Les secrets de l'IA, entre recherche et renseignement

Aux Émirats, G42 plie le genou devant les services de renseignement américains • GXO Logistics fait collaborer robots autonomes et humanoïdes • La SEC, la FTC et la CMA scrutent l'IA de près • Des souris chaussent des lunettes VR • Bienvenue dans Qant, qui décortique les secrets du papier de recherche de Gemini, ce mardi 12 décembre 2023.

« Le progrès est devant nous, à condition de dépasser sa propagande » Paul Virilio

Chaque jour, les journalistes de Qant illustrent les tendances de fond qui animent la tech. Ils s’appuient sur Kessel Média et utilisent l’IA générative depuis mars 2022.

L’ÉVÉNEMENT

Entre Pékin et Washington, un bras de fer mondial sur l’IA

La décision de l’émirati G42 de cesser tout partenariat avec des entreprises chinoises marque un nouvel épisode de la longue guerre que les États-Unis mènent contre Huawei. Sur fond de tensions sino-américaines dans l’IA.

“Un bras de fer autour de l’IA” (Qant, M. de R. avec Midjourney) “Un bras de fer autour de l’IA” (Qant, M. de R. avec Midjourney) 

Cet été, le groupe G42 a lancé, via sa filiale Inception, un LLM open source nommé Jaïs, de 13 milliards de paramètres, entraîné sur un jeu de données en arabe et en anglais de presque 400 milliards de tokens. Fondé à Abu Dhabi en 2018 par Peng Xiao, un Chinois naturalisé Émirati, G42 est tout sauf un petit joueur. Il gère entre autres un fonds d’investissement de 10 milliards de dollars et le Condor Galaxy, un supercalculateur dédié à l’entraînement d’IA (et qui propose 4 exaflops avec un réseau de 64 Cerebras S2).

Depuis le lancement de Jaïs, G42 ne cesse de se rapprocher des États-Unis. En octobre, il a conclu un accord pour commercialiser dans la péninsule arabique les modèles d’OpenAI et, par extension, sans doute le cloud Microsoft Azure (lire Qant du 20 octobre). La semaine dernière, il a annoncé son intention de cesser ses partenariats avec les entreprises chinoises. Cette décision intervient après des avertissements répétés des services de renseignement américains sur les liens de G42 avec la Chine. Ceux-ci sont allés jusqu’à agiter l'épouvantail que des données génétiques américaines soient mises à la disposition du gouvernement chinois mais le fond de l’affaire tient à l’utilisation par G42 de matériels fabriqués par Huawei. D’après les déclarations de son fondateur à la presse, G42 s’est trouvé acculé à choisir.

Huawei rit, Nvidia pleure

Les sanctions imposées par l’administration Trump contre Huawei en 2019 ont été renforcées par l’administration Biden l’an dernier. Cette dernière a également imposé des restrictions générales à l'exportation de puces d’IA vers la Chine, qui touchent particulièrement le leader du marché. Nvidia réalise en effet 20 % de son chiffre d’affaires en Chine. En octobre dernier, Nvidia a précisé dans un document envoyé au régulateur boursier que les nouvelles GPU pour l’exportation qu’elle avait conçues pour se conformer aux sanctions ont été elles-mêmes spécifiquement interdites (lire Qant du 26 octobre). 

Huawei a accusé le coup : en 2022, ses bénéfices se sont réduits de 69%, à 5 milliards de dollars environ, alors que son chiffre d’affaires continuait d’augmenter de 1%. Sa position de premier fournisseur de puces d’IA fait affluer les commandes (lire Qant du 8 novembre). Et son retard sur les électroniciens américains semble en train de se combler.

Pour en savoir plus :

L’ESSENTIEL : Agility Robotics, Google, GXO, Meta, Nvidia, Ripple, The Sandbox, la SEC, l’université Northwestern

ROBOTS

Chez GXO, les robots travaillent ensemble

Après Amazon, le géant GXO Logistics teste le robot humanoïde Digit d’Agility Robotics. Il le fait travailler avec des robots mobiles autonomes.

GXO Logistics, un logisticien américain vers qui se tournent toute sorte de sociétés, d’Apple à Whirlpool via Nike ou Nestlé, intègre le robot humanoïde Digit d'Agility Robotics dans ses opérations. Dans un entrepôt en Géorgie, dans le sud des États-Unis, un projet pilote a été lancé pour évaluer les capacités de Digit dans la manipulation de bacs remplis de produits.  

Son rôle consiste à récupérer des bacs acheminés par des robots mobiles autonomes (AMR), pour ensuite les déposer sur un convoyeur. Digit identifie l'arrivée des AMR et agit en conséquence. Pour l'avenir, il est envisagé que Digit puisse interagir directement avec le système de gestion des AMR, permettant une coordination plus fluide et efficace au sein de l'entrepôt.

Digit, d’une taille de 1,75 mètre et d’un poids de 64 kilogrammes, est capable de soulever jusqu'à 16 kilogrammes. Amazon le teste dans des tâches similaires (lire Qant du 20 octobre) mais l'interaction de Digit avec des AMR est une première dans le domaine. 

Si cette phase initiale est concluante, GXO envisage d'utiliser Digit dans divers autres rôles en 2024. Agility Robotics a récemment inauguré RoboFab, une installation de fabrication de robots dans l'Oregon capable de produire plus de 10 000 robots par an (lire Qant du 20 septembre).

Pour en savoir plus : The Robot Report

INTELLIGENCE ARTIFICIELLE

  • L’alliance Microsoft-OpenAI sous le feu des régulateurs : L'Autorité britannique de la concurrence (CMA) et la FTC américaine ont annoncé être en train d'examiner le partenariat entre Microsoft et OpenAI pour d'éventuelles violations antitrust. La CMA a expliqué recueillir des informations pour déterminer si le partenariat constitue une "situation de fusion pertinente", tandis que la FTC est encore au stade préliminaire de son enquête. Jusqu’à présent, Microsoft n’avait pas eu à déclarer aux autorités de concurrence son investissement dans OpenAI, grâce au statut associatif de cette dernière.
    Pour en savoir plus:
    Bloomberg, Silicon Angle

  • Llama vire au violet : Meta vient de présenter le projet Purple Llama, un ensemble d'outils open-source destinés à renforcer la sécurité des modèles d'IA générative. Ces outils de cybersécurité, de protection des entrées/sorties ou encore de validation seront mis à disposition des développeurs utilisant le modèle open source Llama de Meta. Le terme de "violet" illustre la volonté d'adopter une approche mêlant stratégie offensive (rouge) et défensive (bleue).
    Pour en savoir plus:
    InfoWorld

  • Nvidia mise sur le Vietnam : A défaut de la Chine (lire ci-dessus), Nvidia va renforcer sa collaboration avec le Vietnam pour y soutenir le développement de l'intelligence artificielle et l'infrastructure numérique. Jensen Huang, CEO de Nvidia, a annoncé des partenariats étendus avec les principales entreprises technologiques vietnamiennes et envisage l'établissement d'un centre de recherche et développement dans le pays.
    Pour en savoir plus:
    Reuters

  • La SEC se penche sur l’IA : La SEC enquête sur l'utilisation de l'IA par les conseillers en investissement. Cette initiative, diligentée par le directeur général Gary Gensler, vise à obtenir des informations sur les modèles algorithmiques et la gouvernance de l'IA. Cette démarche s'inscrit dans le cadre des préoccupations de la SEC concernant les risques liés à l'IA dans le secteur financier.
    Pour en savoir plus:
    The Messenger, Wall Street Journal

  • Google veut raconter votre vie : Google développerait en interne un projet intitulé "Projet Ellmann", qui utilise l'IA pour raconter l'histoire de vie des utilisateurs à partir de données et photos de leurs téléphones. Ellmann, qui s'appuie notamment sur le modèle Gemini de Google, vise à identifier des motifs dans les photos et créer un chatbot pour répondre à des questions complexes sur la vie personnelle.
    Pour en savoir plus:
    CNBC, The Register

BLOCKCHAINS

  • Donner à la Croix-Rouge … sur The Sandbox : La Croix-Rouge française lance sa première collecte de fonds sur blockchain en partenariat avec The Sandbox. Cette initiative permettra aux donateurs de soutenir l'association en achetant des NFT à partir du 14 décembre. The Sandbox doublera les contributions par des dons supplémentaires.
    Pour en savoir plus:
    JDN

  • En Océanie, la monnaie de Ripple séduit : La république des Palaos, en Océanie, a fait état dans un premier bilan d'une grande satisfaction dans le cadre de son projet pilote de monnaie numérique de banque centrale (CBDC) avec Ripple. Malgré quelques difficultés techniques, le programme aurait été bien accueilli par les commerçants locaux. Début novembre, c’est la Géorgie qui a fait confiance à Ripple pour développer sa CBDC, le lari numérique (lire Qant du 7 novembre).
    Pour en savoir plus:
    CryptoSlate

AR-VR-XR

  • Des lunettes VR … pour les souris : Des chercheurs de l'université Northwestern dans l'Illinois ont développé des lunettes de réalité virtuelle pour souris, nommées Imrsiv, pour étudier la réponse cérébrale à des prédateurs en approche. Ce système immersif permet de simuler des menaces aériennes et d'analyser à la fois les réactions physiques et l'activité neuronale des souris.
    Pour en savoir plus:
    Engadget

EXPERT

Gemini au microscope

Une fois le soufflé de l’annonce de Gemini retombé, l’heure est à l’analyse des promesses des nouveaux modèles et de la stratégie de Google. Le géant investit une quantité de ressources titanesque dans l'apprentissage automatique, la gestion des données et l'infrastructure, mais aussi le développement responsable. Il préfigure un système d'intelligence artificielle plus vaste et modulaire : un pas de plus vers une IA plus généraliste et polyvalente.

“La famille de robots” (Qant, M. de R. avec Midjourney)“La famille de robots” (Qant, M. de R. avec Midjourney)

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Qant: Révolution cognitive et Avenir du numérique

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Par QANT: IA et Technologies Émergentes

Jean Rognetta

Binational franco-italien, économiste de formation, Jean devient journaliste au milieu des années 1990, après avoir fait ses premiers pas dans l’édition et la technologie. Il débute sa carrière au groupe Tests, leader de la presse informatique, puis se spécialise en financement de l’innovation et des PME. Il couvre le sujet pour Les Echos et Capital Finance de 2000 à 2015. En 2016, il rejoint le magazine Forbes et devient directeur de la rédaction de l’édition française.
Pendant la crise financière, il lance l’association PME Finance, à l’origine notamment du PEA-PME et de l’amortissement du corporate venture, ainsi que partiellement de la libéralisation du crowdfunding. Elle fusionne en 2015 avec le groupement d’entrepreneurs Croissance Plus.
Depuis 2020, Jean a lancé la revue SAY, édition française de Project Syndicate, dont il reste contributing editor, le supplément Corporate Finance du Nouvel Économiste et la collection Demain! aux Editions Hermann.

Maurice de Rambuteau

Diplômé du Centre de Formation des Journalistes (CFJ Paris) et de l'Ecole Supérieure de Commerce de Paris (ESCP BS), Maurice de Rambuteau a fait ses premières armes de journaliste dans le sport, pour le site et le magazine SoFoot, puis au sein de la rédaction football de L'Equipe. Il s'est ensuite tourné vers le journalisme économique au sein de la rédaction de La Croix, avant de donner libre cours à sa passion pour la technologie en rejoignant Qant en juin 2022 pour un premier tour d’horizon de l’IA générative. Depuis, il a percé les mystères des blockchains et du métavers et, surtout, passé des dizaines de modèles d’IA au banc d’essai.

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