de personnaliser leur profil en éliminant des éléments tels que le ton et les choix de style, mais suscite des inquiétudes quant à son utilisation potentielle pour l'imitation ou la publication non autorisée sous le nom d'autrui.
  Pour en savoir plus: Tech Crunch

• Midjourney prépare sa mue : Midjourney lance un nouveau site web et prévoit une importante mise à jour, avec notamment la génération d'images directement dans le navigateur au lieu de Discord. Cette mise à jour, dont la date de lancement n'est pas encore annoncée, vise à améliorer la recherche d'images et de prompts, la navigation, et à introduire de nouvelles fonctionnalités organisationnelles comme les collections.
  Pour en savoir plus: The Decoder

BLOCKCHAINS

• Mastercard s’associe à Moonpay : Mastercard s'est associé à MoonPay, une application de paiement pour cryptomonnaies et NFT, pour explorer les moyens de connecter et de fidéliser les consommateurs avec la blockchain. Cette collaboration permettra à MoonPay d'utiliser le système Crypto Credential de Mastercard, assurant des transactions fiables et conformes aux réglementations, et d'intégrer des technologies de paiement telles que Mastercard Send et Click to Pay.
  Pour en savoir plus: CoinDesk

AR-VR-XR

• La division métavers de Meta perd des plumes : La division Reality Labs de Meta, axée sur le métavers, a enregistré une perte de 3,7 milliards de dollars au troisième trimestre, avec une baisse de 26% des recettes à 210 millions de dollars due à la diminution des ventes de Meta Quest 2 avant le lancement du casque de réalité virtuelle Meta Quest 3 en octobre. La société prévoit que les pertes opérationnelles de Reality Labs augmenteront significativement en raison du développement de produits en réalité augmentée/virtuelle et des investissements pour élargir son écosystème.
  Pour en savoir plus: Venture Beat

• Lancement officiel pour SteamVR 2.0 : Valve a officiellement lancé SteamVR 2.0, une mise à jour majeure de la plateforme de contenu en réalité virtuelle, qui arrive un mois après le lancement surprise de sa version bêta en septembre (lire Qant du 27 septembre). Cette mise à jour intègre la plupart des fonctionnalités actuelles de Steam et Steam Deck dans SteamVR, y compris un clavier mis à jour, l'intégration du chat Steam et du chat vocal, une amélioration de la boutique et un accès facile aux notifications Steam, sans toutefois annoncer de nouveau matériel VR.
  Pour en savoir plus: The Verge

• La réalité augmentée pour tester son rouge à lèvres : Google vient de lancer des publicités en réalité augmentée pour les produits de beauté pour les lèvres et les yeux, permettant aux consommateurs de tester virtuellement ces produits via leurs smartphones. Ces publicités AR, qui apparaîtront dans les canaux mobiles habituels des annonces Google Shopping, sont considérées comme plus efficaces, avec des taux de conversion et un intérêt des consommateurs nettement supérieurs à ceux des annonces traditionnelles.
  Pour en savoir plus: Tech Crunch

QUANTUM

• D-Wave dans le creux de la vague : D-Wave Quantum est menacée de radiation de la Bourse de New York pour la deuxième fois, car son action est restée en dessous de 1 $ pendant 30 jours consécutifs, malgré une conformité retrouvée en juillet après une première alerte en mars. En réponse à la baisse de son action et aux conditions difficiles du marché, la société a annulé les bonus annuels de ses employés et explore des alternatives pour remédier à cette déficience et se conformer aux normes du NYSE. Fondée en 1999, D-Wave est connue pour avoir été la première entreprise d’informatique quantique au monde.
  Pour en savoir plus: HPC Wire