GPT-4 au volant, Cruise au tournant

Pendant que Cruise rappelle sa flotte, OpenAI s'associe à une start-up dans les véhicules autonomes, Humane présente un possible successeur au smartphone et des scientifiques comparent l'IA au cerveau animal. Bienvenue dans Qant, vendredi 10 novembre 2023.

« Le progrès est devant nous, à condition de dépasser sa propagande » Paul Virilio

Chaque jour, les journalistes de Qant illustrent les tendances de fond qui animent la tech. Ils s’appuient sur Kessel Média et utilisent l’IA générative depuis mars 2022.

L’ÉVÉNEMENT

Véhicules autonomes : Cruise qui pleure, OpenAI qui rit

Nouvelle déconvenue pour Cruise, qui vient de rappeler toute sa flotte de véhicules autonomes. Waymo et Tesla confirment ainsi leur avance sur General Motors et les autres constructeurs automobiles, mais les LLM pointent le bout de leur nez...

“Les taxis autonomes à l’arrêt à San Francisco” (Qant, M. de R. avec Midjourney)“Les taxis autonomes à l’arrêt à San Francisco” (Qant, M. de R. avec Midjourney)

Cruise, filiale de General Motors, vient d'annoncer le rappel de ses 950 véhicules autonomes dans tous les États-Unis, pour une mise à jour logicielle. Début octobre, un accident avait vu un piéton happé et traîné sur plusieurs mètres par un robotaxi de Cruise, après une collision initiale avec un autre véhicule. La voiture autonome, après avoir percuté le piéton projeté par le premier choc, a tenté de se déporter sur le côté, aggravant les blessures de la victime.

Techniquement, le rappel cible un défaut dans le sous-système de détection de collision du logiciel de conduite automatisée de Cruise. Le patch prévu évitera que les véhicules ne tentent de se ranger en cas d'accident similaire et choisissent de rester immobiles.

Le numérique l’emporte sur l’automobile

Cruise, qui a suspendu ses opérations à l'échelle nationale après que les régulateurs californiens ont jugé ses véhicules comme un risque pour la sécurité publique, a également annoncé la suspension temporaire de la production de son véhicule autonome de niveau 4, le Cruise Origin. La filiale de General Motors fait face à deux autres enquêtes fédérales sur la sécurité de ses voitures, dont l’une concerne un cas où le véhicule n'aurait pas cédé le passage à des piétons. Durant l’été, les pompiers de San Francisco avaient accusé un véhicule Cruise en panne d’avoir bloqué le passage d’une ambulance ; le patient transporté est décédé des suites de ses blessures.

Que Cruise se remette ou non de ce mauvais coup, General Motors, jusqu’à présent seul constructeur automobile en pointe dans les véhicules autonomes, voit son image écornée. Les firmes issues du numérique ne rencontrent pas les mêmes difficultés : Waymo, créé par Google, s’affirme comme le seul pionnier à faire rouler des véhicules de niveau 4. Tesla n’a pas encore ouvert de service de robotaxi mais son IA s’affine au point qu’elle semble miser sur sa capacité à vendre de l’IA aux autres constructeurs : c’est le projet Dojo, qui a su animer son cours de Bourse (lire Qant du 12 septembre). Mais une innovation de taille pourrait venir bouleverser ce palmarès.

La menace fantôme

La start-up Ghost Autonomy s’est lancée en 2017 non loin de San Francisco sur le même modèle que celui qu’on prête aujourd’hui à Dojo : proposer aux constructeurs une plateforme qui leur permet d’intégrer l’IA à leurs véhicules. Son architecture était semblable à celles de ses nombreuses consœurs, jusqu’à une découverte de taille : GPT-4 Vision est en mesure d’analyser les images recueillies par les capteurs du véhicule aussi bien sinon mieux que les IA de la génération précédente. D’après la start-up, GPT-4 s’avère également satisfaisant pour prédire les comportements des piétons, objets et autres véhicules alentour.

La recherche sur les modèles de compréhension de scènes complexes basés sur les grands modèles de langage (LLM), ne fait que commencer. Mais la capacité des systèmes de conduite autonome à naviguer dans des situations complexes et inédites reste encore faible, ce qui conduit les robotaxis à rester confinés dans des villes soigneusement cartographiées et à mal gérer les conditions météo.

Si le potentiel de la découverte de Ghost se confirme, alors les véhicules autonomes, dont tout le monde désespérait il y a encore un an, pourront bénéficier de l’effervescence de la recherche sur les LLM.

Et ouvrir un nouveau marché à OpenAI, qui vient de nouer un partenariat avec Ghost et de lui apporter 5 millions de dollars en série E annoncés le 8 novembre, sur un total de 220 millions levés.

Pour en savoir plus : 

L’ESSENTIEL : Adobe, Boston Dynamics, HSBC, Humane, Meta, Microsoft, SAG-Aftra, Samsung, Tether

ROBOTS

Spot et la Pat’Patrouille

Utilisé par la police de Los Angeles depuis mai, Spot le chien-robot a vécu mercredi sa première arrestation.

Un chien-robot de Boston Dynamics a aidé la police de Los Angeles lors d'une intervention mercredi à 4 heures du matin à Hollywood. Après avoir été informé par un passager de la présence de l'homme armé, le conducteur avait arrêté le véhicule et évacué les passagers, ne laissant à bord que l'homme armé. Ne parvenant pas à établir le contact avec l'homme, les policiers déployés sur place ont utilisé leur chien-robot pour évaluer la situation.

Spot a pu leur confirmer qu'un homme, armé d'un pistolet, s'était endormi dans le bus. Après une impasse de deux heures, l'homme s'est réveillé, est sorti du bus et a été interpellé pour un interrogatoire plus approfondi. Il s'est avéré que l'arme était un pistolet à air comprimé. 

Le robot a été acheté 278 000 dollars par une fondation, puis donné à la police de Los Angeles. En mai dernier, le conseil municipal de Los Angeles avait accepté l’utilisation de Spot, exigeant des rapports trimestriels sur son utilisation (lire Qant du 30 mai). Celui-ci devrait être divertissant.

Pour en savoir plus : CBS News

INTELLIGENCE ARTIFICIELLE

  • Accéder à l’IA sans téléphone et sans lunettes : Après des mois de battage médiatique (lire Qant du 25 avril et du 4 octobre), la start-up Humane a présenté l'AI Pin, un appareil wearable qui permet d’accéder à GPT-4 et peut-être d’autres LLM, tout en disposant des autres fonctions de base d’un téléphone : prendre des photos et des vidéos, rechercher de l’information sur Internet, dicter du texte, et même passer des appels vocaux, traduits en temps réel dans la langue de votre interlocuteur (comme les prochains Galaxy, ci-dessous)… L’AI Pin a donc tout d’un téléphone (même le prix) mais, sans écran, il ne pèse que 34 grammes. Au besoin, l’utilisateur peut lui faire projeter des informations sur la surface de son choix, comme la main. Cette “broche IA” s’apparente donc plus aux lunettes XR de Meta et Ray-Ban qu’à l’autre wearable IA proposé au marché, un pendentif-espion qui enregistre toute la journée (lire Qant du 28 septembre et du 9 octobre).
    Pour en savoir plus: The Verge

  • Un téléphone à traduction simultanée: Après avoir présenter son modèle Samsung Gauss (lire Qant du 9 novembre), Samsung vient d'en montrer l’application concrète : Galaxy AI, une "expérience d'intelligence artificielle mobile" qui sera intégrée dans ses smartphones, sans doute à partir de l’an prochain. Pour en donner un avant-goût,  Samsung a montré une fonctionnalité capable de traduire les appels téléphoniques en temps réel grâce à l'IA. AI Live Translate Call sera intégrée dans l'application d'appels native de Samsung. Elle effectuera des traductions vocales simultanées, mais aussi textuelles. Humane propose la même fonctionnalité pour l’AI Pin (lire ci-dessus).
    Pour en savoir plus: The Verge

  • La presse contre l’IA: La News Media Alliance, une association qui représente plus de 2200 éditeurs américains dont le New York Times, a publié sa réponse à une consultation de l’office américain du copyright.  Elle affirme que les chatbots basés sur l'intelligence artificielle comme ChatGPT utilisent de manière disproportionnée des contenus d'actualité protégés par le droit d'auteur pour entraîner leurs technologies. La News Media Alliance indique que ces outils privilégient les articles de presse par rapport au contenu générique en ligne pour l'apprentissage des modèles et que les chatbots reproduisent parfois des extraits d'articles dans leurs réponses, ce qui pourrait constituer une violation du droit d'auteur.
    Pour en savoir plus: New York Times

  • Lutter contre la désinformation avec des étiquettes…: Meta vient d'annoncer sa décision d'étiqueter les publicités politiques utilisant des images générées par intelligence artificielle sur Facebook et Instagram. La règle prendra effet au début de l'année prochaine et s'appliquera mondialement. Le but est d’informer les utilisateurs lorsque des images réalistes de personnes ou d'événements ont été altérées par IA dans les publicités. Tout contenu enfreignant cette règle sera retiré de leurs plateformes. Cette décision intervient peu après que Meta ait annoncé qu'elle ne rendra pas disponibles ses outils publicitaires d'IA aux marketeurs politiques (lire Qant du 8 novembre).
    Pour en savoir plus: Associated Press

  • … Mais en tout petits caractères: Adobe Stock étiquette les images générées par intelligence artificielle représentant le conflit entre Israël et le Hamas qu’elle propose, mais certaines sont partagées en ligne sans indication claire de leur caractère fictif, rapporte le média australien Crikey. Il remarque que bien qu'Adobe Stock exige que les images générées par IA soient clairement désignées comme telles, certaines ne le sont qu'avec de petits caractères, et non dans les titres, ce qui peut induire en erreur les utilisateurs quant à leur authenticité.
    Pour en savoir plus: Crikey, Business Insider

  • A Hollywood, la grève est terminée : La Screen Actors Guild-American Federation of Television and Radio Artists (SAG-Aftra, syndicat d'acteurs américain) vient de conclure un accord provisoire avec les studios, mettant fin à une grève de 118 jours, la plus longue de l'histoire d'Hollywood, centrée sur l'utilisation de l'intelligence artificielle dans les performances des acteurs et les paiements résiduels pour le contenu diffusé en streaming (lire Qant du 11 août). Bien que les termes précis de l'accord restent inconnus, il semble que les acteurs aient obtenu certaines protections liées à l'IA qu'ils réclamaient. La fin de la grève permettra la reprise des productions cinématographiques et télévisuelles.
    Pour en savoir plus: Wired

BLOCKCHAINS

  • L’Amérique contre Tether et les blockchains chinoises : Une proposition de loi bipartisane à la chambre des représentants américains prévoit d'interdire aux fonctionnaires fédéraux de faire affaire avec des entreprises de blockchain basées en Chine et d'utiliser le stablecoin USDT de Tether. Ce projet de loi, nommé Clarity Act, vise à protéger la sécurité nationale et la confidentialité des données. Peut-être la peur de la Chine et la volonté de remettre au pas les cryptos permettront-elles à ce projet de surmonter le blocage législatif avant les élections de 2024.
    Pour en savoir plus: Business Insider

  • HSBC accélère la tokénisation des actifs : La banque sino-britannique HSBC prévoit de lancer en 2024 un service de garde pour les actifs numériques basés sur la blockchain, à l'exception des cryptomonnaies, en partenariat avec la société suisse d'actifs numériques Metaco. Cela permettra aux clients institutionnels de stocker des jetons représentant des actifs financiers traditionnels. La banque a également créé des tokens représentant de l'or physique dans ses coffres à Londres (lire Qant du 7 novembre) et elle a lancé l'année dernière une plateforme d'actifs numériques, HSBC Orion, pour l'émission de versions tokenisées d'actifs financiers.
    Pour en savoir plus: Reuters

AR-VR-XR

  • Samsung prépare son casque XR pour 2024 : Samsung prévoit de lancer un casque XR en quantités limitées fin 2024, avec une annonce attendue lors d'un événement au second semestre 2024 et un lancement initial de seulement 30 000 unités en décembre, selon le média sud-coréen JoongAng. Le casque utilisera des micro-écrans OLED de Samsung Display, une technologie également utilisée dans l'Apple Vision Pro, et Samsung s'est associé à Google et Qualcomm pour le développement de ce nouveau matériel XR (lire Qant du 6 février).
    Pour en savoir plus: JoongAng, UploadVR

QUANTUM

  • Microsoft soutient Photonic : La startup canadienne Photonic vient de lever 100 millions de dollars lors d'un tour de financement incluant un investissement de Microsoft, portant le financement total à 140 millions de dollars depuis sa création en 2016. Cette levée de fonds s'accompagne d'une collaboration stratégique avec Microsoft pour intégrer les technologies de Photonic à la plateforme cloud Azure, avec l'ambition de concrétiser les promesses du calcul quantique.
    Pour en savoir plus: Crunchbase

EXPERT

L’IA du pigeon (et celle des mammifères)

Plusieurs études montrent des similitudes entre le fonctionnement des modèles d’intelligence artificielle et celui du cerveau animal : des mammifères et même des pigeons.

“Le pigeon augmenté par l’IA” (Qant, M. de R. avec Midjourney)“Le pigeon augmenté par l’IA” (Qant, M. de R. avec Midjourney)

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Qant: Révolution cognitive et Avenir du numérique

Qant: Révolution cognitive et Avenir du numérique

Par QANT: Révolution cognitive et Avenir du numérique

Jean Rognetta

Binational franco-italien, économiste de formation, Jean devient journaliste au milieu des années 1990, après avoir fait ses premiers pas dans l’édition et la technologie. Il débute sa carrière au groupe Tests, leader de la presse informatique, puis se spécialise en financement de l’innovation et des PME. Il couvre le sujet pour Les Echos et Capital Finance de 2000 à 2015. En 2016, il rejoint le magazine Forbes et devient directeur de la rédaction de l’édition française.
Pendant la crise financière, il lance l’association PME Finance, à l’origine notamment du PEA-PME et de l’amortissement du corporate venture, ainsi que partiellement de la libéralisation du crowdfunding. Elle fusionne en 2015 avec le groupement d’entrepreneurs Croissance Plus.
Depuis 2020, Jean a lancé la revue SAY, édition française de Project Syndicate, dont il reste contributing editor, le supplément Corporate Finance du Nouvel Économiste et la collection Demain! aux Editions Hermann.

Maurice de Rambuteau

Diplômé du Centre de Formation des Journalistes (CFJ Paris) et de l'Ecole Supérieure de Commerce de Paris (ESCP BS), Maurice de Rambuteau a fait ses premières armes de journaliste dans le sport, pour le site et le magazine SoFoot, puis au sein de la rédaction football de L'Equipe. Il s'est ensuite tourné vers le journalisme économique au sein de la rédaction de La Croix, avant de donner libre cours à sa passion pour la technologie en rejoignant Qant en juin 2022 pour un premier tour d’horizon de l’IA générative. Depuis, il a percé les mystères des blockchains et du métavers et, surtout, passé des dizaines de modèles d’IA au banc d’essai.

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