Pendant que Stanislas Lot (Daphni) analyse les chances de la France dans la course à l'IA, AlphaSense pointe vers une nouvelle direction. Et pendant que Yoshua Bengio et Nick Bostrom s'interrogent sur le degré de conscience atteint par l'IA, l'armée américaine s'en équipe avec Palantir. Bienvenue dans Qant, vendredi 29 septembre.
« Le progrès est devant nous, à condition de dépasser sa propagande » Paul Virilio
Chaque jour, Jean Rognetta et Maurice de Rambuteau, les journalistes de Qant, illustrent les tendances de fond qui animent la tech. Ils s’appuient sur Kessel Média et utilisent l’IA générative depuis mars 2022.
"Petit robot veut se faire aussi gros que ChatGPT" (Midjourney, M. de R.)
La scale-up new-yorkaise AlphaSense, spécialisée dans la veille stratégique, vient de lever 150 millions de dollars lors d'un nouveau tour de financement, portant sa valorisation à 2,5 milliards de dollars. Or, AlphaSense aide ses clients à extraire des informations pertinentes d'une grande quantité de contenus publics et privés, comme la recherche financière, les publications de résultats, les dépôts légaux et les actualités. Les fonds levés seront utilisés pour développer la vaste collection de contenus commerciaux consultables de l'entreprise et réaliser des acquisitions stratégiques pour élargir les capacités de sa plateforme, mais surtout pour migrer l’entreprise vers l’IA.
Dans un panorama très déprimé de l’investissement technologique, où seules des startups spécialisées en intelligence artificielle trouvent de l’argent, AlphaSense avait levé 100 millions de dollars en avril, lors d'un tour de financement de série D soutenu par le bras de capital-risque d'Alphabet, CapitalG, valorisant la société à 1,8 milliard de dollars. Ce tour E, dirigé par la société d'investissement technologique Bond avec la participation d'investisseurs existants, notamment CapitalG et Goldman Sachs, montre une importante augmentation de la valeur d’entreprise, de l’ordre de 40%.
En cela, il constitue le premier financement majeur de la transformation par l’IA, qui prend la relève de la transformation numérique.
M. de R.
Pour en savoir plus :
Lire aussi l’interview ci-dessous :
"Stanislas Lot vu par Midjourney" (© M. de R.)
Qant. Quel est aujourd’hui le panorama de l’IA générative en France ?
Stanislas Lot. Nous vivons un moment excitant, enthousiasmant ! On est encore très tôt dans la chaîne, en train d’assister à la formation de l’écosystème. Historiquement, la France a généré de très belles réussites entrepreneuriales, comme Hugging Face, Dataiku et Datadog ; elle a accueilli les équipes de recherche de Meta, en partie celles de Deepmind… Cela a créé un exceptionnel réservoir de talents dans l’IA, ce qui la rend particulièrement attractive. Non seulement Mistral AI a levé plus de 100 millions d’euros, mais on voit beaucoup de start-up européennes se demander si elles ne vont pas suivre l’exemple de Poolside AI, une start-up américaine qui est venu s’installer en France après avoir réuni 126 millions de dollars en amorçage. Ce sont des signaux extrêmement positifs, même s’il ne faut pas se voiler la face devant les difficultés.
Stanislas Lot. Les masses d’argent en jeu dépassent l’échelle du capital-risque français et même européen : OpenAI a levé 11 milliards de dollars, Anthropic environ 5 milliards… Sur certains modèles d’IA, on voit se recréer la dynamique qui a été celle du cloud. Contre les trois leaders américains suréquipés et surcapitalisés, la France a créé de belles pépites – OVH, Scaleway… – mais elles ne peuvent pas rivaliser à l’international. Ce sont des sujets qui deviennent étatiques : on le voit bien dans le Golfe, où l’Arabie Saoudite investit massivement dans des puces Nvidia…
Qant. La France pourra-t-elle rattraper son retard, notamment sur les LLM ?
Stanislas Lot. Quand on voit que c’est un fonds californien, Lightspeed Ventures, qui a été le principal investisseur dans Mistral, on peut se dire que tout n’est pas perdu… Beaucoup de choses vont se jouer sur les deuxièmes tours de start-up comme Mistral, Poolside ou, en Allemagne, Aleph Alpha. Une intervention publique forte sera nécessaire pour ne pas répéter l’erreur qui a laissé Google et AWS dominer leurs marchés. C’est une question de souveraineté : l’industrie européenne ne peut pas se permettre d’ouvrir l’intégralité de ses documents à des étrangers.
L’Europe peut apporter une réponse à la bonne échelle. On a encore très peu de visibilité sur l’AI Act, mais la régulation permettra sans doute de prendre des paris gagnants. Si OpenAI renâcle tant à fournir les sources des réponses de ChatGPT, ce n’est peut-être pas si innocent…
Stanislas Lot. En effet. Le fond du sujet est technologique. Est-ce que les grands modèles généralistes vont s’imposer, avec un prix compétitif sur l’ensemble des cas d’usage ? Ou au contraire des plus petits modèles, spécifiques, verticaux, surentraînés, vont-ils se révéler plus efficaces aussi bien en coût qu’en performance ? Il y a très peu de visibilité sur ces questions pour l’instant.
À court terme, il est évident que des petits modèles surentraînés vont l’emporter sur les grands, qui ne peuvent être les meilleurs partout. Mais à long terme ? C’est de cela que dépendra la structure du marché des applications d’IA.
J.R.
Des chercheurs de l'université de l’État de Washington à Seattle ont développé un petit robot autonome nommé MilliMobile. Sans batterie, ce robot, de la taille d'une pièce de monnaie et pesant autant qu'un raisin, est alimenté par la lumière ambiante ou les ondes radio. MilliMobile est équipé d'un dispositif de récolte d'énergie semblable à un panneau solaire et peut se déplacer par incréments sur des surfaces comme le béton ou la terre. Capable de porter trois fois son propre poids, il peut transporter des caméras et des capteurs pour collecter des données. Inspiré par le calcul intermittent, le robot se déplace en incréments discrets, utilisant de petites impulsions d'énergie. MilliMobile a été testé dans diverses conditions, y compris en faible luminosité, et peut se diriger lui-même grâce à des capteurs et des microprocesseurs.
Pour en savoir plus : GeekWire
Vendre de l’intelligence aux soldats : L'armée américaine a accordé un contrat de 250 millions de dollars à Palantir Technologies pour la recherche et le développement en intelligence artificielle et en machine learning. Ce contrat de trois ans s'appuie sur les travaux que Palantir réalise pour le Army Research Lab depuis 2018. Les détails précis du contrat n'ont pas été divulgués, mais en mai dernier, Palantir avait également présenté une plateforme de gestion de LLM dans un cadre militaire (lire Qant du 4 mai). Suite à cette annonce, les actions de Palantir ont augmenté de 6%.
Pour en savoir plus: Bloomberg
Cloudfare pousse vers les bords son nuage de produits IA : Cloudflare, le fournisseur de services cloud, lance de nouveaux outils d'IA pour aider les clients à construire, déployer et exécuter des modèles d'IA en bordure de réseau (Edge AI). Parmi ces nouveaux produits, Vectorize offre une base de données vectorielle pour stocker les embeddings générés par les modèles, et AI Gateway fournit des métriques pour une meilleure gestion des coûts des applications IA. En mai, Cloudfare avait déjà lancé une première suite d’outils d’IA à destination des entreprises (lire Qant du 17 mai).
Pour en savoir plus: Tech Crunch
Photoshop revêt ses habits d’IA : Après près de deux ans en version bêta, le service "Photoshop on the web" d'Adobe, une version en ligne simplifiée de son application de retouche photo de bureau, est désormais disponible. Cette version intègre des outils comme "Generative Fill" et "Generative Expand", alimentés par le modèle IA Firefly d'Adobe (lire Qant du 25 mai). Bien qu'Adobe ait initialement envisagé une version freemium de son service, la société a annoncé qu'il n'y aurait pas d'offre gratuite immédiate, mais les nouveaux utilisateurs peuvent essayer "Photoshop on the web" via des démos interactives gratuites et des tutoriels sur le site d'Adobe avant de s'abonner.
Pour en savoir plus: The Verge
Ive et la hype : L'ancien designer culte d'Apple, Jony Ive, et le PDG d'OpenAI, Sam Altman, discutent selon le média The Information de la conception conjointe d'un nouvel appareil IA non spécifié, peut-être un smartphone basé sur l'IA générative. Masayoshi Son, PDG de la société d'investissement japonaise SoftBank, serait en discussion avec Ive et Altman concernant ce projet.
Pour en savoir plus: Financial Times
Des cartes d’identité grâce à la blockchain au Brésil : Le gouvernement brésilien vient de mettre en place une technologie blockchain pour soutenir l'émission de nouvelles cartes d'identité nationales afin de prévenir la fraude. Le service, nommé B-Cadastros, permettra de rechercher, émettre et modifier les nouvelles cartes d'identité et les numéros d'enregistrement fiscal, centralisant ainsi le système d’état-civil du pays et renforçant la sécurité des données.
Pour en savoir plus: Forbes
Binance quitte la Russie : La plateforme d'échange de cryptomonnaies Binance a annoncé sa sortie complète du marché russe en vendant son entreprise locale à une nouvelle plateforme d'échange de cryptomonnaies nommée CommEX. Bien que les détails financiers n'aient pas été divulgués, Binance précise qu'il n'y aura aucun partage des revenus suite à cette vente et qu'elle ne possède aucune option pour racheter des parts dans l'entreprise.
Pour en savoir plus: Financial Times
Snap renonce au métavers pour les entreprises : Snap, l'entreprise derrière le réseau social Snapchat, vient d'annoncer la fermeture de sa division dédiée aux services de réalité augmentée pour les entreprises quelques mois seulement après son lancement, en raison des difficultés économiques et d'une faible adoption. La fermeture entraînera la suppression d'environ 170 emplois.
Pour en savoir plus: Bloomberg
Une coalition pour la cryptographie post-quantique avec IBM et Microsoft : IBM Quantum et Microsoft viennent d'annoncer la formation d'une "coalition" avec plusieurs partenaires, dont Mitre et l'université de Waterloo, pour développer la cryptographie post-quantique, qui vise à contrer les menaces potentielles des ordinateurs quantiques futurs. La coalition travaillera à intégrer de nouveaux algorithmes de cryptographie post-quantique pour garantir une transition en toute sécurité.
Pour en savoir plus: Coin Telegraph
"L'IA prend conscience" (M. de R., Midjourney)
...