L'IA dans la presse, entre remplacement et augmentation

Pendant que Sports Illustrated rejoint la liste des médias épinglés pour leur mauvaise utilisation de l'IA, le rachat de Roomba par Amazon se complique et la Californie s'inspire du RGPD. Bienvenue dans Qant, qui analyse l'avenir incertain des cryptos, ce mercredi 29 novembre 2023.

« Le progrès est devant nous, à condition de dépasser sa propagande » Paul Virilio

Chaque jour, les journalistes de Qant illustrent les tendances de fond qui animent la tech. Ils s’appuient sur Kessel Média et utilisent l’IA générative depuis mars 2022.

L’ÉVÉNEMENT

Écrire avec l’IA, mais l’assumer

Sports Illustrated, magazine sportif américain historique, est sous le feu des critiques après avoir publié des articles écrits par l’IA. Rien ne lui aura valu de les supprimer. Ces scandales récurrents, toutefois, n’empêchent pas la technologie de se frayer un chemin dans les journaux.

"Le robot-journaliste" (Qant, M. de R. avec Midjourney)"Le robot-journaliste" (Qant, M. de R. avec Midjourney)

D’après le média américain Futurism, plusieurs articles sur le site web de Sports Illustrated auraient été produits à l'aide de l'IA, sans mention particulière. Les profils des contributeurs associés à ces articles étaient également générés par IA. Les journalistes de Futurism ont trouvé les photos des « auteurs » sur des sites vendant des images générées par IA.

Le syndicat interne du journal, Sports Illustrated Union, proche d’une  société des journalistes, a violemment protesté, qualifiant ces pratiques de violation des principes fondamentaux du journalisme. Les journalistes ont exigé des réponses et de la transparence de la part de la direction du groupe Arena, propriétaire de Sports Illustrated, concernant les contenus publiés sous le nom du magazine.

En réponse, Arena a déclaré que les articles en question étaient des critiques de produits et du contenu sous licence d'une entreprise tierce, AdVon Commerce. Selon le porte-parole d’Arena, AdVon a assuré que tous les articles étaient rédigés et édités par des humains, bien que l'entreprise ait utilisé des pseudonymes pour certains articles afin de protéger la vie privée des auteurs. Après ces révélations, le groupe Arena a mis fin à son partenariat avec AdVon. 

Fin octobre, la même société avait provoqué les mêmes effets sur le site du quotidien national USA Today. Plusieurs articles publiés sur Reviewed, un site d’évaluation de produits intégrés au site de USA Today, ont été analysés par des programmes de détection d’IA comme n’ayant pas été écrits par des humains (lire Qant du 30 octobre). Ils avaient été produits par AdVon Commerce. Comme Arena, le groupe Gannett, propriétaire de USA Today, a battu en retraite précipitamment.

La querelle des pros et des antis

En janvier dernier, c'est un pionnier des médias numériques, CNet, qui avait vu se déchainer les critiques lorsque l’on avait découvert que plus de 70 articles sur la finance avaient été signés "CNET Money Staff" alors qu'ils avaient été créés grâce à l'IA (lire Qant du 23 janvier). Le projet était de remplacer à terme la rédaction par l’IA générative. CNet a dû faire machine arrière cet été, s'engageant au contraire à ce qu'aucun article ne soit désormais entièrement rédigé par l'IA (lire Qant du 16 octobre).

Cependant, les exemples de médias assumant ouvertement l'IA se multiplient, comme le site néerlandais Voetbal International qui publie des rapports de matchs écrits par l'IA grâce aux données d'Opta. On peut également citer le site suisse Heidi.news, ou encore en France Numerama, filiale du groupe Ebra, qui a lancé une newsletter entièrement rédigée grâce à l'IA, Artificielles. Heidi a rédigé une charte déontologique sur l'IA, dans laquelle le média explique qu'il "n’entend pas remplacer les journalistes par des machines", mais que l'IA peut "aider le travail des journalistes pour l’affinage de données brutes au même titre qu’un logiciel comme Excel, et comme appoint pour la rédaction d’articles, à l’instar des dictionnaires de synonymes en ligne ou des correcteurs d’orthographe automatiques". Le pionnier en la matière restera le néerlandais Innovation Origins, qui a présenté en janvier dernier Laio, une IA rédactrice pourvue d’un avatar et signant de son “nom”. 

Deux approches coexistent donc. L’affaire Sports Illustrated confirme la tentation permanente de laisser l’IA générer seule du contenu à faible valeur ajoutée. Elle continuera sans doute de se renforcer au fur et à mesure que les modèles se perfectionnent, malgré les réactions des journalistes, d’autant que l’on n’a pas obseervé, jusqu’à présent, de réactions particulières du lectorat. C’est l’approche la plus ancienne, basée à l’origine sur des arbres de décision, qui permet de générer des articles sur les résultats électoraux, les matches sportifs et les cours de bourse. Dès 2019, le New York Times faisait remarquer que presque un tiers des articles de Bloomberg étaient générés par l’IA. Les licenciements annoncés par le groupe Springer au quotidien berlinois Bild Zeitung relèvent de la même logique (lire Qant du 6 mars et du 30 juin).

Construire l’avenir

D’autres, surtout des start-up, considèrent l’IA comme un outil pour les journalistes, qui restent seuls responsables des articles présentés sous leur signature. C’est l’approche de Heidi, Innovation Origins et Qant, qui se veut un laboratoire de bonnes pratiques en la matière. Elle semble destinée à se généraliser: plusieurs systèmes de gestion de contenu (CMS) ont annoncé inclure l'intelligence artificielle dans leur fonctionnement (lire Qant du 16 octobre). C'est notamment le cas de Brightstop, dont le CMS a intégré les modèles d'OpenAI pour la suggestion assistée de titres, sous-titres et même corps de texte. Brightstop compte notamment parmi ses clients L'Opinion, Politico et le National Geographic.

En septembre dernier, une étude de la London School of Economics (LSE) réalisée auprès d'une centaine de médias dans près de 50 pays montrait un intérêt concret venant de la profession. 85% des journalistes sondés admettent notamment s'être servis au moins une fois de l'IA pour rédiger des titres, voire des brèves. Et les trois quarts déclarent aux enquêteurs de la LSE qu’ils voient dans l’IA des opportunités nouvelles pour le journalisme. Reste à les construire. 

Pour en savoir plus :

L’ESSENTIEL : Amazon, AWS, CPPA, IBM, Standard Chartered, Tron, Varjo

ROBOTS

La pince robotique se répare toute seule

Une équipe de chercheurs a présenté une pince auto-réparatrice reposant sur un élastomère aisément retraité et recyclé.

Des chercheurs de l'université de Cambridge et de la Vrije Universiteit de Bruxelles ont mis au point une pince robotique souple auto-réparatrice. Cette innovation, présentée dans le journal Advanced Intelligent Systems, repose sur un élastomère auto-cicatrisant capable de se réparer de dommages tels que des rayures ou des perforations. 

Ce matériau spécial, une classe de polymère dotée de propriétés uniques comme l'élasticité et la robustesse, se distingue par sa capacité à s'auto-réparer sous l'effet de la chaleur. Un capteur de pression intégré sert de système d'alerte précoce en cas de dommage, tandis qu'un chauffage autonome intégré permet une guérison en environ neuf minutes à une température de 70°C. Des billes d'acier hautement conductrices, enfermées dans la membrane auto-cicatrisante, maximisent le transfert de chaleur pour aider au processus de guérison autonome. Ces billes peuvent également être réutilisées dans une nouvelle pince ou retraitées par fusion. 

Les matériaux souples et flexibles utilisés pour la fabrication de robots souples absorbent les chocs et protègent le robot des impacts mécaniques. Cette pince peut être entièrement retraitée et recyclée, offrant ainsi une alternative durable aux silicones traditionnellement utilisés dans les pinces robotiques souples, qui sont peu recyclables et qui n’ont qu’une durée de vie limitée. 

Pour en savoir plus : TechXplore

  • Le rachat de Roomba par Amazon en péril : L'Union européenne enquête sur l'acquisition de iRobot Corp, fabricant du Roomba, par Amazon, pour 1,4 milliard de dollars. La Commission craint que cela ne nuise à la concurrence sur le marché des aspirateurs robots et ne renforce la position d'Amazon dans les places de marché en ligne. Elle a émis des objections préliminaires, indiquant que l'accord pourrait conduire Amazon à favoriser ses produits sur sa plateforme, et a fixé une date limite au 14 février pour décider d'approuver ou de bloquer la transaction avec des concessions.
    Pour en savoir plus: Fortune

INTELLIGENCE ARTIFICIELLE

  • Vers un RGPD californien : L'Agence californienne de protection de la vie privée (CPPA) prépare de nouvelles réglementations pour encadrer l'utilisation de l'intelligence artificielle et des technologies de prise de décision automatisée. Ces réglementations prévoient des droits d'opposition et d'accès pour les résidents de l'État, leur permettant de refuser l'utilisation de leurs données pour l'IA ou d'obtenir le cas échéant des informations détaillées sur cette utilisation. Les entreprises pourraient être tenues de fournir des options de désinscription aux résidents californiens pour éviter que leurs données soient traitées pour la publicité comportementale.
    Pour en savoir plus: Tech Crunch

  • AWS intègre un modèle d’IA pour le speech-to-text : La plateforme de transcription d'AWS, Amazon Transcribe, est désormais alimentée par une IA générative, dont le modèle de fondation n’a pas été précisé. Sa capacité passe ainsi de 79 à 100 langues, avec une précision encore douteuse, de 20% à 50%. Amazon Transcribe a également été amélioré pour produire des transcriptions mais aussi des résumés d'appels. Le service intègre des fonctionnalités comme la ponctuation automatique et l'identification automatique de la langue. Le ou les modèles auraient été entraînés sur des millions d'heures de données audio non étiquetées.
    Pour en savoir plus: The Verge

BLOCKCHAINS

  • Standard Chartered rejoint le projet de yuan numérique : La banque britannique Standard Chartered participera aux essais de la monnaie numérique de la banque centrale chinoise, l'e-CNY (lire Qant du 11 août), devenant ainsi l'une des premières banques étrangères à le faire en Chine. Elle permettra à ses clients d'acheter, d'échanger et de racheter de l'e-CNY via ses comptes bancaires. Elle explorera également son utilisation future dans les paiements transfrontaliers, le financement du commerce et le financement de la chaîne d'approvisionnement dans le cadre du programme pilote de l'e-CNY en Chine.
    Pour en savoir plus: CoinTelegraph

  • Les cryptos dans le conflit israélo-palestinien: La blockchain Tron semble désormais privilégiée par le Hamas et le Hezbollah pour leurs transactions en cryptomonnaies. Il y a eu une augmentation significative des saisies de cryptomonnaies dans des portefeuilles Tron depuis 2021, tandis que les saisies dans des portefeuilles de bitcoin ont diminué. En 2023, Israël a effectué 87 saisies de portefeuilles Tron, dont 39 en juin, liés au Hezbollah libanais, et 26 en juillet, associés au Jihad islamique palestinien, allié du Hamas. Tron appartient à Justin Sun, un entrepreneur chinois, qui a récemment fait parler de lui quand 115 millions de dollars en cryptomonnaies ont été dérobés par des hackers des plateformes HTX et Hecochain, toutes deux liées à Sun (lire Qant du 27 novembre).
    Pour en savoir plus: Reuters, CoinDesk

AR-VR-XR

  • Un casque complètement Varjo : La startup finlandaise Varjo vient de présenter son dernier casque de réalité mixte, le XR-4, au prix de 3 990 dollars, visant le marché des entreprises. Le XR-4, doté de deux écrans 4K, d'un champ de vision élargi, de capteurs de lumière ambiante et de lidar amélioré, est conçu pour des applications professionnelles telles que la formation en réalité virtuelle et la cartographie de sites de construction.
    Pour en savoir plus: CNBC

QUANTUM

  • Ready, System One : IBM a installé un système de calcul quantique de 127 qubits, le "Quantum System One", à l'université de Tokyo, marquant l'arrivée du premier système quantique "à l'échelle utilitaire" dans la région. Cette installation, qui fait partie d'un partenariat de recherche entre le Japon et IBM (lire Qant du 21 septembre), sera utilisée dans divers domaines tels que la bioinformatique, la science des matériaux et la finance.
    Pour en savoir plus: Coin Telegraph

EXPERT : Ari Jules et Eswar Prasad, Cornell University

L’avenir incertain des cryptos ne doit pas compromettre le développement de la blockchain

Après que les activités délictueuses de l’échange de crypto-actifs FTX ont conduit à son effondrement en 2022 et à la condamnation de son fondateur Sam Bankman-Fried, le leader du marché Binance a accepté de payer une amende de 4 milliards de dollars et son fondateur, Changpeng Zhao, a été forcé à la démission. C’est toute une industrie qui est mise devant ses responsabilités.

“Ari Jules vu par Midjourney”“Ari Jules vu par Midjourney”

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Qant: Révolution cognitive et Avenir du numérique

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Par QANT: Révolution cognitive et Avenir du numérique

Jean Rognetta

Binational franco-italien, économiste de formation, Jean devient journaliste au milieu des années 1990, après avoir fait ses premiers pas dans l’édition et la technologie. Il débute sa carrière au groupe Tests, leader de la presse informatique, puis se spécialise en financement de l’innovation et des PME. Il couvre le sujet pour Les Echos et Capital Finance de 2000 à 2015. En 2016, il rejoint le magazine Forbes et devient directeur de la rédaction de l’édition française.
Pendant la crise financière, il lance l’association PME Finance, à l’origine notamment du PEA-PME et de l’amortissement du corporate venture, ainsi que partiellement de la libéralisation du crowdfunding. Elle fusionne en 2015 avec le groupement d’entrepreneurs Croissance Plus.
Depuis 2020, Jean a lancé la revue SAY, édition française de Project Syndicate, dont il reste contributing editor, le supplément Corporate Finance du Nouvel Économiste et la collection Demain! aux Editions Hermann.

Maurice de Rambuteau

Diplômé du Centre de Formation des Journalistes (CFJ Paris) et de l'Ecole Supérieure de Commerce de Paris (ESCP BS), Maurice de Rambuteau a fait ses premières armes de journaliste dans le sport, pour le site et le magazine SoFoot, puis au sein de la rédaction football de L'Equipe. Il s'est ensuite tourné vers le journalisme économique au sein de la rédaction de La Croix, avant de donner libre cours à sa passion pour la technologie en rejoignant Qant en juin 2022 pour un premier tour d’horizon de l’IA générative. Depuis, il a percé les mystères des blockchains et du métavers et, surtout, passé des dizaines de modèles d’IA au banc d’essai.

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