Qant: Révolution cognitive et Avenir du numérique

Chaque jour, les tendances de la tech et l'IA par Jean Rognetta et Maurice de Rambuteau

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Par QANT: Révolution cognitive et Avenir du numérique
22 nov. · 8 mn à lire
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Gagnants et perdants de l’IA et des cryptos

Sam Altman, Changpeng “CZ” Zhao : cette semaine aura marqué un tournant aussi bien pour l’IA, qui voit vaciller ChatGPT, que pour les cryptos, dont les pionniers disparaissent les uns après les autres. Bienvenue dans Qant, qui poursuit avec l’emploi son examen des menaces de l’IA, ce mercredi 22 novembre 2023.

« Le progrès est devant nous, à condition de dépasser sa propagande » Paul Virilio

Chaque jour, les journalistes de Qant illustrent les tendances de fond qui animent la tech. Ils s’appuient sur Kessel Média et utilisent l’IA générative depuis mars 2022.

L’ÉVÉNEMENT

Chez OpenAI, le retour du CEO prodigue

Moins d’une semaine après avoir été évincé par le conseil d’administration d’OpenAI, Sam Altman va faire son retour en tant que CEO. Une semaine d’âpres négociations aura tranché un débat presque philosophique sur la prudence à avoir dans le développement de l’IA.

"Le retour de l'Altman prodigue" (Qant, M. de R. avec Midjourney)"Le retour de l'Altman prodigue" (Qant, M. de R. avec Midjourney)

OpenAI vient d'annoncer ce mercredi matin le retour de Sam Altman au poste de CEO, quelques jours seulement après son éviction  (lire Qant du 20 novembre et du 21 novembre). Cette décision intervient avec un accord de principe pour une restructuration partielle du conseil d'administration qui l'avait renvoyé. Parmi les nouveaux venus figurent Bret Taylor, ancien dirigeant de Salesforce, et Larry Summers, ex-secrétaire au Trésor des États-Unis. L'ancien président d'OpenAI Greg Brockman, qui avait démissionné suite à l'éviction d'Altman, a également annoncé son retour. Cette réintégration fait suite à une pétition de la quasi-totalité des plus de 700 employés d'OpenAI, menaçant la démission. 

Satya Nadella, CEO de Microsoft, s’est réjoui des changements au sein du conseil d'OpenAI, les considérant comme une première étape essentielle vers une gouvernance plus stable et efficace. Microsoft, qui avait vu son cours de bourse décrocher à l’annonce du départ d’Altman, a réussi à éviter le pire. En faisant à Sam Altman une proposition extrêmement généreuse, le géant de Redmond a réussi à rassurer les marchés. L’arrivée potentielle de Sam Altman et de ses proches – virtuellement, toute l’équipe d’OpenAI – a même poussé le cours au plus haut. Sam Altman se serait vu confier une filiale créée sur mesure, avec un budget de recherche quasiment illimité et des stock options solides. 

La prudence au panier

Le modèle de gouvernance du grand groupe coté en Bourse s’impose donc sur celui de la fondation mêlée d’une start-up. Et le débat très californien entre “boomers” et “doomers” - les “accélérationnistes”, comme le VC Marc Andreessen ou le français Yann Le Cun, pour qui rien ne doit ralentir le déploiement de l’IA, et les “décélérationnistes” comme le prix Turing Geoffrey Hinton, pour qui la plus grande prudence s’impose - semble tranché. 

Le conseil d'administration d’OpenAI s’était révolté contre Altman sur des questions de transparence sur la sécurité des modèles – malgré divers démentis, ce point semble quasiment certain. Dans sa quête effrénée d’un nouveau CEO pour OpenAI, le conseil aurait même pressenti ce week-end le fondateur d'Anthropic, Dario Amodei. Il aurait proposé une fusion à celui qui a quitté OpenAI en 2020 en reprochant à Sam Altman d'aller trop vite, de déployer des modèles potentiellement dangereux.

Rien n’y a fait. Le retour d’Altman contraint les doomers à une reculade humiliante. Celui qui parmi eux fait le plus autorité, le directeur scientifique Ilya Sutskever, était déjà venu implorer le pardon du maître, octroyé par le biais de petits cœurs sur un tweet – tout le débat interne à OpenAI s’est tenu sur X-Twitter, avec force emojis. À son tour, Adam D'Angelo, ancien de Facebook et fondateur de Quora, est venu à Canossa. Le 3 février, Quora avait lancé Poe, un chatbot mobile que les GPTs lancés il y a deux semaines semblent condamner. Certaines indiscrétions veulent que D'Angelo n’ait pas été mis au courant de la sortie des GPTs – un “manque de transparence” qui l’aurait brouillé avec Altman.

Les négociations sont en cours, mais les deux hommes semblent destinés à rester au conseil, le temps que la gouvernance soit réformée. En revanche, rien n’est dit sur le sort des deux autres membres du conseil, l’entrepreneure Tasha McCauley, également membre de la Rand Corporation, et  l’Australienne Helen Toner, membre du Centre pour la gouvernance de l'IA à Oxford lancé début novembre (lire Qant du 20 novembre).

Elles semblaient surtout motivées par la prévention des risques de l’IA. Helen Toner, en particulier, s’est exprimée publiquement en faveur d’une surveillance publique de la sécurité de l'IA, plus exigeante que toute autorégulation. Le conseil est pourtant resté étonnamment silencieux tout au long de la crise. A aucun moment, il n’a justifié le licenciement de Sam Altman ni expliqué les raisons qui l’ont mené à une telle extrémité, au nom de la prévention des risques de l’IA. Il a laissé celui-ci apparaître comme une victime de l’arbitraire et fédérer toute l’entreprise autour de lui. 

“L’accélérationnisme” sort ainsi clairement gagnant de la semaine. Avant les événements, Sam Altman faisait justement état d’une importante avancée, “levant le voile de l’ignorance”. Il en aura besoin pour tourner la page et rétablir la confiance dans une entreprise bien secouée.

Pour en savoir plus :

Changpeng Zhao tombe de très haut

Le CEO de Binance Changpeng “CZ” Zhao va plaider coupable face aux accusations de blanchiment d’argent de la justice américaine. Avec deux conséquences : le règlement d’une amende de 4 milliards de dollars, et sa démission du poste de CEO de Binance.

“Changpeng Zhao tombe de la falaise” (Qant, M. de R. avec Midjourney)“Changpeng Zhao tombe de la falaise” (Qant, M. de R. avec Midjourney)

Le processus de “normalisation” des cryptoactifs continue. Changpeng “CZ” Zhao va démissionner de son poste de CEO de Binance, dans le cadre d'un accord avec le département fédéral de la Justice (DOJ) des États-Unis. Zhao plaidera également coupable aux accusations de blanchiment d'argent portées par le DOJ et Binance s’acquittera d’une amende colossale de 4 milliards de dollars. Cet accord, qui implique également la Commodity Futures Trading Commission (CFTC) mais pas la Securities and Exchange Commission (SEC), fait suite à plus de cinq années d'enquête sur Binance, la plus importante bourse en cryptomonnaies dans le monde.

Côté régulateurs, SEC avait accusé en juin Binance et son fondateur CZ d'opérer une bourse non enregistrée et de tromper les investisseurs en utilisant un fonds basé en Suisse, Sigma Chain, pour gonfler le volume de transactions sur la plateforme américaine de Binance. Ces accusations faisaient suite à des charges similaires de la CFTC, qui alléguait que l'entreprise offrait des dérivés cryptographiques, tels que des contrats à terme ou des options, à des citoyens américains sans s'enregistrer en tant que marchand de matières premières à terme.

Kraken dans le viseur

La Securities and Exchange Commission vient par ailleurs de poursuivre la troisième plateforme d'échanges de cryptomonnaies, Kraken, pour avoir opéré comme une bourse de valeurs sans s'être enregistrée auprès du régulateur. Cette action en justice fait partie de la stratégie de Gary Gensler, président de la SEC, visant à inclure les cryptomonnaies sous la juridiction de son agence, en les considérant comme des contrats d'investissement soumis aux lois fédérales sur les valeurs mobilières. Kraken est également accusé de contrôles internes insuffisants et de mauvaise tenue de registres, notamment en mélangeant les fonds des clients avec les siens et en utilisant directement les comptes clients pour couvrir ses frais d'exploitation. Kraken a réagi en niant les accusations de fraude et de manipulation de marché.

Pour en savoir plus

L’ESSENTIEL : Anthropic, Autonomy, Amazon, CoinDesk, Kraken, Mastercard, Rokid, Université du Texas, UPS

ROBOTS

Chez UPS, le robot joue à 6 contre 1

Le géant de la livraison vient de lancer un centre logistique qui devrait compter jusqu’à 3000 robots d’ici l’année prochaine, pour seulement 500 employés.

UPS vient de présenter un nouveau centre logistique , situé en périphérie de Louisville dans le Kentucky, avec une avancée significative dans l'automatisation des processus de distribution. Après un investissement de 79 millions de dollars, le site UPS Velocity intégrera plus de 3 000 robots. Ils auront pour tâche de récupérer les produits, de gérer l'inventaire, et d'améliorer la vitesse et la précision du traitement des commandes. 

A terme, l’entrepôt traitera plus de 350 000 colis par jour. Il jouera un rôle central dans la stratégie de UPS, dont la division logistique de l'entreprise a vu ses ventes augmenter de 11 % dans les neuf premiers mois de 2023. 

Pour l’heure, l'entrepôt a débuté ses opérations avec plus de 700 robots et une équipe de 200 employés, nombre qui devrait s'élever à 500, portant ainsi le ratio à six robots pour un humain. La mise en œuvre de cette technologie robotisée vise non seulement à optimiser les processus logistiques, mais également à améliorer les conditions de travail. Selon UPS, l'utilisation des robots a contribué à augmenter la fidélité des employés de 30 %. Elle réduit le nombre de blessures liées au travail manuel de 40 %. 

Quant aux robots, leur fidélité est de 100%.

Pour en savoir plus : Fortune

BLOCKCHAINS

  • Mastercard combat la fraude crypto avec l’IA : Mastercard vient d'annoncer un partenariat avec Feedzai, une plateforme de régulation technologique utilisant l'intelligence artificielle, pour détecter et combattre la fraude liée aux cryptomonnaies. Ce partenariat permettra à Feedzai d'intégrer la plateforme CipherTrace Armada de Mastercard, qui aide les banques à surveiller les transactions de plus de 6 000 échanges de cryptomonnaies pour détecter fraudes et activités suspectes.
    Pour en savoir plus:
    CNBC

  • CoinDesk change de mains : Le site d'actualités sur les cryptomonnaies CoinDesk a été acquis par Bullish, une bourse de cryptomonnaies dirigée par l'ancien président de la Bourse de New York Tom Farley. L'acquisition, réalisée en espèces pour un montant non divulgué, ne modifiera pas l'équipe de gestion actuelle de CoinDesk, qui continuera de fonctionner comme une filiale indépendante au sein de Bullish.
    Pour en savoir plus:
    Wall Street Journal, The Verge

INTELLIGENCE ARTIFICIELLE

  • Claude fait peau neuve : Anthropic vient d'annoncer le lancement de Claude 2.1, la dernière version de son assistant IA conversationnel, capable de traiter jusqu'à 200 000 tokens de contexte (environ 150 000 mots ou 500 pages de texte), avec des améliorations significatives en termes de longueur de contexte, de précision et de capacités d'intégration. Cette version offre une meilleure fiabilité grâce à une réduction de 50 % des déclarations fausses ou hallucinées, et introduit un support initial pour la connexion à des API d'entreprise, bases de données et services web, tout en restant en phase bêta.
    Pour en savoir plus:
    Search Engine Journal

  • L’IA pour préparer la semaine de quatre jours : L'utilisation de l'IA pourrait permettre à près d'un tiers des travailleurs britanniques et américains d'adopter une semaine de travail de quatre jours d'ici à 2033, selon une étude du think tank Autonomy. Les gains de productivité dus à  l'introduction de modèles de langage avancés dans les lieux de travail pourraient permettre de réduire la semaine de travail à 32 heures pour 28% de la main-d'œuvre, tout en maintenant salaire et performance.
    Pour en savoir plus:
    The Guardian

  • Amazon forme à l’IA : Amazon vient d’annoncer le lancement de cours gratuits sur l'intelligence artificielle générative. Cette initiative, nommée "AI Ready", fait partie des programmes de formation en IA d'AWS et propose huit cours couvrant la gestion et le développement de projets IA, visant à former 2 millions de personnes d'ici 2025.
    Pour en savoir plus:
    Wall Street Journal

  • ChatGPT devient vocal, et Greg Brockman en parle : Greg Brockman, ex-président d'OpenAI, continue de publier des mises à jour sur les produits d'OpenAI. Il a notamment partagé la fonctionnalité de narration vocale de ChatGPT (lire Qant du 26 septembre), maintenant disponible pour tous les utilisateurs. La vidéo d'exemple publiée par OpenAI montre une utilisatrice demandant à ChatGPT combien de pizzas sont nécessaires pour 778 personnes (le nombre de salariés d'OpenAI, NDLR), car "l'équipe a eu une journée difficile".
    Pour en savoir plus:
    Tech Crunch

AR-VR-XR

  • Rokid voit 112 millions de dollars dans ses lunettes AR: Le métavers est encore bien vivant à Hong-Kong, qui vient de voir naître une licorne dans le secteur. NetDragon Websoft, une entreprise qui opère des plateformes de services Web et mobiles (apps, gaming…), vient de prendre la tête du tour de série C de Rokid, qui développe notamment des lunettes de réalité augmentée. NetDragon apporte 20 millions sur 112 millions de dollars levés par la start-up, soutenue dès l’origine par le singapourien Temasek. La start-up a également conclu un partenariat stratégique de cinq ans avec NetDragon pour créer des expériences immersives dans le métavers.
    Pour en savoir plus:
    Bloomberg

QUANTUM

  • Le quantique au service de la génétique : Dans une étude multidisciplinaire, des chercheurs de l'université du Texas ont démontré comment l'informatique quantique peut aider dans la recherche génétique en découvrant de nouveaux liens entre les gènes auparavant indétectables. Ils ont utilisé cette technologie pour cartographier les réseaux de régulation génétique (GRN), ce qui permet de prédire plus précisément les relations entre les gènes et pourrait avoir d'importantes implications en médecine humaine et animale.
    Pour en savoir plus:
    Phys.org

EXPERT : Les risques de l’IA, IV

Cet article est le quatrième d’une série consacrée aux risques que pose l’IA.

On peut lire aussi :

  • Pourquoi l’intelligence artificielle générale fait si peur, Qant du 21 novembre

  • Les risques nouveaux de l’IA Open Source, Qant du 20 novembre

  • L’IA, le bioterrorisme et le souvenir de la pandémie, Qant du 17 novembre

L’IA ne fera pas disparaître le travail de sitôt

Elon Musk voit venir “un moment où il n'y aura plus besoin de travail", grâce aux progrès de l'intelligence artificielle. "Vous pourrez avoir un travail si vous le souhaitez", a poursuivi le PDG de Tesla et SpaceX, "mais l'IA sera capable de tout faire." L'avenir est long, et Musk n'a pas précisé quand exactement ce moment arrivera. Au moins pour les prochaines décennies, les chances que l'IA provoque une apocalypse des emplois sont extrêmement faibles. La crainte que l'IA ne provoque un chômage de masse méconnaît fondamentalement l'évolution des économies.

Michael Strain vu par MidjourneyMichael Strain vu par Midjourney

Par Michael Strain, directeur des études de politique économique à l'American Enterprise Institute

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